-Damian Wayne-

860 51 26
                                    

Le jeune garçon rajusta la veste de son costume d'écolier. Il n'était pas nerveux, plutôt serein. Un stoïque, comme son père. Impassible, digne, fier. Il était toujours tiré à quatre épingles, son costume était d'un bleu marine uniforme, sans bavure, sans pli, sa cravate était remontée comme une corde autour de son cou, et ses boutons de manchettes reflétaient la lumière du jour. Son attention se portait, comme très souvent, sur la route qui défilait devant son regard impuissant. A croire que les ruelles de Gotham étaient plus intéressantes que l'homme face à lui, que son père. Il était assis sur la banquette, juste devant sa progéniture dont il était si fier, qu'il chérissait. Mais le petit ne lui adressa un regard.

<<-Alors, Damian, prêt pour ta dernière année ici ?>>

Sa voix était amicale, ce qui étonna le jeune homme qui ne l'avait entendu que trop rarement changer de ton, de son air sérieux.

<<-Oui. J'y suis prêt depuis longtemps, répondit-il simplement en daignant quitter des yeux les lampadaires fuyants.>>

Il se tint droit, croisant les doigts face à lui, et regarda d'un air solennel son père. Ce dernier esquissa un sourire, avant de fondre dans un rire que le jeune adolescent avait trouver si rare. Le plus vieux essuya brièvement le coin de ses yeux humide tout en se remettant de son petit moment d'égarement. Il avait, pendant un instant, laissé tomber son masque d'homme d'affaires, pour montrer à son fils l'humanité joviale qu'il cachait.

<<-Tu me ressembles, en somme, poursuit-il. J'étais comme toi, avant, sûr de moi. Et c'est en te voyant maintenant que je me demande comment Alfred faisait pour ne pas rire de moi, finit-il dans un sourire.>>

La voiture s'arrêta sur le bord de la chaussée. Le jeune homme pris une bretelle de son sac à dos et la posa sur une épaule. Il se décala sur le côté, attendant qu'Alfred lui ouvre. Une puissante main agrippa son poignet. Il se tourna vers son père. Ce dernier l'étreignit, tendrement, comme un père à son fils, une étreinte que Damian connaissait peu mais qu'il appréciait.

<<-Travail bien, lui adressa-t-il une dernière fois avant de le laisser partir.>>

« Travail bien », Damian n'avait nullement besoin de travailler pour être un des meilleurs de sa classe. Il avait des aptitudes incroyables, mémorisait simplement et facilement, sans grands efforts. Mais il savait aussi qu'à travers cette simple indication, son père lui disait qu'il était fier, et ceci rendit le sourire au jeune garçon. La tête grisonnante du majordome apparue alors face à la portière. Alfred était un vieil homme qui se tassait sur son corps âgé, mais il tenait encore admirablement son poste et élevait Damian comme il avait élevé Bruce, auparavant.

<<-Bonne journée, monsieur Damian, adressa-t-il de sa voix chevrotante.

   -Vous aussi, Alfred.>>

Le garçon donna une petite tape sur l'épaule de son employé, et posa un pied sur le trottoir. Il inspira, bombant le torse, l'air frais de la ville. Et, d'un pas décidé, il s'avança vers l'allée. Des centaines d'élèves passaient à côté de lui, tous portant ce même sceau sur le buste, sur leur veste. Il ne leur prêtait aucune attention, il se dirigeait simplement vers les escaliers qui menaient au grand bâtiment blanc qui se présentait face à lui. Il gravit les marches simplement, une main sur l'anse de son sac, et pénétra dans l'immense hall de l'école. Il avança alors en direction de son casier, le même que l'année dernière. Tous les ans le même, les mêmes photos que personnes ne voyaient, les mêmes cahiers, livres, et parfois quelques jouets qu'elle déposait. Il avait hâte de la revoir, de les revoir. Il pressa alors le pas, espérant les apercevoir au bout du couloir. Mais non, il était bel et bien le premier, comme l'année passée, et l'année d'avant, et encore avant. Il était toujours le premier. Et, comme à chaque fois, il reposa la faute sur le pauvre Alfred, qui devait surement l'emmener trop tôt. Et bien sûr, jamais il ne lui dira, ces accusations resteront dans sa tête l'espace d'une matinée, avant qu'elle ne s'évapore à chaque discussion qu'il tiendrait. Et puis, pauvre Alfred, lui qui se bat corps et âmes pour que tout soit parfait. Il ne manquerait plus qu'on le lui reproche. Il sortit cette petite clef qu'il trainait depuis trois années. Une vieille clef rouillée qui portait encore cette chauve-souris qu'elle avait dessinée au marqueur, et qu'il n'avait pas pris la peine de faire changer. Il ne voulait pas la changer. Il l'inséra dans le cadenas, et ouvrit la petite armoire métallique. Il y déposa les cahiers qu'il avait pris en trop, comme à chaque fois. Il était bien conscient que cela était idiot de prendre tous les cahiers, mais à quoi bon, il recommençait encore et encore à chaque rentrée. Un toc, peut-être, ou bien simplement une habitude étrange. Allez savoir, lui-même n'avait pas d'avis sur la question. Soudain, deux bras frêles s'enroulèrent autour de son torse. Il sentit son odeur qu'il connaissait bien. Une odeur sucrée et explosive, un mélange de framboise et de pêche. Il tourna alors la tête, avant de faire complètement face à son assaillante. Une jolie petite blonde aux yeux verts. Elle n'était pas bien grande, son front frôlait son nez. Sa chevelure d'or était pâle, encadrant son visage rond et enfantin. Son petit nez, ses yeux émeraudes, ses pommettes rosées, et ses lèvres fines et rouges. Sa peau d'albâtre la rendait pure, innocente.

<<-As-tu perdu ta langue, Damian? Demande-t-elle faussement inquiète.>>

Le jeune homme avait oublié à quel point elle jouait bien la comédie, à quel point elle était bonne actrice et que ses expressions ne pouvaient paraitre fausses tant elles semblaient vraies. Mais avec lui, il savait qu'elle jouait rarement ce jeu-là, que rarement elle incarnait un rôle. Elle était elle, une petite boule d'énergie qui aimait rire et s'amuser.

<<-Non, très chère, répondit-il sur le même ton. Comment vas-tu, Lucy?

    -Oh, moi, je vais bien. Bon, je t'avoue qu'Edward est très à cheval sur ma scolarité, mais j'ai réussi à me débarrasser de lui, rit-elle de bon cœur.>>

Il aimait bien son sourire. Il était particulier, éclatant, envoûtant, un je-ne-sais-quoi de fou qui lui allait bien. Quelque chose d'inhumain, mais d'extraordinaire.

Les enfants de Gotham -Tome 1 : La Relève-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant