-Karen et Karl Kyle-

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La grille en métal retomba lourdement sur le parterre en béton, et s'échappèrent de la bouche d'aération deux silhouettes. L'un avait une forte carrure qui se détachait dans le ciel gris, et l'autre avait de jolies courbes. Ils se ressemblaient beaucoup, la même chevelure brune, le même teint basané, les mêmes prunelles d'ambre, le même minois félin. Il n'y avait aucun doute sur leur lien de parenté. Jamais on les avait vu si bien habillé. D'ordinaire, ils portaient des pantalons troués, des vestes en cuir, des tee-shirts en résilles, des vêtements principalement noirs, sombres, délavés et troués. Mais pour l'école, ils étaient bien obligés de faire un effort. Ils s'approchèrent tout deux du bord, surplombant la ville. Ils se sentaient bien, fiers, roi et reine de la ville qui s'étendait devant eux. Ils connaissaient chaque coin, chaque tournant, chaque ruelle, chaque caniveau, chaque volute de fumée qui encerclaient les appartements délabrés. Ils étaient chez eux, ils étaient à Gotham.

<<-Là bas !>>

Le jeune garçon indiquait de son index un duo d'adolescents qui semblait en différent, l'un en colère contre l'autre. Alors, les frères et sœurs se sourirent d'un air narquois, et coururent tout deux vers le vide. Ils grimpèrent sur le rebord en béton, et ils sautèrent de l'immeuble. Leurs pieds et leurs mains brassaient l'air, et le vent soulevait les pans de leurs chemises et de sa jupe. Puis, ils retombèrent sur la passerelle métallique, accroupis pour amortir leur chute. S'en suivi un jeu d'équilibre pour passer les barrières, tourner autour des poutres, survoler les marches.

Ils se posèrent en hauteur. Au loin, ils épiaient les deux jeunes gens qui se rapprochaient d'eux, insouciant. Ils se regardèrent, les yeux luisant de malice. La jeune fille entama le décompte de sa main droite. 3. Leurs sourires s'élargirent. 2. Ils prirent appuis sur leurs jambes. 1!

Ils prirent d'assaut les deux jeunes gens, atterrissant à leurs pieds. Ces derniers, terrorisés, firent un bond en voyant les deux silhouettes. Mais, finalement, ils reconnurent leurs deux amis, et grognèrent, énervés. Les deux rirent, heureux de leur petite farce. Pourtant, le duo devrait être habitué, mais à chaque fois, ils se laissaient prendre au dépourvu. Et les deux garnements en profitaient toujours.

<<-Catherine et Karl Kyle, soupira la routine, j'aurais dû m'en douter.>>

Le prénommé Karl s'avança vers son ami et l'étreignit amicalement, frappant sur son épaule, avant de cogner leurs deux poings ensemble et de terminer dans un geste grotesque mais qu'ils trouvaient « classe ». Tandis que Catherine embrassa les deux joues pâles de Priscilla. Puis, ils échangèrent les rôles, et lorsqu'ils se furent tous salués, ils poursuivirent leur route. Encore quelques pas, et ils parviendraient devant l'immense bâtiment de leur école.

La baisse blanche était toujours aussi parfaite, sans impureté, comme si le temps n'avait aucun effet sur elle. Le groupe aimait raconter aux plus jeunes, aux « premières années », qu'ils étaient ensorcelés, qu'une malédiction s'y était abattue, et que s'ils ne priaient pas le dieu Gothamis tous les soir, ils seraient emprisonnés dans cette école pour toujours. Et, étrangement, ils croyaient en leurs paroles dur comme fer et priaient tous les soirs, un dieu qui n'existait même pas, une pure imagination. Ils passèrent les grilles qui séparaient l'établissement du reste de la ville. C'était la dernière fois qu'ils les passaient un jour de rentrée, un sentiment étrange, étranger, qu'ils ne connaissaient pas, qu'ils ne savaient décrire, et ils n'arrivaient à savoir si cela leur plaisait ou au contraire, leur était désagréable. Un coup de vent sur leurs bras, un frisson le long de leur nuque, un souffle sur leurs lèvres, une sensation singulière.

Ils gravirent les marches et pénétrèrent dans le hall de l'académie. Un plafond si haut qu'il fallait lever la tête, le nez vers le haut, pour en voir la fin. Des escaliers montaient jusqu'aux différents bâtiments, différents étages, salles de classe. Tout était toujours immense, même le manoir Wayne était plus simple à comprendre. Et le manoir Wayne était loin d'être une simple demeure, c'était un vrai château.

Ils se dirigèrent vers le couloir des casiers. Au bout, ils reconnurent la tête blonde et guillerette qui discutait d'un air jovial avec le jeune Damian et son visage d'homme d'affaires. Ils s'approchèrent du duo, faisant d'immenses signes de mains que personnes ne pouvaient manquer. Ils se saluèrent les uns après les autres, s'étreignant comme de bon vieux amis. C'est ce qu'ils sont, des bons vieux amis. Qui se connaissaient maintenant, pour la plupart, depuis l'âge de dix ans, qui ne s'étaient pas quittés, et qui se supportaient constamment, pour le meilleur et le pire. Une vraie famille, impossible de les séparer. Si l'un recevait une punition, un se dévouait pour le soutenir, impossible que l'un d'entre eux se retrouve seul ce n'était pas envisageable, même pour les professeurs qui étaient habitués au groupe.

Les deux frères et sœurs se sentaient bien, entourés de leurs amis. Soudain, l'attention de la jeune fille se porta sur la manche de sa veste. Elle l'approcha de son visage, et la scruta d'une mine horrifiée.

<<-Ho non...chuchota-t-elle à elle-même...maman va me tuer...>>

Elle enroula le fil bleu marine qui s'échappait du tissu autour de son doigt frénétiquement, l'air inquiète.

<<-Te plains, renchérit son frère.>>

Il lui indiqua son pantalon et, juste sur son genou droit, on y voyait une tache difforme noire, de suif, aurait dit sa sœur. Elle grimaça, et dû avouer qu'il était plus dans le pétrin qu'elle. Elle était moins effrayée maintenant, elle savait que ce n'était pas elle qui se ferait taper sur les doigts lorsqu'ils rentreront ce soir. Alors, elle reporta son attention sur ses amis, et se dit que finalement, la journée avait bien commencé. 


Les enfants de Gotham -Tome 1 : La Relève-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant