CHAPITRE 5

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CHAPITRE 5 :

Désormais, ils étaient tous réunis, au milieu de ces points lumineux et multicolores qui dansaient avec le vent. Bonnet, veste et écharpe, ils s'étaient habillés chaudement pour l'hiver froid qui s'annonçait. S'il faisait déjà autant froid maintenant, ils craignaient grandement les mois de décembre et de janvier. Ils s'étaient tous dirigés vers la grande roue qui était réputée pour offrir une superbe vue sur tout Gotham de nuit, cette ville qui n'était en pleine effervescence qu'une fois le soleil couché, qui se révélait enfin que sous la lumière des lampadaires grésillant. Il y avait très peu de monde sur cette place, c'était la première soirée de ce marché. La foule arrivait souvent lors de la troisième ou quatrième nuit. Ils passèrent chacun au guichet du contrôleur de l'attraction. Ils s'échangent quelques petites pièces, avant de tous prendre place dans les wagons de l'immense roue lumineuse. A six, ils remplissaient un wagon. C'était de grosse cellule avec un sol ovale rouge et aux parois de verre qui vous offrait un panorama des plus rares, des petits extras qui rendaient la vie à Gotham plus appréciable. A travers la vitre, ils pouvaient voir quelques couples niais, bras dessus bras dessous, le garçon accroché à la fille contre son gré, ces demoiselles trainant avec mal leur petit ami dans les wagons bulles. Une petite musique douce et agréable, aux airs propres des fêtes foraines, accompagne désormais l'attente des derniers passagers. Finalement, un coup de sifflet, et la roue est en marche. La sphère du groupe monte lentement vers le ciel noir de la nuit, clairsemé d'étoile et légèrement recouvert de volutes blanchâtres. Au loin, se dressait fier la tour de Wayne Entreprise, au centre de la ville, dans le Diamond District, encerclée des quelques entreprises qui se faisaient la guerre depuis bien longtemps, accostant le Salon de l'Iceberg, et le réseau de métro de la ville qui passait sous la tour Wayne et tout le district. Un peu plus loin, la fameuse église dont seules les gargouilles étaient d'époque tant elle fut rénovée. Il faut dire que les crapules aimaient s'en prendre à cette belle bâtisse au style Gothique. On reconnaissait les usines d'Ostiburg qui tournaient à plein régime jour et nuit, encerclées par la forte pollution des lieux, les camions entrant et sortant, une grande partie appartenant aux grands noms de Gotham, aux Rois de cette ville, Cobblepot et Falcone. On se souvenait encore du régime de Maroni, mais sa soif de vengeance lui value finalement la mort et la fin de cette famille, personne ne reprit le flambeau de Salvatore. C'est dans ce même quartier que l'on reconnaissait le beau parc d'attraction d'Amusement Mile, qui fut l'un des nombreux repaires du Joker et qui est désormais un pauvre centre de manège détruit et à l'abandon. Ostiburg était en lien direct avec Arkham Island, l'île qui abritait le redoutable asile d'Arkham, en raison du pont qui le mène directement à l'île. Tous se souvenait du quartier de Newton, un des deux quartiers d'habitation, où l'air était bien plus respirable grâce au parc botanique avoisinant, le Giordano Botanical Garden, tout comme on se souvenait du second quartier d'habitation, le Hill, qui respire la misère et est protégé par le Hill gang, un groupe de jeunes malfrats qui se battent corps et âmes pour protéger leurs familles des racailles qui essaient d'y faire leur lois. A l'horizon, City Hall District, le quartier portuaire de Gotham où était, comme souvent, l'immense Cargo du Pingouin qu'il nomma glorieusement il y a quelques années de cela le « Final Offer ». On distinguait très bien les trois iles majeurs, Uptown, Midtown et Downton, ainsi que les plus petites qui les abordaient, Arkham Island, Blackgate Island, Paris Island et Tricorners. Chacunes reliées par trois grands ponts, le Kane Mémorial Bridge, le Trigate Bridge et le Brown Bridge. Certains autres ponts et tunnels menaient au reste du continent américain, le plus célèbre étant le Old Steam Tunnel, passant par Arkham Island. Ostiburg, East Side, Diamond District, Burnley District, Gotham est une ville qui regorge de mystère et dont l'histoire est trop longue pour ne prendre qu'une nuit a être racontée, une ville qui a vu les pires monstres et les pires horreurs, qui a vu la folie s'abattre sur elle sans s'en rendre compte, une ville sinistre bercée par la corruption et le crime, où seul quelques bonnes personnes survivent à cette mélasse de malheurs et de mensonges.

Les wagons touchèrent à nouveau lentement le bas du manège, et le groupe ressorti de cette sphère de verre, des étoiles pleins les yeux. Ils n'avaient pas les mots, comme chaque année, pour décrire la belle vue qu'ils avaient sur tout Gotham. Alors, ils se dirigèrent, souriant et riant de bon cœur, vers le fameux stand de douceurs. L'odeur de la pâte à tartiner au chocolat chaude et la fumée des fourneaux qui enveloppaient leurs corps emmitouflés dans leurs vêtements épais de coton et de laine. Le vieil homme barbu, que l'on surnommait « Winnie l'Ourson », était comme habituellement derrière les ribambelles de plaques à gaufres, crêpes et beignets. On le surnommait ainsi car personne ne connaissait son nom, lui-même, on ne savait pas s'il s'en souvenait. Mais il était aussi poilu et bien portant qu'un ours, se courbant dans son stand tant il était grand, et toujours le tablier recouvert d'un filet rose de barbe à papa ou de chocolat. Les six adolescents commandèrent alors au vieil ours quelques gouffres et crêpes, au sucre, chocolat ou confiture. Lucy sautait partout lorsqu'on lui déposa entre les mains cette douceur dont elle avait tant envie, recouverte d'une épaisse couche de pâte à tartiner maison. Et si elle en voulait tant, c'est qu'elle savait que ce que vendait l'ours était les meilleurs de la ville, parce qu'il savait mettre la main à la pâte et prendre le temps pour bien faire les choses. Ils mangèrent alors tranquillement leurs desserts, tout en se dirigeant à nouveau vers leurs maisons respectives. L'heure était plutôt tardive, le couvre-feu approchait à grand pas, et ils ne pouvaient plus trop se permettre de le dépasser ces temps-ci, ils préféraient attendre que passent les fêtes de fin d'année.

Au loin, le dernier croisement, là où ils se quitteraient, parce que leur chemin se séparaient. Karen, Karl, Lylle et Priscilla poursuivront à gauche, vers le Bowery, tandis que Lucy et Damian poursuivront vers les recoins éloignés du Diamond District. La nuit était déjà bien noire, et les lampadaires formaient des auréoles sur le goudron, éclairant leurs pas. Le vent frais soufflait dans leurs cheveux, sous leur vêtements, la bise fraiche embrassant leurs corps chauds. A ce moment, s'échappa d'une ruelle une tête brune qui leur fut familière. Il s'agissait du jeune George, le fils d'un grand commissaire qui a récemment été muté à Brooklyn, ce jeune homme maigrichon, aux jambes frêles et aux yeux cernés, toujours le nez plongé dans ses bouquins de sciences à s'en bruler les yeux. Il avait le bas du visage emmitouflé dans une écharpe en laine, se dirigeant vers la ruelle en face.

<<-Eh, c'est George ! Remarqua Lylle. Je dois juste lui parler, à cause du cours de Maths, il annonce en se dirigeant vers lui, pressant le pas.>>

Le reste de la bande décide de le suivre, la curiosité prenant le pas sur le froid de la nuit. Ils s'approchèrent tous dans un tas d'adolescents curieux près du mur pour pénétrer dans la sombre ruelle sinistre.

Le jeune garçon s'arrête. Entre lui, et la porte de garage de son immeuble, se dresse cet homme, habillé de noir, que l'on reconnait à peine dans une telle obscurité. Sa carrure est effrayante, vêtu de ce manteau noir. Seule sa silhouette se détachait dans l'obscurité, on ne voyait ni son corps, ni son visage. Plus effrayant encore, on ne voyait pas ses yeux, ses prunelles qui reflètent l'âme. Non, il n'avait pas d'âme, il ressemblait à un monstre menaçant, un cauchemar d'ombres terrifiantes. Quelques gestes se dissimulaient dans cette masse sombre. Une étincelle reluit sous la lumière de la lune comme un reflet éclatant dans le noir. George recule, comme la biche face au chasseur, le lapin face au loup, la proie face au prédateur. Quelques pas qui tintent contre la pierre sombre du sol. Et soudain, plus aucun tintement. Le déchirement de la chair, un cri étouffé, des gémissement douloureux, l'écrasement de masses visqueuses sur le sol. Tout se passa très vite, un fragment de seconde, le temps d'un soupir, d'un frisson d'effrois. Vos poils se hérissent, votre cœur se soulève, votre estomac fait un bond dans vos entrailles, vous le sentez au bord des lèvres.

L'homme disparait, comme porté par le vent, sa silhouette s'évaporant au fond de l'impasse noire. Les genoux du pauvre George s'écorchaient sur les pavés gris du sol, les bras enroulés autour de son ventre. Son manteau gris est taché d'une énorme auréole écarlate qui se répand rapidement sur tout son buste. Des filets rouges tombent à flots sur le sol. Un dernier battement de paupière, le dernier effort du cœur, le dernier soupir, et son corps s'étale dans un son effroyable dans cette marre d'hémoglobine qui glisse entre les pierres sales.

Les corbeaux croassent une dernière fois dans la nuit, et le corps inerte du jeune homme trône dans l'impasse, en étant le roi pour cette nuit, jusqu'à ce qu'on le découvre, et que la presse le mette en avant pour la semaine.

Les enfants de Gotham -Tome 1 : La Relève-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant