CHAPITRE 12

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Chapitre 12

Les adolescents se promenaient librement dans l'établissement. Priscilla, Lucy et Karen se voyaient souvent offrir des cocktails, des coupes de champagne. Mais elle ne les buvait pas toute, essayant d'avoir les idées un minimum claires. Mais pas de trace de Connor Green, cet homme qu'ils avaient tous en photo sur leurs téléphones portables.

Il marchait tranquillement, esquivant avec justesse les personnes qui se dressaient devant lui, le nez rivé sur la photo de cet homme. Mais chaque visage qu'il croisait était l'opposé de cet homme. Parfois, il voyait quelques ressemblances, mais si minime qu'il était inutile de penser que c'était lui. Parfois, dans ses rondes, il rencontrait ses amis et leurs faisait signe. Mais pas de signe de Connor Green. Il avait d'abord tenté de parler aux clients, mais la plupart était déjà bourré et on ne pouvait en tirer aucune information. Quand il prononçait le nom du suspect, ses interlocuteurs partaient tout de suite dans une chanson qui le faisait soupirer.

Il se dirigeait vers le bar, une main dans sa chevelure châtaine, l'autre tenant encore son téléphone. Un vent froid s'immisça soudainement sous ses vêtements. Il crut sentir l'ambiance changer, devenir plus pesante, et le monde autour de lui bouger nerveusement. Alors qu'il relevait légèrement la tête pour constater ce qu'il se passait, on le bouscula. Il se rattrapa sur le comptoir pour ne pas tomber. Ce geste l'avait décidément énervé, car un peu plus et son portable lui échappait des mains et se brisait sur le sol, surement piétiné par les passants maladroits. Mais lorsqu'il releva le regard pour faire face à son assaillant, il tressaillit.

Il l'avait très bien reconnu. Son œil marron, cruel et sombre, et sa barbe rasée, ne parsemant sa mâchoire que de petits points gris. Sa chevelure, brune, terne, maintenue en forme par du gel et de la laque vu l'odeur, clairsemé du blanc et du gris de l'âge. Et puis son autre œil, scrutant les alentours nerveusement, voilé, blanc. Sans couleur si ce n'est une pupille fine et noire qui faisait froid dans le dos. Sa chair à vif, sans peau, dévoilant des muscles roses et scintillants sous la lumière, et des os sales, ainsi que quelques dents jaunâtres. Sa chair rongée, les bulles de sang séchées s'accrochant à chaque fibre de son visage. Un homme repoussant, connu de tous, par sa double personnalité, la dualité de son esprit, et sa vision si singulière du monde qui l'entoure. Mais aussi, pour ses crimes et méfaits qu'il laissait à la chance et au hasard.

Il s'approcha du gamin, l'air mauvais, ne soupçonnant rien de son identité. Et pourtant, Lylle savait bien, qui il avait en face de lui. Mais comme tétanisé par la peur et rattrapé par le passé, il était cloué au sol, sans que ses pieds ni ses bras ne bougent. C'est à peine s'il respirait convenablement. L'ancien procureur porta ses deux mains au col de son costume à moitié détruit et rajusta sa veste ainsi que le collet de sa chemise. Puis, dans un grognement féroce, poussa violemment le jeune garçon vers l'arrière, ses mains sur son tee-shirt gris. Il bascula en arrière, s'accrochant tant bien que mal à un tabouret du bar, le renversant avec lui dans sa chute. Il tomba lourdement sur le parquet ciré du salon, la chaise sur son estomac. Il releva le regard, n'arrivant à prononcer le moindre mot ni de commettre le moindre geste. Il n'arrivait même plus à se relever tant il était lié par la peur et le souvenir. Sa haine envers lui ne cessait de croitre à chaque fois qu'il détaillait son visage mauvais et meurtrie. L'homme s'approcha à nouveau de quelque pas, se dressant fier face à lui, dans un rictus sournois. Il lui cracha au visage avant d'omettre un léger rire que quelque uns des hommes qui l'avaient suivi imitèrent. Tandis que le pauvre jeune homme essuya sa face d'un revers de manche, il sortit de sa poche une petite pièce en argent rouillée, sur laquelle on arrivait à peine à comprendre les inscriptions et les chiffres tant elle était abîmée, rayée de toutes parts. D'un geste adroit, il donna un petit coup à l'aide de son pouce et fit volée la pièce en l'air, sans même la regarder, comme s'il savait pertinemment où elle atterrirait, qu'il avait tant de fois répété ce geste et qu'il ne pouvait en finir autrement. Le petit disque gris tomba sur le dos de sa main. Il baissa son regard pour constater le résultat. Malgré l'état de la pièce, il reconnut tout de même le coté sur lequel elle était tombée. Il ne put empêcher un rictus déçu, avant de poursuivre son chemin et d'ordonner à ses hommes de le suivre.

Lorsqu'il n'eut plus cette immonde personne dans son champ de vision, il réussit à délier sa langue et à bouger à nouveau. Il jura tout en se relevant, gracieusement aidé par une serveuse qui trainait là. Il ramassa le tabouret et le remit sur ses pieds, avant de reprendre son chemin. Il était un peu déboussolé et confus. Il ne pouvait s'empêcher d'haïr un peu plus cet homme après cet entrevue. Il haïssait cet homme tout comme il haïssait le lien de parenté qui les liait.

Il porta le verre à ses lèvres, le vidant du peu d'alcool qu'il contenait encore. Ils s'étaient tous rejoint dans leur centre privé, et le résultat pour tous était le même ; pas de trace d'un certain Connor Green. Priscilla, en jouant de ses beaux cheveux et belles courbes, n'a pu qu'apprendre qu'il venait ici au moins trois fois par semaine et toujours en compagnie féminine. Mais ce n'était ni ce qu'ils voulaient, ni ce qu'ils espéraient.

Soudain, ils eurent un mauvais pressentiment, et la nette impression que quelque chose d'inhabituel et de mauvais se tramait plus bas. Des cris venant de l'arrière-boutique venaient effrayer tous ceux qui occupaient la grande salle. Tous se dirigèrent vers l'extérieur de leur carré privé, se penchant sur les escaliers et s'arc-boutant sur la rambarde froide.

La porte du fond s'ouvrit grand, claquant contre le mur, si fort que beaucoup sursautèrent et craignirent qu'elle ne se brise. Un homme plutôt frêle est projeté au sol et s'écrase sur le parquet éclairé par la lumière crue de la salle dans un son effroyable, ses os cognant bruyamment contre les lattes cirées. Son visage ensanglanté est renfrogné dans un rictus d'effrois, et tout le monde autour pâlit à vue d'œil. Un tintement d'acier, plutôt cristallin, résonne. Et, se présente face au pauvre homme traumatisé et tremblant, une grande silhouette, habillée d'un costume d'une part bleu et propre, et de l'autre en lambeau, des trous béants dans le tissu terne ou noirci de crasse. A l'image de ses vêtements, sa chevelure brune était parfaitement coiffée d'un côté, et d'une teinte affreusement grisâtre et sale de l'autre. Une silhouette qui cloua au sol le groupe des six adolescents, qui craignaient reconnaitre l'homme plus bas.

<<-T'as essayé de m'arnaquer ? Abruti. Le hasard a choisi la main. Je démarre doucement.>>

Les enfants de Gotham -Tome 1 : La Relève-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant