Erreur d'enfance

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Dix ans s'étaient écoulés, Hargon n'avait plus été attaqué par les dragons. Le village était paisible et la vallée maudite perdait tout son sens, au plus grand bonheur des villageois. Des maisons avaient été rebâties, des hommes s'étaient entraînés au combat, préparés à une éventuelle attaque, même si cela paraissait improbable dorénavant.

La vie avait repris son court mais personne n'oubliait l'ultime victoire de Hargon. Un dragon avait été vaincu cette nuit là, et des tas d'hommes emportés par les flammes, Edouard y compris. Alienor n'avait su retenir son chagrin, des mois durant, elle avait pleuré, enfermée dans sa chaumière, alitée et meurtrie par sa peine.

Bénédicte s'était alors occupée de Nicolas, le fils d'Edouard. Elle avait pris soin de lui et l'avait élevé jusqu'à ses cinq ans. Et lorsque le chagrin d'Alienor prit fin, cette dernière assista Bénédicte et commença à donner de l'amour à son fils. Mais elle ne cessait de se demander, pourquoi Edouard et pas Nicolas ? Pourquoi son fils avait-il pu voir le jour, et son époux, plonger dans les ténèbres ? Cela lui paraissait injuste et le pauvre enfant n'y comprenait rien.

Néanmoins, Edouard restait un héros pour Hargon. Il était l'homme qui avait fait face à la bête, il était l'homme qui avait sacrifié sa vie pour un village tout entier. C'était lui, qui avait apporté l'espoir au combat et même si son âme s'était envolée dans les montagnes, son souvenir restait intacte dans la vallée.

— Maman, je vais jouer dehors ! cria le jeune garçon tout en ouvrant la porte de la chaumière.

— Ne quitte pas le village, Nicolas, lui répondit sa mère, occupée à broder sur du tissu.

Nicolas sortit dehors et laissa la porte claquer derrière lui. Il prit une grande bouffée d'air, appréciant quelques secondes la chaleur apaisante du soleil étincelant de cette matinée d'été. Ensuite, il se mit à courir entre les maisons pour rejoindre la place du marché, là où beaucoup de villageois étendaient leurs produits et marchandaient pour gagner un petit peu d'argent. Les récoltes étaient bonnes depuis ces dix dernières années. Aucun dragon ne venait brûler les champs ou bien tuer leurs élevages.

Il se mêla à la foule, observa quelques stands sans y prêter grande attention puis fit mine de s'intéresser aux fruits et légumes appétissants qu'un vieux sage vendait. Ce dernier discutait avec une femme de ses produits et Nicolas en profita pour voler une pomme discrètement et se faufiler à travers les clients dans l'espoir de disparaître. Mais ce jour là, ce ne fut pas un succès...

— Au voleur ! Arrêtez ce bougre ! cria le vieillard en le pointant du doigt.

Nicolas prit ses jambes à son cou, évitant de justesse un homme qui essaya de l'attraper. Il sépara un jeune couple en train de se bécoter, passa à quatre pattes sous un stand, s'excusa auprès de la femme qui y vendait des peaux de bête puis sauta par dessus un muret pour ainsi semer ses poursuivants.

Il marcha fièrement dans la rue faite de pavés tout en croquant dans sa pomme. Elle était exquise, sucrée et juteuse, ce qui le fit sourire de plaisir.

— Tu as volé cette pomme, lança une petite voix à sa droite.

Nicolas s'arrêta et se tourna vers la petite fille assise au bord d'une fenêtre, les pieds se balançant dans le vide.

— Tu es jalouse ? Tu en veux ?

— Non, berk ! Tu as croqué dedans !

Nicolas haussa les épaules et reprit une bouchée de son fruit.

Le Maître des DragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant