Un message pour Hargon

3.2K 430 88
                                    

  Le ciel gris pesait sur tout le village, plus rien n'avait de sens ici, sauf peut-être l'apparition brève de Nicolas et ses dragons. Mais depuis six jours il était parti et le village mourait. Yselda passait le plus clair de ses journées assise contre les barrières de la chaumière de Bénédicte, les jambes pliées contre sa poitrine, elle observait au loin les gens s'affairer pour rendre le village vivable. Elle se sentait vide, inutile et triste du départ de son ami.

  Sa vie d'avant lui manquait, durant ces quelques jours, elle avait pu ruminer et se remettre en question. Avec le recul, elle regrettait le fait d'être partie à Ador. Où serait-elle aujourd'hui ? Peut-être ferait-elle partie de l'armée du roi. Peut-être se battrait-elle contre Nicolas. Sans oublier que son père lui manquait terriblement et elle peinait à se faire à l'idée que peut-être un jour, elle devrait se battre contre lui.

— Tu rêves preux chevalier ?

  Gadriel lui mit un coup de pied sur la jambe, bien trop faible pour lui faire mal. Yselda leva la tête vers lui, lui jetant un regard agacé. Elle le détourna rapidement pour se recentrer sur ses pensées. Gadriel soupira puis s'assit à côté d'elle, ses bras reposant sur ses jambes. Ils avaient décidé de le libérer de ses cordes, par curiosité il n'était pas parti, il n'avait même pas cherché à fuir. Il était resté avec eux.

— Tu regardes quoi au juste ? demanda-t-il. Les pauvres paysans ? Ou les montagnes ?

— Rien. Je ne regarde rien.

— Tu es amoureuse de lui ?

  Yselda fronça les sourcils puis lui lança un regard en coin.

— Je ne sais pas ce que c'est l'amour, avoua-t-elle. Je sais juste que je tiens à lui, et je ne sais pas pourquoi. Ce n'est pas le plus beau garçon que j'ai vu, ni le plus intelligent d'ailleurs. Seulement... quelque chose en lui a touché mon cœur, je n'arrive simplement pas à savoir ce que c'est.

— Désolé de briser tes rêves, mais à Ador, il y a sa dulcinée.

— Ivène, je sais. Je l'ai déjà vue, elle est belle, c'est vrai.

— Peut-être qu'ils se prélassent tous les deux dans le palais du roi.

  Yselda pouffa de rire puis secoua la tête en tendant ses jambes. Elle avait abandonné son armure pour opter pour une longue robe beige que lui avait gracieusement offert Bénédicte. Ce look ne lui plaisait pas, mais elle n'avait plus le cœur à se battre. Elle avait quitté sa longue tresse pour des cheveux lâchés et ondulés habillées d'une pince qui retenaient les mèches mèches brunes qui lui tombaient sur le visage. Une jolie pince bordeaux, en forme de libellule. Bénédicte lui avait assuré qu'elle avait appartenu à Alienor.

— Nicolas ne se prélasse pas, qu'il soit amoureux d'elle ou non. S'il s'est rendu, c'est pour que les tueries cessent. Je crois que tu ne comprends pas. Nicolas n'a jamais vécu comme nous, alors il ne pense pas comme nous.

  Gadriel baissa les yeux et se tut quelques longues secondes.

— En attendant, il a dit à sa tante que tu devais construire une armée et tout ce que tu fais pour le moment, c'est déprimer comme le ferait une vieille femme veuve depuis des années, reprit-il.

— Peut-être bien et je m'en fiche.

— Dommage, il comptait sur toi.

  Soudain, un rugissement vint glacer le village. Tous les villageois qui s'affairaient à rendre le village habitable cessèrent leurs occupations pour scruter le ciel. Cette peur qu'ils ressentaient fut mêlée à l'excitation de revoir celui qui les avait convaincu de se battre. Celui qui avait apporté l'espoir avec lui. Bien évidemment, les dragons semblaient loin, puisqu'ils ne survolaient pas le village.

Le Maître des DragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant