Le dragon noir

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Ils avancèrent dans le silence le plus complet à travers les galeries obscures qui bordaient la falaise. Tous les trois étaient équipés de torches, le feu près de leur visage, ils éclairaient les alentours. Archibald et Nathaniel semblaient peu rassurés tandis que Nicolas préférait cacher l'angoisse qui naissait au creux de son estomac.

Il s'arrêta juste au bord de la première marche et se tourna vers ses deux camarades, il croisa d'abord le regard dubitatif de Nathaniel puis celui plus enfantin d' Archibald.

— Je vais descendre, vous feriez mieux de m'attendre ici, déclara-t-il.

— Pourquoi ? demanda aussitôt Nathaniel. Qu'est-ce qu'il y a en bas ?

— À votre avis ?

Nathaniel plissa les paupières l'air inquisiteur mais il n'eut malheureusement pas de réponse de la part de Nicolas. Il suivit tout de même ses instructions et resta auprès de Archibald pendant que Nicolas, lui, descendait les marches avec précaution. Ses pas étaient silencieux, son ventre contracté et son souffle contrôlé, du moins il essayait.

Lorsqu'il descendit la dernière marche, son cœur battit beaucoup plus fort contre sa poitrine et son sang commença à affluer dans ses veines. Les dragons faisaient peur, même si Nicolas avait pu grandir avec quatre d'entre eux, ceux qui n'étaient pas habitués à la présence humaine pouvait s'avérer dangereux et destructeurs, tout comme dans ses cauchemars...

Il avança de quelques pas, balayant la salle de sa torche pour apercevoir la bête, il crut percevoir à travers l'obscurité, des écailles noires briller mais peut-être que ses yeux lui jouaient des tours.

Quand il entendit le frottement d'une chaîne contre la pierre, il s'immobilisa, serrant sa torche dans sa main moite et tremblante. Puis, la seconde qui suivie, il croisa le regard de la bête, un regard jaune, vif et brûlant. Elle souffla de l'air chaud par ses narines, ce qui éteignit aussitôt la torche, plongeant Nicolas dans les ténèbres, coincé avec un dragon.

À travers la pénombre, il crut voir de la lumière jaillir de nulle part puis comprit peu de temps après que ce n'était autre que des flammes. Il fit un bond en arrière et évita de justesse le feu que la bête venait d'envoyer sur lui. Très vite, il ne put plus reculer, collé contre la roche dure et irrégulière. 

Il eut la sensation de voir sa misérable vie défiler sous ses yeux. Dans le noir, sans repère, ne sachant plus précisément où il se trouvait dans la pièce, il était voué à une mort certaine. L'idée de Archibald était bien nulle, mais c'était lui le fautif et pas l'écuyer. C'était lui qui avait aveuglément dit oui, peut-être par gentillesse, politesse ou curiosité, il n'en savait rien. Mais en cet instant, il regrettait terriblement son choix. C'était comme être bloqué dans ce cauchemar qu'il faisait depuis quelques jours, et c'était une impression qu'il ne supportait pas.

Il rentra son ventre, cessa de respirer et ferma les paupières aussi fort que possible lorsqu'il sentit quelque chose de dur et chaud contre lui. Un nez, c'était forcément un nez. Et pour qu'il en émane une telle chaleur, c'était celui du monstre.

Lorsque le dragon fit bouger le fourreau de Nicolas, il se redressa brusquement et rugit, si fort que la grotte sembla trembler.

C'était comme s'il venait de lui parler, car inconsciemment, Nicolas avait compris la demande de la bête. Alors doucement, il posa sa main sur le manche de son épée, et délicatement, il la fit glisser hors de son fourreau. Il attendit une réaction de la part de la bête, se fiant à son ouïe plutôt qu'à sa vue, puis il jeta son arme plus loin, sur la basalte dans un bruit métallique.

Le silence dura de longues secondes avant qu'il n'aperçoive à nouveau ces deux prunelles vives à travers le noir environnant. Il était si près de lui mais intouchable à la fois. Le coeur de Nicolas tambourinait contre sa poitrine, il avait la sensation de l'entendre résonner partout autour de lui.

Le Maître des DragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant