Les quatre dragons

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Cinq ans plus tôt

...

*

Ses semelles trouées frappaient la terre, écrasaient les feuilles. Son souffle était court, son cœur battait contre sa poitrine. Tout son sang affluait dans ses veines, de la sueur perlait sur son front et pourtant, une chose était sûre, ses yeux restaient fixés sur l'endroit souhaité.

Derrière lui, il pouvait entendre des bruits sourds résonner, parfois, il pouvait même sentir le sol trembler sous ses pieds, mais jamais autant qu'un tremblement de terre le ferait. Des branches craquaient, des feuilles volaient et certains arbustes s'affaissaient sur leur passage.

Bientôt, une grosse masse noire lui cacha le soleil. La chose vola au dessus de lui avant de se poser quelques mètres plus loin, dans la rivière, la où le courant était fort et où l'eau était claire.

Nicolas s'arrêta, ses pieds glissèrent dans la terre et il s'appuya sur ses jambes, le temps de reprendre son souffle.

— Bien joué, Edouard ! Tu m'as dépassé, mais la prochaine fois, c'est moi qui gagnera ! lança-t-il en haletant.

Il se redressa et fit face à la bête qui se tenait devant lui. L'animal pataugeait dans l'eau, ses yeux jaunes vifs le toisaient avec tendresse bien que méfiance parfois. Il n'était pas très gros, ni même très grand. Il approchait certainement des deux mètres cinquante, peut-être plus. Mais il était jeune, encore en plein apprentissage. Il ne volait pas très haut non plus, ses ailes étaient petites et fines, il lui fallait du temps et de la force.

Nicolas lui fit un sourire puis commença à se désaltérer dans la rivière. Les premières fois, il vomissait et des crampes d'estomac le faisaient souffrir pendant des jours. Puis son organisme s'était habitué à cette eau, tout comme à la nourriture qu'il mangeait. Parfois, c'était des xylophages, ces insectes répugnants qu'il trouvait dans les montagnes, d'autres, c'était des animaux qu'il arrivait à chasser mais ces fois-là se faisaient très rares.

Il se passa de l'eau fraîche sur le visage, se redressa et pris une grande inspiration tout en observant les sommets qu'il pouvait voir autour de lui. Il s'était habitué à cet endroit mais rêvait de retrouver, un jour, une civilisation. Malheureusement, il avait peur de rejoindre Hargon ou de tomber sur le roi. Alors il ne s'éloignait jamais.

Tout s'était passé si vite lorsqu'il y repensait. Un soir, alors qu'il avait réussi à escalader le flanc de la montagne, il avait pu ramener quelques bouts de bois dans les galeries de sa prison. Il avait finalement réussi à faire du feu, peut-être bien par miracle. Puis, alors qu'il plongeait dans un sommeil profond, la coquille de l'un des œufs s'était fêlée. Il avait alors assisté à l'éclosion de trois œufs de dragon.

Il les avait rapproché du feu et c'est ainsi que les bébés purent sortir de leur coquille. Le quatrième fut plus long, c'était d'ailleurs le seul qui se différenciait de ses frères. En effet, ses écailles étaient rouges comme du sang séché alors que celles des autres étaient noires comme l'ébène.

Il avait mis plusieurs jours voire semaines avant de les approcher. Les dragons n'avaient pas non plus confiance mais Nicolas était la première chose qu'ils avaient vu lorsqu'ils sortirent de leur coquille.

Ce fut difficile les premières semaines. Nicolas ne mangeait pas, il s'affaiblissait de jour en jour puisqu'il tentait de descendre jusqu'au pied de la montagne pour enfin toucher la terre ferme. Aussi, chaque fois qu'il capturait des insectes, il les donnait aux dragons. Ceux-ci grandissaient à vu d'œil, c'en était même effrayant.

Le rugissement de Edouard le fit sortir de ses pensées. Il secoua la tête et frappa l'eau avec sa main pour déformer son reflet qu'il ne pouvait plus voir.

— Excuse-moi, j'étais perdu dans mes pensées, soupira le jeune garçon. Tu es prêt, Edouard ? Parce que le dernier arrivé à la montagne dort dehors !

Ni une ni deux, Nicolas se mit à courir aussi vite que possible. Il rigola lorsqu'il entendit le dragon prendre son élan derrière lui. Il zigzagua entre les arbres et les fourrés, courant toujours plus vite. Il avait appris à être vif, du moins, il essayait. Il s'essoufflait malheureusement vite mais ne s'arrêtait que lorsqu'il avait la sensation d'étouffer.

Il était habitué à la présence de dragons, mais parfois, il en avait peur. Plus d'une fois, ceux-ci l'avaient brûlé. Sûrement par mégarde, mais c'était des souvenirs extrêmement douloureux. Il n'avait rien pour se soigner et les cicatrices restaient effroyables.

L'une d'elles plus que les autres...

Arrivé à la montagne, Nicolas avait une nouvelle fois perdu. Le dragon battit des ailes pour grimper alors que Nicolas commença à escalader le flanc de la montagne. Il en avait l'habitude mais ses muscles étaient parfois tendus, raides et lui faisaient mal.

Une fois en haut, il s'assit au bord et regarda droit devant lui, le temps de reprendre des forces. Quand il regardait vers le bas, il avait le vertige et l'impression d'être attiré par le sol. C'était terrifiant.

Une bête se posta à côté de lui, d'une posture fière, comme la plupart des dragons. Du coin de l'œil, Nicolas voyait ses écailles rouges ainsi que son aile pendre sur le côté.

Ce souvenir restait l'un des pires.

Pour effacer cette douleur, Nicolas esquissa un faible sourire, se mit debout aux côtés de l'animal et inspira profondément. Puis, sans prévenir, il se mit à hurler, si fort que sa voix déraillait. Le dragon déploya ses ailes inutilisables et rugit avec l'enfant.

Leur cri résonna à travers les montagnes, l'écho se renvoya de sommet en sommet avant de doucement disparaître avec le sifflement du vent.

Nicolas laissa retomber ses bras le long de son corps tout en reprenant sa respiration. Il lança un regard à la bête, elle était belle, comme toutes les autres. Le dragon n'avait pas encore atteint sa taille adulte, mais il restait fascinant. Ses longues griffes marquaient la roche, ses yeux vifs transperçaient le ciel et sa chaleur pouvait faire fondre la glace.

Il n'y connaissait pas grand chose en dragons, mais il savait que ceux qui ne pouvaient voler étaient voués à une mort certaine.

— Un jour, je trouverai le moyen de réparer ton aile, Hargon, et ce jour-là, tu voleras comme tous les autres dragons. Tu chasseras, et tu feras trembler des villages entiers. Ce jour-là, je te promets que Djafar paiera. On lui montrera qu'un monstre n'est un monstre que lorsqu'on le pousse au delà de ses limites.

Le jour où il avait nommé ses dragons, il avait décidé d'appeler le quatrième, comme le village et la vallée où il avait grandi. Par nostalgie peut-être mais également car l'animal était blessé, tout comme Hargon et sa vallée, depuis des années...

Chaque nom avait sa signification et celle-ci était l'une des plus importantes pour lui puisque ce dragon semblait maudit lui aussi.

Et parfois, il les aimait.

D'autres, il les détestait...








Je vous remercie d'avoir lu !

Je m'excuse également du retard de publication, j'ai perdu un ami et j'avoue que l'envie d'écrire m'étais passée. Je ne voulais plus travailler sur les chapitres et quand je le faisais, ça ne donnait rien de bon. Maintenant que ça va mieux, les publications vont reprendre leur régularité, enfin pour le peu qu'il y en avait.

À bientôt !

Le Maître des DragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant