7. Les premiers cours - Part 1

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Le premier jour de cours arriva enfin. Tous les corps de métier étaient enseignés par des maîtres en la matière. Chaudronniers, musiciens, cuisiniers, trésoriers, agriculteurs, fleuristes ... Ceux qui n'avaient pas eu la chance d'apprendre à lire et à écrire apprenaient des métiers manuels tout en bénéficiant de cours de rattrapage pour qu'ils puissent un jour transmettre ce savoir à leurs enfants qui pourraient alors véritablement choisir leur métier. A terme le projet était de supprimer l'analphabétisme du royaume par des parents mieux éduqués et par l'établissement progressif d'écoles pour les plus jeunes dans l'ensemble du royaume.

A force de discussions et de curiosité les jeunes découvrirent avec stupéfaction que la majorité des élèves ne pouvant suivre les cours de leur choix était des enfants riches. Avec une étude plus minutieuse, ils auraient découvert qu'effectivement plus les parents étaient riches plus l'enfant occupait une classe éloignée de ses désirs, le but étant d'inverser le cours des destins. Le mécontentement de cette poignée d'individus, qui pour la première fois de leur vie n'obtenait pas ce qu'ils voulaient, ne valait rien face à l'adoration que vouaient les autres, nombreux, à la reine. Une sorte de revanche de la masse pauvre sur la vie et sur les quelques privilégiés qui profitaient du système de reproduction sociale.

Huit heures moins vingt. Les élèves excités se rendaient à leur premier cours. Ora et Pauline quittèrent leurs amis en haut des escaliers et s'engouffrèrent dans la marée humaine. Elles s'arrêtèrent devant la porte cinquante-deux. Les deux observaient leurs camarades de classe quand leurs yeux se posèrent sur François. Ora alla à sa rencontre avec un grand sourire.

« François ! Salut. Ça va ?

- Ora. Je commençais à me demander si tu étais vraiment ici.

- Et moi si tu m'évitais. Rétorqua Ora heureuse de retrouver son cousin. Et là je découvre que nous sommes dans la même classe. Le destin voulait que nos chemins se croisent à nouveau.

- Le destin n'a rien à voir avec tout ça. Le destin, seuls les incultes l'utilisent pour justifier ce qu'ils ne comprennent pas.

Toujours aussi aimable pensa Ora qui constata qu'il n'avait pas changé.

- Tu attends le cours de culture générale de M Bonami ?

- Oui, on va se voir souvent cette année, c'est chouette non ? Je te présente une autre de tes camarades de classe, Pauline, ma meilleure amie. Tu te souviens d'elle ? Je t'en ai déjà parlé.

- Absolument pas, non. Mais j'ai tellement de choses en tête aussi. Si je m'attendais à ce que ma cousine effacée et craintive décide de suivre des cours d'excellence... »

L'arrivée du professeur mit fin à cette discussion. Ora échangea un regard entendu avec sa complice de toujours. Elle hausse des épaules en souriant. Mais au fond d'elle, elle était déçue, blessée par le comportement de son cousin. Il était agressif de manière passive, usait de mots blessants ou provocateurs pour écraser l'autre sans que quelqu'un extérieur à leur relation puisse déceler la moindre méchanceté dans ses propos. Elle avait l'habitude mais ne s'y faisait toujours pas. Enfant il usait de cette technique pour la faire pleurer sans que les adultes ne comprennent le problème. Et c'était elle l'enfant compliquée et pleurnicharde. Elle comprenait juste les sous-entendus. L'accumulation de ces piques incessantes et l'indifférence des autres l'avait poussée à mettre de la distance entre eux. Mais, à chaque fois qu'elle le revoyait, elle se permettait d'espérer. En vain. Ora se jura qu'elle ne se prendrait pas la tête à cause de François cette année. Plus maintenant. Elle avait grandi et refusait désormais de perdre son temps avec des gens qui n'en valaient pas la peine. La vie était trop courte pour s'entourer de gens malsains. Elle reporta son regard sur son nouveau professeur.

Reliées - Face à la couronne arrachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant