3. La fuite

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Les témoins de cette annonce funèbre restaient abasourdis. En cercle autour de cet inconnu qui avait donné sa vie pour sauver celles des autres, les leurs en l'occurrence. Personne ne brisait le silence. Ora serrait nerveusement la main de Lanïane. Laure avait éloigné Jules du cadavre. Au loin l'orage éclatait. Ce fut finalement Gautier Chaseroy qui osa s'exprimer en premier. Le plus dur n'était pas de sortir de sa torpeur mais d'affirmer à haute voix son opinion lorsque le sujet touche d'aussi près la vie des habitants. La vie, littéralement.

« Il faut donner les enfants sans résister. C'est le seul moyen d'assurer la survie de tous. On n'a pas le choix.

- Jamais. On voit bien que tu n'as pas d'enfants. Donner nos bébés à ses monstres. Jamais. Bien sûr qu'il y a une autre solution. Grogna Martin Merry.

- Mais Papa, je veux y aller. Je veux servir la reine. Elle a promis de nous aider à construire un monde meilleur. Ce n'est pas à toi de décider. C'est la chance de ma vie, tu n'as pas le droit de m'en empêcher.

- Cesse tes caprices Pauline, conseilla Laure d'un ton péremptoire. Tu n'es qu'une gamine sous notre responsabilité. Tu ne comprends pas ce qui se passe. Personne ne le sait. La seule chose dont on soit surs, c'est que Fuho vient d'être exterminé. C'est pour ta sécurité. Tu comprends ça quand même.

- Vous êtes trop bêtes. Ils ont contrarié la reine, voilà pourquoi ils en sont là. Elle veut qu'on s'en sorte, elle fait ce qu'elle peut et on lui offre quoi en retour ? On la défie, on fait preuve d'insolence. Moi j'ai décidé de croire en elle.

- Si elle veut y aller, il faut l'écouter. Ora et Lanïane aussi doivent se rendre. Je ne vais pas mourir alors qu'on ne sait pas quelles sont les intentions de sa majesté.

- Tais-toi Gautier ou je te jure que je t'étrangle, répondit Martin au bord de la crise de nerf. Tu veux rester ici et poursuivre ta petite existence soit, mais nous nous devons fuir. Il n'y a pas d'autre solution.

- Ils se vengeront sur nous, sur ceux qui restent.

- Alors pars avec nous. Tu peux exercer ton métier n'importe où. Rétorqua sa sœur, Laure.

- Où irait-on ? Interrogea Ora hébétée. Où peut-on se cacher ?

- Ils nous retrouverons où qu'on aille, professa Pauline de mauvaise foi.

- Nous pourrons nous cacher dans la forêt sauvage au nord, à la frontière de la contrée de l'Aigle en attendant d'avoir une meilleure idée. Mais il faut partir sans plus tarder. Ne prenez que le nécessaire. Départ dans deux heures sur la place du village. Il nous reste sans doute une dizaine d'heures. » Déclara Martin la voix grave.

Il mit ainsi fin au débat avec Gautier mais Pauline refusait toujours cette idée saugrenue de fuite. A peine Ora et Lanïane eurent tourné au coin du chemin, qu'une dispute éclata au sein de la famille Merry. Les deux sœurs marchaient silencieusement, acceptant peu à peu la tournure des évènements.

« Il faut courir prévenir M'man et Papi Lou. Tout va bien se passer Lana ne t'en fais pas. »

Le ton se voulait rassurant mais la panique gagnait peu à peu chaque parcelle du corps d'Ora. Main dans la main, elles coururent comme si la mort elle-même, vêtue d'une cape en lambeaux et armée de sa fourche légendaire, était à leur trousse. L'orage s'était rapproché et les éclairs zébraient le ciel. La pluie tombait drument. Le chemin de terre se transformait en patinoire de boue. Les arbres ne suffisaient pas à protéger les sœurs qui plissaient les yeux pour voir où elles allaient malgré l'eau qui leur fouettait le visage. Enfin elles aperçurent la ferme des Carpenter. Elles pénétrèrent avec fracas. Elisa qui coupait des légumes, lâcha son couteau qui tomba par terre. A leur tête, elle comprit que quelque chose de grave était arrivé. Le grand père assis sur le banc se tourna les yeux inquiets.

Reliées - Face à la couronne arrachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant