Les argentés arrivèrent avec une heure d'avance, trop tard. Déjà des centaines d'élèves s'amassaient dans le hall d'entrée jusqu'en haut des escaliers. Impossible d'avancer. De nouveaux arrivants vinrent les presser un peu plus contre cette foule dense et impatiente.
M Henri aurait aimé pouvoir espacer les heures d'affichage des résultats des différents niveaux, pour des raisons pratiques évidentes, mais cela aurait été au détriment de la symbolique du moment tant attendu. Attendre fébrilement leurs résultats tous ensemble, puis les découvrir dans une même effervescence, constituait un instant clé de solidarité et de camaraderie. De plus cette journée, qui se promettait d'être inoubliable pour tous, était un rappel de tout ce que la reine Lubia faisait pour eux. Entrainés dans leur rythme scolaire, enfermés dans leur bulle de confort, ils avaient quelque peu oublié à qui ils devaient leur éducation, à qui ils devaient leur loyauté.
A dix heures précises, le directeur de l'école ouvrit la porte de son bureau situé en face des escaliers où la foule émit des cris de joie et d'impatience. Sous son bras droit, il tenait un rouleau de feuilles. Il marcha en direction du panneau en liège qui avait été installé pour l'occasion. Les élèves s'écartaient d'eux même pour lui laisser le champ libre. Sans se presser, M Henri déroula une première feuille où étaient inscrits une partie des noms des premières années ainsi que leurs résultats « Echec », « Réussite », « Réussite méritante », « Réussite admirable », « Réussite exceptionnelle ». De la poche intérieure de son veston, il sortit des petites punaises argentées et afficha la première liste de résultats. A peine s'écarta-t-il de quelques pas que des enfants de tout âge se ruèrent sur cette liste. Un garçon écarquilla les yeux devant sa mention « réussite exceptionnelle ». Il relut une dizaine de fois la ligne pour s'assurer qu'il ne se trompait pas, passa son doigt le long de la ligne, et conclut qu'il ne se trompait pas. Il partit prévenir ses amis mais une fois loin du tableau, ses doutes refirent surface et le jeune élève refit la queue pour accéder une nouvelle fois à ses résultats. Il effectua le manège deux fois, jusqu'à ce que ses amis aillent directement voir pour lui et lui répétèrent qu'il ne rêvait pas. Cet enfant, d'un petit patelin perdu dans les montagnes, ne parvint pas à retenir son émotion et riait et pleurait avec ses amis. Ce ne furent que les premières d'une longue série de larmes et de cris.
Il devait être aux alentours de midi lorsque les argentés purent à leur tour se jeter sur les différentes listes. Pauline obtint sans grande surprise, sauf pour elle, « réussite exceptionnelle ». Ce n'était pas sans surprise car Pauline était incroyablement intelligente, ce n'était pas sans surprise car Pauline avait des facilités d'apprentissage, c'était sans surprise car Pauline avait travaillé nuits et jours depuis la rentrée pour ce résultat, plus que n'importe qui d'autre dans cette école. Une mention « exceptionnelle » amplement méritée. Un résultat à la hauteur des moyens qu'elle avait déployés pour atteindre son rêve, à la hauteur de sa capacité de travail, de son ambition et de son volontarisme. Tous ceux qui venaient lui dire que c'était une évidence car elle était intelligente comparée à eux étaient effectivement idiots. Non pas idiots, insultants, car en attribuant cette réussite à une intelligence innée, ils balayaient d'un geste ce qui les différenciaient : les centaines d'heures de travail acharné et un amour inconditionnel du travail bien fait et de la connaissance. Pauline fut la seule à décrocher cette mention dans la classe DDC ainsi que parmi les argentés. Ora, François et Julie obtinrent tous trois « mention admirable ». Le sympathique Dimitri se contenta d'une « Réussite ». Aucun de leurs camarades de classe ne fut recalé, pas même le désagréable Karl qui eut le toupet de décrocher une « Réussite méritante ». Méritante, la blague oui. Les deux compères rejoignirent les argentés.
« Alors mon amour, demanda directement Ora à sa petite princesse.
- « Réussite admirable » ! Tadam ! Cria-t-elle en lui sautant au cou. J'en étais sûre ! Admirable, admirable, admirable, scanda-t-elle, qui c'est qu'est admirable ? C'est moi. Qui c'est qu'est admirable ?
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Reliées - Face à la couronne arrachée
PertualanganLa vie paisible de Tertrefeu s'acheva ce soir-là. Par ces quelques mots tracés sur ce papier froissé. Tous regardaient le messager, dubitatifs, puis finalement ahuris, abasourdis. A peine la nouvelle du renversement du précédant monarque propagée, q...