Août 2009
Vingt heures pile. Je suis tellement stressée en arrivant chez Constance et Matéo que mon doigt ripe sur la sonnette. Valentin s'esclaffe.
— Ben alors, t'as déjà commencé à boire en cachette ?
Je m'efforce de rire à sa blague, mais je ne parviens qu'à décrocher un bref ricanement. J'ai beau faire des efforts pour paraître joyeuse et détendue, à l'intérieur, je suis une boule de nerfs. Vence et Valentin côte à côte dans la même soirée, non mais à quoi je pensais ? J'ai le cœur et l'estomac en vrac.
— Ça va ? me demande Valentin en fronçant les sourcils, surpris par ma réaction un peu trop austère à son goût.
Je me ressaisis du mieux possible.
— Oui, oui. Juste un coup de barre.
— Bon.
Léger silence. Valentin n'insiste pas et finit par sonner à ma place. Profitant qu'il ne me regarde pas, je ferme les yeux un court instant et prends une profonde inspiration en espérant que cela me remettre les idées en place.
J'ai passé quatre heures dans la salle de bains afin d'être la plus canon possible. Je ne sais pas très bien si j'ai fait ça pour Vence, ou pour Valentin, ou pour les deux, ou bien seulement pour moi... mais c'était un besoin presque vital. Il fallait que je me sente belle ce soir. Je me suis douchée, épilée, crémée, shampouinée, coiffée, maquillée, manucurée.
J'ai dû essayer une douzaine de tenues différentes, de la micro-robe au jean en passant par diverses tailles de jupes. J'ai fini par opter pour un slim noir ultra-moulant assorti d'un chemisier décolleté et d'escarpins de la même couleur.
Et le résultat semble plutôt satisfaisant, au vu du regard lubrique que m'a jeté Valentin quand je lui ai demandé ce qu'il en pensait.
Lorsque Constance nous ouvre, je constate que nous sommes les premiers arrivés. Ce qui signifie : pas de Vence à l'horizon. Ma tension baisse aussitôt. Je me détends, je commence à plaisanter et à rire avec ma meilleure amie, cela fait du bien. De leur côté, Valentin et Matéo parlent foot comme s'ils s'étaient vus la veille et qu'ils n'avaient aucune autre nouvelle à se raconter. L'ambiance est chaleureuse. J'ai un peu tendance à enchaîner les apéritifs, mais personne ne le remarque.
A chaque coup de sonnette cependant, mon rythme cardiaque remonte en flèche, le temps d'identifier les convives qui se présentent à leur tour à la porte de l'appartement. Heureusement, jusqu'à une heure assez avancée de la soirée, ce ne sont que des couples d'amis de longue date.
Il est presque vingt-trois heures lorsque le moment, à la fois tant attendu et tant redouté, arrive.
Je suis là, à moitié ivre, assise sur les genoux de Valentin, lorsque Vence débarque. Il est à tomber dans son jean moulant et sa chemise entrouverte sur son torse parfaitement lisse. Lorsqu'il me voit, son visage s'illumine et il m'adresse un éclatant sourire... qui se fige sitôt qu'il aperçoit Valentin. Je vois ses yeux devenir sombres. La présence de mon copain lui fait mal. Curieusement, j'ai l'impression de ressentir son malaise avec autant de force que si j'étais moi-même touchée. Mais je m'oblige à rester impassible.
Comme je ne fais pas un mouvement, Vence est obligé de se déplacer jusqu'à moi. Il me salue d'une bise sur la joue sans me regarder – j'ai le cœur à cent à l'heure mais je m'efforce de ne rien faire paraître – puis adresse une brève poignée de main à Valentin.
Je sens bien qu'il se force, et qu'il ne s'agit que de la politesse la plus élémentaire. Son corps figé et sa mâchoire serrée parlent d'eux-mêmes. D'ailleurs, il n'est pas le seul. Valentin a lui aussi le visage fermé et le regard dur. Antipathie immédiate et réciproque. La rivalité masculine doit avoir des codes que j'ignore. Un peu comme une fille capable de repérer à dix kilomètres au milieu d'une foule LA poufiasse susceptible de détourner le regard de son mec.
Je décide de ne pas chercher à modifier l'attitude de l'un ou de l'autre. En tant que sujet principal de discorde, je ne ferais que m'enfoncer. Je laisse donc Vence s'éloigner pour aller saluer le reste des invités, et je me réinstalle confortablement sur les genoux de Valentin. Mais celui-ci n'a pas la réaction que j'escomptais.
— Tu comptes me squatter toute la soirée ?
Le ton est légèrement abrupt. Légèrement, pour moi, dans ces circonstances, c'est déjà trop. L'alcool aidant, je me braque aussitôt et je réponds d'une voix tout aussi mordante :
— Pourquoi ? Ça te dérange que je sois là ?
Il lève les yeux au ciel et soupire.
— Non, ça ne me dérange pas. Seulement, je commence à avoir mal aux jambes. Après si t'as envie de rester, tu peux, mais dis-le moi parce que je vais changer de position, c'est tout.
Ouais, bon. La coïncidence avec l'arrivée de Vence est un peu troublante, mais je me tais.
D'abord, parce que j'ai tout sauf envie de parler de Vence devant Valentin.
Ensuite, parce qu'il est fort possible que cela ne soit en effet qu'une coïncidence et qu'il ait réellement mal aux jambes. Après tout, je suis assise sur lui depuis presque deux heures.
Finalement, je décide que je ne suis pas d'humeur à me chamailler pour des bêtises pareilles, et j'annonce à Valentin qu'il peut rester tranquillement assis, je vais aller prendre l'air sur le balcon.
En réalité, je n'atteins même pas la porte coulissante. Au moment où je me retourne pour me diriger vers l'extérieur, mon regard capte une scène qui me retourne les tripes.
Vence est là, dans un coin du salon un peu moins éclairé que le reste de la pièce, à l'écart du groupe. Mais il n'est pas seul. Tout sourire, il se trouve en pleine discussion avec une fille très proche de lui et qui a posé une main sur son bras comme s'il lui appartenait. Il ne la quitte pas des yeux. Je la vois rire et minauder. A chaque mouvement, presque imperceptiblement, ils se rapprochent l'un de l'autre.
Mon sang ne fait qu'un tour. J'ai chaud. J'ai froid. J'ai la gorge sèche. J'ai le cœur qui bat n'importe comment. J'ai envie de hurler.
J'ai envie d'attraper cette pauvre conne par la ficelle de son string et de la balancer du haut du troisième étage. Encore plus lorsque je la vois secouer nonchalamment la tête en agitant sa longue chevelure dans un geste infiniment séducteur.
Puis brusquement, je reconnais cette chevelure cuivrée. Ainsi que la silhouette parfaite qui va avec. Un petit corps menu, musclé, avec des formes généreusement réparties.
Je la côtoie depuis des années.
Elle me connaît par cœur.
Et elle savait parfaitement que Vence me plaisait, même si je l'ai toujours nié. Justement parce que je l'ai toujours nié.
C'est cette garce de Marie.
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Je choisis de t'aimer
RomanceSarah se pense heureuse en couple. Pourtant, lorsqu'elle rencontre Vence, toutes ses certitudes volent en éclats. Mais ces émotions inattendues font ressortir d'anciennes blessures, que Sarah n'est pas sûre de pouvoir affronter. C'est désormais une...