Chapitre 17

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Septembre 2009

    

Je reste figée sur ma chaise pendant des heures, comme si j'attendais qu'il passe de nouveau le pas de la porte et revienne s'excuser. Pourtant, je sais que je me morfonds en vain. Valentin est un être entier. S'il a besoin d'être seul pour réfléchir, ce n'est pas l'affaire d'une heure ou deux. Au mieux, il sera là dans quelques jours. Au pire...

Quelque chose de lourd s'abat sur ma poitrine à cette idée et je suffoque soudain.

Je regarde l'appartement autour de moi, mon chez-moi depuis plus d'un an. Il m'est impossible d'imaginer ma vie sans Valentin. Mon quotidien dans un autre lieu, avec une autre personne ou pire : seule. L'évocation de cette possibilité fait couler une sueur froide le long de mes tempes et me donne envie de hurler.

Lorsque la nuit tombe, je parviens enfin à m'extirper de ma chaise et à me traîner jusqu'au canapé où je m'endors devant la télévision. L'image et le son me donnent l'illusion d'avoir de la compagnie.

Le lendemain, je me réveille avec une tronche de déterrée. Yeux rouges, cheveux hirsutes, teint qui pourrait rivaliser avec un mort...

J'ai toujours un nœud dans l'estomac, la gorge brûlante et serrée, et un œil constamment rivé sur la porte d'entrée.

Je me rends compte qu'il faut que je parle à quelqu'un. J'ai besoin qu'on me rassure. Qu'on me dise que ce n'est pas si grave. Que ça arrive, une rupture. Que d'autres l'ont vécu avant moi et n'en sont pas morts. Que même si ça fait mal, je vais pouvoir me relever.

Je pense d'abord à Isabelle Barreau, la psy. Mais j'ai pris rendez-vous pour dans une semaine et je ne pense pas qu'elle soit disponible pour me recevoir là, tout de suite, dans le quart d'heure, juste parce que j'ai un affreux coup de blues. Elle a d'autres patients, après tout, et qui sont certainement tous dans le même état de mal-être que moi, voire pire.

Mes pensées vont ensuite à Constance, ma meilleure amie. Si quelqu'un peut me comprendre et me rassurer, c'est bien elle. Sauf qu'elle n'est pas au courant de tout ce que j'ai raconté à la psy, donc de ce qui a fait fuir Valentin. Et je ne me sens pas le courage de le lui avouer. En tout cas pas maintenant.

Et puis, presque naturellement, le visage de Vence me saute aux yeux. J'essaie de toutes mes forces de le repousser – j'ai l'impression de lui sauter dessus sitôt Valentin parti – mais il s'impose. Je suis certaine que je pourrais lui parler de mes doutes, de mes peurs, de mes interrogations. Pourtant, lui n'est vraiment au courant de rien : ni de mon passé, ni de l'importance que Valentin a pu avoir dans ma vie à un moment donné. Mais curieusement, j'ai moins peur de me confier à lui qu'à Constance.

Le perdre, lui, en cas de rejet, serait-il moins dramatique et moins douloureux que de perdre mon petit ami ou ma meilleure amie ? Ma tête me dit que oui, évidemment. Mon cœur me souffle l'inverse. Mais il me susurre que je n'ai pas à me poser la question, parce que Vence ne me rejettera pas.

Et j'ai beau avoir envisagé l'autre jour, au cours de ma discussion avec Isabelle, que Vence soit un parfait connard au même titre que les autres, une partie de moi refuse toujours d'y croire.

Malgré mon envie d'aller m'épancher auprès de lui, je parviens tout de même à me contenir pendant quelques jours, le temps de voir si Valentin se décide ou non à refaire surface. Mais rien. Silence radio. Cela fait désormais quatre jours et demi qu'il est parti, et je n'ai même pas eu de nouvelles. Je lui ai laissé deux messages pour savoir si je devais continuer à considérer que nous étions en couple, il ne m'a pas répondu.

A présent, je cherche dans les contacts Facebook de Matéo si, sous un nom ou un pseudo quelconque, Vence pourrait s'y cacher, mais je ne trouve rien. Dépitée, je finis par me résoudre à demander son numéro à Constance. Elle me répond presque immédiatement." Salut ma biche, voilà pour toi. Je pensais que tu m'enverrais ce message bien plus tôt ! Mais apparemment, tu résistes bien à la tentation... ;) "

Sa dernière remarque m'agace, surtout dans les circonstances actuelles – là tout de suite, il n'est pas question de tentation pour moi, mais seulement de trouver un confident – mais je préfère ne pas lui répondre plutôt que de me lancer dans des explications sans fin. J'ai l'impression que plus j'essaierai de me défendre, plus je risque de m'enfoncer aux yeux de mes amis.

Le numéro de Vence enfin en ma possession, je l'appelle aussitôt.

Il décroche à la dernière sonnerie, un peu méfiant.

— Allô ?

Je fonds. Le son de sa voix m'avait manqué. Je suis comme un drogué qui vient de recevoir sa dose.

— Euh, Vence, salut, c'est Sarah. J'ai eu ton numéro par Constance.

Il se détend aussitôt. J'ai presque l'impression de l'entendre sourire. Il me dit qu'il est content d'avoir de mes nouvelles, que lui-même n'a pas osé demander mon numéro de peur que Valentin le prenne mal. J'élude le sujet. Je lui dis que j'aimerais lui parler et lui demande s'il est disponible pour aller se promener au parc, rien que lui et moi.

— Je n'aime pas beaucoup qu'une fille me dise qu'elle « veut me parler », plaisante Vence.

J'hésite à lui exposer plus en détail la raison de mon appel. J'ai peur de me lancer dans la discussion plus tôt que prévu. Puis comme Vence semble s'inquiéter de mon silence, j'avoue :

— J'ai quelques soucis... Ça ne va pas trop en fait, et... je ne savais pas avec qui en parler, vers qui me tourner. Alors...

— Tu as bien fait, me rassure-t-il.

Et sans insister sur le pourquoi du comment, il me demande mon adresse et m'annonce qu'il passe me chercher dans vingt minutes.


Je choisis de t'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant