Juillet 2009
J'ai décidé de ne plus revoir Vence.
C'est ma résolution du matin.
Il est trop dangereux pour moi. Entre ses mains, je suis malléable, et dotée d'aussi peu de volonté qu'une poupée de chiffon. D'un sourire, d'un regard, il peut me faire faire ce qu'il veut. La preuve : la soirée d'hier aurait pu avoir des conséquences dramatiques sur mon couple, sur ma vie. Cela ne s'est joué qu'à quelques centimètres, à quelques secondes. A un sursaut de conscience.
Et puis, la présence de Vence réveille en moi des tas de choses ignorées, oubliées, ou soigneusement enfouies depuis des années. Des choses qui me font terriblement peur, parce que je ne suis pas prête à les accepter, pas prête à les assumer, pas prête à les intégrer dans ma vie actuelle.
Le profond ennui creusé par une routine qui s'est installée insidieusement, une routine faite d'habitudes qui s'enracinent lentement, au fur et à mesure des jours qui passent, sans retour en arrière possible.
La force du désir, surtout celui que l'on refoule et qui parvient tout de même à la surface. Et à plus forte raison lorsqu'il surgit sans prévenir, à l'instant où on s'y attend le moins.
Mais aussi quelque chose de plus sombre, et d'infiniment plus douloureux. Le reliquat d'un passé que je croyais enterré à jamais ; comme quoi rien n'est définitif.
J'ai beau empêcher du mieux que je peux les souvenirs de me revenir, certains passent à travers les mailles du filet et viennent me percuter avec la force d'une balle de fusil. Des flashs, pour la plupart.
Une porte qui claque.
Des pleurs à n'en plus finir.
De l'alcool qui coule à flots.
Des corps contre le mien.
Des nuits interminables.
Une honte diffuse.
L'envie de crever sur place.
De l'alcool, encore.
La honte, surtout, qui me suit comme une ombre dans chacun de mes gestes et à chacune de mes paroles. C'est presque une seconde peau. J'ai appris à vivre avec.
Le cauchemar ne s'est arrêté que lors de ma rencontre avec Valentin.
Ce soir-là, quand je l'ai vu au restaurant, j'ai tout de suite su qu'il ne serait pas comme les autres. Mais pas parce que j'ai eu le coup de foudre. Valentin a beau être super mignon avec ses grands yeux sombres et ses cheveux noirs qui lui tombent sur les yeux, sa présence ne m'a pas laissée chancelante.
De même, malgré sa carrure de rugbyman professionnel et ses abdominaux en béton armé, il ne m'a pas rendue incapable d'émettre le moindre son, ni d'esquisser le moindre geste, comme cela a pu se produire hier soir avec Vence.
En revanche, il dégageait une telle impression d'autorité, de franchise et de droiture, tant dans son attitude que dans ses paroles, que je me suis immédiatement et irrémédiablement sentie attirée vers lui. J'avais besoin de ça, à l'époque. De sécurité et de confiance. Et aujourd'hui encore, certainement, puisqu'il m'est impossible d'imaginer un seul instant ma vie sans lui.
Je me retourne brusquement dans mes draps, en colère après moi-même.
Mes pensées sont absurdes, grotesques. Comment puis-je cumuler la certitude d'être avec l'homme de ma vie, celui qui m'a tirée d'une existence dont je ne serais pas sortie indemne, et la faiblesse de me rapprocher d'un autre en sachant pertinemment qu'il n'y aura pas de vainqueur dans une telle histoire ?
Merde, mais qu'est-ce qui cloche chez moi ?
Rien qu'à l'évocation de Vence, j'ai chaud, j'ai des fourmis dans le ventre, j'ai le sourire aux lèvres. Pire : des idées sensuelles, érotiques même, me viennent à l'esprit sans que j'aie rien demandé.
Je l'imagine nu devant moi, près de moi, contre moi. Peau contre peau, comme une caresse divine qui s'étire à l'infini.
Je le vois m'embrassant, me caressant, se pressant contre mon corps, s'introduisant en moi. Mon bas-ventre se contracte à cette idée.
Et plus je combats ces fantasmes, plus ils viennent s'immiscer dans chacune de mes pensées.
C'est une sensation que je n'avais encore jamais connue, avec personne. Pas même avec Valentin. Pas même aux débuts de notre histoire, quand nous étions encore en phase de séduction.
Je suis furieuse et extrêmement frustrée de ressentir pour Vence quelque chose que je n'ai pas su éprouver avec Valentin. Ce n'est pas juste. Ce n'est pas comme ça que les choses doivent se passer. Puisque je sais qu'il est l'homme de ma vie !
Je ne comprends pas ce qui m'arrive.
Il y a peut-être une « crise des deux ans » dans un couple, et je ne suis pas au courant. Une crise où on s'interroge, où on teste sa résistance aux charmes extérieurs.
Ou bien est-ce que c'est uniquement physique avec Vence ? Une question de phéromones, ou un truc du genre ? Suis-je donc si faible que je n'arrive même pas à contrôler mon propre corps ?
Quoi qu'il en soit, le danger est bien présent, bien réel, puisqu'il me suit jusqu'au fond de mon lit, jusque dans mes pensées les plus intimes. Je ne peux pas continuer comme ça.
Donc, résolution du matin.
J'ai décidé de ne plus revoir Vence.
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Je choisis de t'aimer
RomanceSarah se pense heureuse en couple. Pourtant, lorsqu'elle rencontre Vence, toutes ses certitudes volent en éclats. Mais ces émotions inattendues font ressortir d'anciennes blessures, que Sarah n'est pas sûre de pouvoir affronter. C'est désormais une...