Un homme assez âgé avec une barbe se tenait devant moi. Je tournai plusieurs fois la tête pour savoir où je me trouvais, mais il n'y avait que du blanc à perte de vue. Il ne me lâchait pas du regard, observait le moindre de mes mouvements. Tout cela me mettait mal à l'aise.« Dès que tu seras arrivée et que tu pourras t'enfuir, rejoins-moi. Je te guiderai. »
Je regardais le vieil homme, surprise. Il m'avait parlée sans même ouvrir la bouche. Son visage se déformait, son corps s'étirait et tout disparut dans un tourbillon de blanc.
Une porte claqua. Je découvris que j'étais étendue sur la banquette arrière. Je me relevai rapidement, trop rapidement. Ma vue se brouilla quelques instant. Je jetai un œil par la vitre de la voiture, ce que je vis me désespéra. Il n'y avait qu'une mer de neige et de sapins qui s'étendait à perte de vue et dont on ne voyait pas la fin. Aucun signe d'êtres vivants ou d'habitations. J'étais coincée là, loin de tout, avec mon kidnappeur, Ezechiel. Je le détestai de m'avoir fait ça alors que je commençai enfin à lui accorder ma confiance.
Des pas, craquants dans la neige, se firent entendre. Je me recouchai et fermai les yeux pour simuler mon sommeil. La porte de gauche s'ouvrit, c'était sûrement lui.
- Yvannah ?
Je restai muette. Je l'entendis soupirer. Je sentis une main glisser sous mon dos et se loger au milieu de mes omoplates, l'autre main alla se nicher au creux de mes genoux. Mon corps se décolla de la banquette. Le vent glacé passait entre mes doigts et mes cheveux, vint chatouiller le bout de mon nez. Une porte s'ouvrit de nouveau et une vague de chaleur se répandit. Il me déposa sur un fauteuil moelleux près de l'âtre, j'entendais le crépitement des flammes et l'odeur du bois s'infiltrait dans mes narines. Une main effleura mon front et repoussa quelques mèches de cheveux tombées de ma queue de cheval faite à la va-vite.
- Je suis désolé Yvannah mais c'est pour toi, pour ton bien, pour que tu puisses comprendre, chuchota-t-il.
Il s'éloigna. Je restai ainsi un moment sans bouger, réfléchissant à ce qu'il pouvait bien entendre par « pour que tu puisses comprendre »...
Lorsque je commençai à avoir des fourmis dans les jambes je me décidai à me lever.
Un sourire se dessina sur le visage d'Ezechiel, ce qui fit apparaître des fossettes. Je lui fis un signe de tête en retour pour lui dire « bonjour ».
-Alors bien dormi ?
- Pour moi se faire droguer, ce n'est pas dormir, répondis-je sèchement.
- Désolé mais tu devais venir. D'ailleurs on repart demain, je ne pouvais pas aller plus loin à cause de cette fichue tempête mais on est bientôt arrivés ne t'inquiète pas.
- Es-tu conscient que je ne veux pas venir avec toi ?
- Es-tu consciente que je n'ai pas le choix et que tu es obligée de venir avec moi ?
Sa question resta en suspens.
Il avait l'air plus serein, plus détendu. Je retrouvais enfin mon Ezechiel des début.
Je me résignai à accepter le fait de le suivre puisque de toute façon je devrais le faire de gré ou de force.
Un sourire de triomphe s'afficha sur le visage d'Ezechiel, comme s'il savait qu'il avait gagné, qu'il venait de lire dans mes pensées et savait que je le suivrais.
-Tu me suivras sans broncher demain ? me demanda-t-il.
- Ouais... m'avouais-je vaincue.
Tout le long de la soirée, nous essayâmes de faire comme si rien ne c'était passé mais je gardais le goût amer de la défaite. Je devais me soumettre à ses envies et je n'aimais pas ça, après ce qu'il m'avait fait subir.
J'allai donc me coucher, sans avoir cherché à faire la discussion ni de politesse.
Je tombai comme une masse dans le lit qui m'était destiné. Ma chambre se situait au rez-de-chaussée, j'entendis donc Ezechiel s'activer à faire la vaisselle. La maison appartenait au village, m'avait-il expliqué. Beaucoup de passeurs amenant de jeunes recrues à Almaren s'arrêtaient là car le temps n'était pas souvent clément.
Je me laissais bercer pas le son de l'eau qui coulait. Je l'entendais s'échapper du robinet, glisser sur les assiettes, parcourir le fond de l'évier et finir par se faire aspirer par les canalisations. Bientôt, le sommeil vînt et je ne pus résister à son appel.
Mes pieds nus s'enfonçaient dans la neige immaculée. Le froid me brûlait. A chacun de mes pas je laissais derrière moi de petites gouttes rouges qui venaient s'écraser sur le sol blanc. Je marchais avec difficulté, j'étais essoufflée, mes jambes tremblaient. « Je perds beaucoup trop de sang » pensais-je avec horreur. Je m'écroulais par terre. J'essayais tant bien que mal de me redresser pour pouvoir continuer mon chemin, en vain. Je ne me sentais pas en sécurité, il fallait que je parte vite et loin. En m'aidant de mes bras, je rampais. Le froid me mordait les jambes, les bras, me congelait les poumons. Il anesthésiait aussi mon corps qui, à présent, ne me faisait plus souffrir. Une masse s'écrasait sur mon dos ce qui me fit perdre le peu de force qu'il me restait dans les membres. Je sentais la semelle d'une chaussure me rentrer dans les côtes. Une voix grave me demandait :
- Pourquoi essaies-tu de me fuir ? Tu sais que tu ne m'échapperas pas.
Le ton de sa voix me fit comprendre qu'il était la menace. J'étais sa proie et qu'il me traquait. Je n'avais aucune chance de m'en sortir, mais j'essayais tout de même de me dégager de son emprise, en gigotant tel un ver de terre. Une vive douleur se fit sentir entre l'omoplate et la colonne vertébrale. D'une flèche bien ajustée, il avait réussi à me toucher en plein cœur. Je vis des étoiles, mes oreilles bourdonnèrent, la neige froide devint tiède et moelleuse. J'avais l'impression de me retrouver dans mon lit, enveloppée dans une couette. Une couette trop épaisse qui m'empêchait de respirer.
J'étais bien, je ne cherchais pas une sortie pour pouvoir prendre une bouffée d'air. J'étais apaisée. Toute ma peur avait disparue. J'entendais au loin une voix désagréable me dire qu'il m'avait prévenu mais je ne l'écoutais pas.
Une dernière inspiration pour remplir mes poumons dont la taille ne suffisait plus à prendre assez d'air, un dernier souffle et je fermais les yeux lentement me laissant entraîner dans un sommeil éternel. Je ne pensais pas que la mort était si douce.Je sortis en trombe de la petite maisonnette. J'avais besoin d'air. J'étais en sueur. C'était un cauchemar qui avait l'air si réel. Je tremblais comme une feuille, non pas de froid mais de peur. Je venais de vivre ma propre mort et c'était tout bonnement terrifiant ! Je m'assis quelques pas plus loin dans l'herbe gelée. Le vent me fouetta le visage. L'oxygène emplissait mes poumons, ça m'aidait à reprendre mes esprits et soulager mon angoisse et ma peur.
Une branche craqua dans mon dos. Je me retournai vivement. Deux yeux ambre entourés d'une magnifique fourrure orange me fixaient. Son museau flaira les alentours pour détecter un quelconque danger. Il s'avança à petites foulées vers moi. Je restai immobile. Il s'approchait de plus en plus puis se stoppa net. Sa queue touffue se terminant par une petite pointe blanche se balançait lentement de droite à gauche. Ses oreilles pointues s'animèrent. L'animal approcha précautionneusement de moi, prêt à fuir au moindre signal d'alerte. Il senti ma main qui était posé dans l'herbe puis me fixa. Son regard avait quelque chose d'humain qui me laissa perplexe. Je décollai lentement ma main du sol pour venir caresser son poil à l'aspect si doux. Il se laissa faire. Il se lassa bien vite de moi car quelques minutes après notre rencontre, je le voyais déjà disparaître derrière un buisson.
Avoir vu ce renard, curieusement, m'avait calmée et fait oublié mon mauvais rêve. Je restai tout de même plusieurs minutes à fixer le bosquet par lequel il était parti, espérant revoir son petit museau sortir de derrière le feuillage.
Je pris conscience qu'il ne reviendrait pas. Il valait mieux que je rentre me mettre à l'abri du froid mordant.
Je m'assis sur le fauteuil en rotin, près du feu de la cheminée, permettant ainsi à mes doigts de se réchauffer. Des étoiles plein les yeux, enroulée dans une couverture trouvée sur le sofa, mes yeux se fermèrent petit à petit laissant place au monde des songes.
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Liars say lies
FantasyYvannah, jeune fille de 17 ans, ayant déjà dut affronter le douloureux décès de son père, aimant sa tranquillité et essayant de se fondre dans la masse, vit sa vie être chamboulée le jour où elle bouscula ce grand brun. Après une altercation violen...