Chapitre 15

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- Bien dormi ? me demanda Ezechiel avec un sourire désarmant, toujours prête à me suivre ?

- Mmh, mmh, répondis-je sans vraiment l'avoir écouté.

Je repensais à la merveilleuse rencontre que j'avais faite pendant la nuit. Je n'arrêtais pas de me répéter que je ne revivrais jamais ça, qu'il fallait que je grave ce moment dans ma mémoire.

- ...pas ?

Je sortis brusquement de mes pensées et levai la tête vers Ezechiel. Il me regardait en souriant, appuyé sur le lavabo de la cuisine, un torchon sur l'épaule. Un rayon de soleil illuminait ses cheveux noirs ce qui les rendirent plus clairs qu'à l'habitude.

Il avait dû comprendre que je n'écoutais pas un traître mot de ce qu'il me racontait puisque je le regardais niaisement, la bouche légèrement ouverte et que je ne lui répondais pas, de ce fait il me fit cette remarque :

- Allô Houston, vous me recevez ?

- Je ne t'ai pas écouté, désolé... dis-je un peu embarrassée.

- J'avais remarqué, s'exclama-t-il en riant, alors si on part à 10 heures ça te vas ? La tempête s'est calmée, on devrait pouvoir reprendre la route tranquillement et arriver demain si tout se passe bien.

A l'annonce de notre arrivée imminente à destination je me levai d'un bond de la chaise sur laquelle j'étais assise et demandais-je :

- Très bien ! Comme ça tu pourras enfin tout me raconter ! Bon j'imagine que tu ne veux ou ne peux toujours pas me dire où on va ?

- Non...

- D'accord alors dans ce cas ne perdons pas de temps, on part dans 10 minutes le temps que je rassemble mes affaires et on y va ! Plus tôt on partira, plus tôt on arrivera !

- Je suis content que tu sois si spontanée par rapport à hier. Dans ce cas je range la table pendant que tu te prépares.

J'avalai les derniers flocons d'avoines qui restaient dans mon bol et quittai la pièce pour entreprendre un rangement express de mes affaires. On allait enfin quitter ce chalet poussiéreux qui appartenait à la communauté. C'était Ezechiel qui me l'avait confié lors d'une discussion.

Les pieds posés sur le tableau de bord, je me trémoussais sur mon siège en chantant à tue-tête, avec Ezechiel, une chanson des années 70.

En fouillant dans la boîte à gant tout à l'heure, j'avais trouvé une vieille cassette poussiéreuse et depuis on écoute en boucle les même tubes connus. Je m'amusais comme une folle. C'est quand même mieux de voyager ainsi que d'être droguée et voyager à l'arrière. De toute façon j'étais obligée de continuer à présent et puis c'est quand même assez excitant de partir pour une destination inconnue. J'en oubliai complètement les révélations qu'il devait me faire.

Je pense tout de même, que vous aurez compris que rien ne peux se passer sans accroche avec moi.

Une épaisse couche de verglas enfouie sous de la poudreuse. Un virage un peu trop serré. Rien ne put arrêter cela.

La voiture exécuta un tournant dans le vide, dégringola en tonneau les quelques mètres de la pente. Ma tête vrillait dans tous les sens. J'entendais le son de la voix d'Ezechiel qui ne ressemblait qu'à un bourdonnement. Je criai, j'avais tellement peur, je ressentis plusieurs craquements sourds dans mon corps. Un liquide chaud et visqueux s'échappait de mon crâne. Mon corps s'entrechoquait sans cesse avec les parois du petit habitacle fermé qui me retenait prisonnière. Elle alla finir sa course dans un arbre situé un peu plus bas.

Une larme coula le long de ma joue et vint se mélanger à mon sang. Je ne pouvais plus bouger, j'étais comme comprimée...

Je hurlai à l'aide mais personne ne vint à mon secours. La douleur était tellement intense, mon corps était à bout, il ne pouvait plus supporter cela. Je lutter pour ne pas fermer les yeux, ne pas me laisser aller, mais j'étais trop faible pour me battre et me laissai aller à la douceur du sommeil qui me tendait les bras.

Je sentis une main prendre la mienne et me la serrer fort, à m'en écraser les doigts. Je tournai tant bien que mal ma tête dans la direction d'Ez. Un éclair de douleur transperça mon cou, je grimaçai. Mon visage enfin en face du sien, je pu constater qu'il était en piteux état, et avait probablement des blessures bien plus sévères que les miennes. Il me chuchota, au prix d'un effort qu'il ne sut dissimuler :

- Ne t'inquiète pas, on va trouver un moyen de s'en tirer, reste forte.

Je n'arrivais pas à le croire. Je pense qu'à cet instant, je m'étais tout simplement résolue à attendre que la Mort m'emporte avec elle, tout comme dans mon rêve, je n'avais pas peur, je l'attendais comme quelqu'un qui attend un vieil ami qu'il n'a pas vu depuis longtemps. J'étais sereine, prête à accepter mon sort. Je fermais les yeux pour mieux ressentir l'air me caressant délicatement le visage, la chaleur du soleil, le chant de la faune...

Je vis une ombre, à travers la peau fine de mes paupière, me cacher des derniers instants de symbiose avec Mère Nature.

Trois individus. Une fille avec une crinière rousse flamboyante accompagnée de deux garçons, un avait de belles boucles châtain qui encadraient son visage et avait environ l'âge de la jeune fille, tandis que l'autre était du même gabarit qu'Ezechiel sauf qu'il était blond. Ils nous observaient avec insistance. Ils évaluaient la situation, scrutant les dégâts et les blessures. Je rassemblai le peu d'énergie qu'il me restait et dans un dernier souffle, demandai de l'aide. L'un des hommes, le plus vieux des deux, tourna les talons. Les deux jeunes suivirent sans protester. Une voix grave s'éleva :

- Vous prenez la fille, vous ferez attention sa jambe est coincée dans le chambranle de la porte. Veillez à ne pas aggraver ses blessures qui ne sont que superficielles. Moi, je m'occuperais seul de l'homme. Entendu ?

- D'accord, on fait comme ça Eliott, répondit une voix féminine.

- C'est compris Icham ?

Je n'entendis pas de réponse. Quelques secondes suffirent aux trois inconnus pour rejoindre la carcasse qui me retenait prisonnière. La jeune fille, environ du même âge que moi me souriait, comme pour me signifier qu'elle ne me voulait aucun mal, comme on le fait avec un animal sauvage. J'étais complètement envoûtée par ses jolis yeux couleur émeraude.

Après de longues minutes, j'étais enfin libre. Tous deux me supportèrent sur une épaule jusqu'à, je le supposais, leur voiture. Un frisson de peur me parcourut l'échine, elle me calma en me tendant une bouteille d'eau et m'assura que j'étais en sécurité. Elle se présenta :

- Je m'appelle Anthéa, et voici mon frère Icham, dit-elle en pointant du doigt le garçon qui s'était éloigné de quelques mètres.

Il se retourna vivement. Aucune expression ne filtrait sur son visage fermé.

- On a dix-sept ans et toi ?

Ce côté mystérieux me laissais sans voix, il n'était pas exceptionnellement beau mais il avait un charme, quelque chose en plus.

- Moi aussi, vous êtes jumeaux ?

- Oui.

Sa sœur essaya tant bien que mal de combler le blanc en me demandant ce que je faisais dans le coin mais je n'eus pas le temps de répondre.

Un cri de souffrance déchira le calme environnant. Un cri humain.


Liars say liesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant