Chapitre 4

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Je rentrais à pied depuis quelques jours. Je ne prenais pas le risque d'aller dans le bus et tomber nez à nez avec le beau brun qui occupait tous mes esprits, depuis quelques jours : Ezechiel. Il fallait qu'il sorte de ma tête. Ce n'était pas mon ami et je ne voulais pas non plus qu'il le devienne. Les derniers rayons du soleil rougeoyant venaient me tenir compagnie. Ils s'enroulaient autour de moi comme les bras de mon père autre fois. J'esquissai un petit sourire en me rappelant des bons moments. C'était agréable.

J'accélérai un peu mon pas pour éviter de rentrer trop tard. Je voudrais rentrer avant tout le monde à la maison, pour pouvoir aller m'exiler dans ma chambre, seule.

Ce fut une journée plutôt courte qui s'est déroulée sans encombre. Enfin c'est ce que je croyais...

J'aurais dû rester sur mes gardes. La journée était loin d'être finie.

J'entendis des pas précipités se diriger vers moi. Une ombre surgit devant moi :

-T'es pas facile à trouver ! Je t'ai attendue à la sortie, je t'ai pas vue sortir, tu passes par où ?

-Par la sortie normale, tu ne m'as juste pas vue. Dis-je en essayant de feindre un air naturel.

C'est vrai que je lui mentais encore une fois, mais après tout je n'avais pas de compte à lui rendre. J'avais préféré sortir par la sortie de secours du parc. A l'inverse de la fois précédente, aucun surveillant n'était là. Il était donc plus aisé d'emprunter cette sortie sans se faire repérer. Je préférais sortir par-là, il n'y a jamais personne pour te bousculer afin de pouvoir sortir plus vite.

- Je t'aurais vu si tu étais sortie par la porte principale, et là ce n'est pas le cas. Il y a une autre sortie ? Une étincelle de curiosité brillait dans ses yeux envoûtants.

-Tu m'as ratée c'est tout.

-Non, je ne rate personne. Dis-moi la vérité.

-Tu es bien sûr de toi...Est-ce que tu insinuerais que je suis une menteuse ?

J'admets que je le titillais. Je voulais voir s'il allait soutenir ses propos face à mon accusation ou s'il allait tout simplement se rétracter.

-Oui.

On se défia du regard quelques minutes. Je me perdis dans la froideur des paysages arctiques auquel me faisaient penser ses yeux. Une petite voix résonnait dans ma tête clamant le fait que je pouvais tout lui dire, qu'il fallait tout lui dire. Je suivis cette petite voix qui me semblait bienveillante et acceptai de me confier.

- Oui il y a un autre passage. Une sortie de secours dans le parc. Content ?

- J'avais raison !

Il eut un long blanc :

-T'es pas très loquace. Tu es timide ?

-Non j'ai juste pas envie de te parler, murmurais-je.

-Ah je comprends je suis un peu lourd... ou c'est parce que je suis « ami » avec Mélina ? dit-il en miment les guillemets avec ses mains, un air amusé collé sur le visage.

-Non je m'en fiche, maintenant laisse-moi passer.

Mais il me retint par le bras.

- Dis-moi au moins ton nom, tu me dois bien ça !

-Je ne te dois rien et non je ne te le dirais pas. Dis-je calmement.

-Je ne te demande pas d'excuses, alors tu peux au moins me dire ton nom non ?

- Sache que même si tu m'en demandais je ne t'en ferais pas.

-C'est pas très poli tout ça, dit-il.

Son regard rieur dénotait avec sa bouche qu'il venait de pincer.

-Si je te le dis tu me laisseras passer ?

-Bien sûr ! dit-il d'un ton enjoué. Décuplant son charme naturel.

-Yvannah, maintenant laisse-moi !

Il me lâcha et ajouta, un rire dans la voix :

- Alors à demain Yvannah !

« Ce garçon m'énerve ! Il se croit permit de tout mais surtout il s'amuse à se foutre de moi ! Il rêve je ne veux pas le voir demain !» pensais-je.

Je tournai les talons et poursuivi ma marche d'un pas soutenu. Je n'avais plus de temps à perdre.

Après réflexion, je me rendis compte que même si tout chez lui m'agaçait, je me sentais invariablement proche de lui. Quatre pas. Tout cela me rendait complètement folle. Huit pas. Pourquoi avais-je cette impression de le connaître depuis toujours ? Douze pas. Je devrais m'éloigner de lui, ne plus lui parler comme j'avais pensé au début. Seize pas.

Si j'avais su ce qu'il m'attendait, je ne serais peut-être pas partie si vite. Je n'aurais pas désiré m'éloigner, j'aurais préféré rester en sécurité avec Ezechiel.

Le dix-septième pas me fut fatal.

Une douleur fulgurante s'empara de mon corps. Je serrai mes bras autour de mon ventre, incapable de comprendre ce qui m'arrivait. J'avais l'impression que mes entrailles étaient en train de brûler. Je voulus hurler tellement j'avais mal, peut-être qu'Ezechiel m'entendra si il n'est pas déjà parti. Aucun son ne parvint à franchir mes lèvres. J'étais complétement paralysée, tétanisée par la souffrance. Sans vraiment m'en rendre compte, je me retrouvai à genoux. Je me demandai combien de temps me restait-il avant que je perde connaissance. Autour de moi tout était flou, je ne voyais plus rien sauf deux petit ronds bleu blanc qui brillaient. La souffrance qui me rongeait de l'intérieur me clouait au sol. J'avais mal, bien trop mal pour pouvoir en supporter d'avantage. Je fixai mon regard sur les deux cercles clairs qui luisaient dans l'obscurité. Il fallait que cela cesse. Je n'arrivais même plus à réfléchir pour trouver un moyen de me sortir de là. Tout semblait disparaitre sauf la douleur et la lueur de ces deux sphères glaciales. Mes oreilles bourdonnaient dans un bruit assourdissant. Puis d'un coup, le silence total. Un sifflement tel un serpent me dit « très bientôt...bientôt tu sauras...tu sauras tout ».

Soudain tout cessa d'un seul coup. La douleur s'estompa. Le voile qui couvrait mes yeux se leva et le contour des bâtiments aux alentours redevinrent nets. J'étais recroquevillée sur le sol. J'essayai de me mettre debout, en vain, je ne pus me mettre qu'assise pour le moment.

Apres plus de dix minutes à rester le regard dans le vide, choquée, je me rappelai que j'étais assise par terre, dans la rue. J'essayai tant bien que mal de me redresser pour pouvoir rentrer. Je titubai sur quelques mètres, attrapant mon sac au passage, jetant un dernier coup d'œil dernière moi pour voir si mon agresseur n'était pas encore dans le coin. Puis m'aventurai dans les rues sombres pour rentrer dans l'incompréhension la plus totale.


Liars say liesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant