Chapitre 12

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Je me réveillai, toujours dans la même chambre, celle que j'occupais depuis un petit moment.  Cela faisait déjà quelques jours que je savais qu'il se passerait quelque chose aujourd'hui. Le jour de mes dix-sept ans.

Avant j'étais impatiente de savoir ce qu'il m'attendait mais maintenant que j'y suis, je ne sais pas si j'ai envie de savoir. J'ai peur, je suis anxieuse et Ezechiel n'a rien fait pour me rassurer bien au contraire. Depuis ce qu'il m'a révélé, il est distant et ne veut plus me parler de ce qu'il m'a raconté. D'après lui, il en a déjà trop dit... je ne suis pas de son avis.

Comme me l'avait prédit Ezechiel, ces deux dernier jours ont été insoutenables. Mes yeux me brûlaient comme si à chaque seconde, un flot d'acide s'insinuait dans mon œil, rongeant la corné, détruisant tout sur son passage. J'étais fiévreuse et mes jambes ne supportaient plus le poids de mon corps. Chaque inspiration était une épreuve et l'expiration, mon dernier souffle.

Depuis ce matin, plus rien. La fièvre n'était pas encore retombée mais je me sentais tellement mieux, je voyais enfin le bout de ces jours d'interminables calvaire.

Il fallait que je sorte de mon lit, j'y suis restée trop longtemps. Il m'était impossible de rester ici, dans cette pièce.

La maison était calme, aucun bruit ne parvint à mes oreilles. J'en profitai pour me glisser dehors. Il devait être tôt, l'aube pointait son nez.

Je déambulais sans but, juste pour marcher. Mes pensées, elles aussi vagabondaient. Elles vinrent s'arrêter sur un visage féminin que je ne connais que trop bien : ma mère. Je me remémorai du peu de bons souvenirs que j'avais partagé avec elle. Je pris conscience de la distance qui nous a séparées ces derniers temps. Elle me fait comprendre que même après m'avoir fait souffrir, en me cachant certainement une multitude de choses, je l'aimais, je l'aimais tellement, elle me manquait terriblement et je n'avais aucune nouvelle d'elle depuis mon départ. Tout de même c'est ma mère et je pense que, ces derniers temps, je l'avais un peu oubliée.

Je marchai dans les rues vides. Je posai un pied devant l'autre, sachant très bien où aller. Direction l'appartement.

Je voulais juste apercevoir ma mère avant qu'il ne m'arrive quelque chose. Malgré ce que je lui ai fait, ou que je n'ai pas fait je ne sais plus, je ressens le besoin de la voir.

J'arrivai plus vite que je ne le pensais. Mes pieds glissant seuls sur les trottoirs pavés. La rue était déserte et un silence assourdissant y régnait.

Je levai la tête vers la fenêtre de mon ancien appartement.

Je ne m'y étais jamais vraiment bien sentie mais maintenant que je ne peux plus y aller, je n'ai qu'une seule envie, c'est de rentrer, de lancer un « bonjour » à la cantonade et de me m'affaler sur mon lit. Mais ce n'était plus possible maintenant.

J'aperçu une ombre se déplacer devant la fenêtre, une ombre de femme : ma mère. Quelques seconde plus tard une seconde ombre la rejoignit, cette fois je ne réussis pas à la distinguer. Elle enlaça ma mère.

Des bruits de pas se dirigèrent vers moi. Je me précipitai derrière une poubelle et m'accroupis. J'attendis que les petits claquements sur le sol s'éloignent.

« J'ai pris trop de risque, il faut que je rentre, si la police me cherche je ferais mieux de ne pas trainer dans les parages. »

J'essayai de retrouver ma route mais impossible de me rappeler. Je m'aventurai donc au hasard dans l'une des rues adjacente.

La ville se réveillait, les gens commençaient partir au travail, les boulangeries ouvraient. Je devais donc me dépêcher. Je traversai une rue, tournai à gauche une fois puis une autre fois à droite, je revins sur mes pas, je courais dans tous les sens. Le monde commençait à affluer. Pas moyen de retrouver la rue d'Ezechiel. Je sentais que j'étais au bord des larmes. Le stress des derniers jours s'accumulait et je n'arrivais plus à le gérer.

Je me laissai glisser le long du mur, repliant mes genoux contre moi, laissant mes larmes s'écouler le long de mes joues rougies par l'effort.

Je sentis un petit doigt me tapoter l'épaule. Un petit garçon aux yeux bleu, aux cheveux et à la peau couleur farine se tenait devant moi. Il me regardait avec un air interrogateur.

-Dis, pourquoi tu pleures ?

- Je...euh...je ne pleure pas.

- Tu cherches ta maison ?

- Oui.

Je me sentais bête de pleurer ainsi devant un enfant. Je me relevai, époussetai d'un geste mécanique mon vieux jean et le regardai dans les yeux.

-Et toi tu cherches tes parents ?

- Oh ! Non.

Il me prit par la main et je compris d'un coup d'œil qu'il n'était pas tout à fait un garçon ordinaire. Une aura se dégageait de lui. La même sensation de confiance m'envahissait que quand j'étais avec Ezechiel. Il avait les mêmes yeux bleus que lui.

Il pressa légèrement sur ma main comme pour m'encourager à le suivre. Il avait l'air tellement mature qu'on aurait pu croire que c'était moi l'enfant et lui l'adulte. Il me tirait par la main tout en me racontant des histoires de château au sommet des nuages et d'une cascade permettant de voir les êtres chers revenir à la vie. Je buvais ses paroles. Je n'ai même à aucun moment regardé la route, je me laissais aller à me faire guider.

Il s'arrêta d'un coup, glissa sa main hors de la mienne. Ses iris clairs braqués sur moi, il me dit :

- Dis, tu suivras Ezechiel ?

J'ignorai le fait qu'il connaisse Ezechiel, sans même que je lui parle pour lui demander plutôt où je devrais le suivre.

- Tu devras le suivre pour aller à Almaren, alors est-ce que tu pourras lui faire assez confiance ?

- Je verrais le moment venu.

- Tu dois le suivre, c'est très important, tu dois faire ce voyage.

Il se mit sur la pointe des pieds pour essayer d'être à la hauteur de mon oreille, je me baissai légèrement, comprenant son intention, et il me chuchota au creux de celle-ci quelques mots que je ne compris pas tout de suite.

« Quand tu le reverras, tu me reverras. A très bientôt ! »

Au moment où je me redressai je sentis un courant d'air frais voltiger autour de moi, puis, plus rien. Je regardai aux alentours d'un air hébété. Rien. Un doux rayon de soleil éclairait une maison à la façade blanche. La fameuse maison que je cherchais : la maison d'Ezechiel.

Liars say liesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant