Chapitre 16

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Ignorant la douleur qui me coupait les jambes, je me précipitais en direction du son que je venais d'entendre. J'avais reconnu la voix d'Ezechiel ce qui ne me fit que plus paniquer encore.

L'homme blond, Eliott, était penché au-dessus des débris de notre voiture. Dos à moi, il masquait mon passeur. Mais qu'avait-il bien pu lui faire ? Je n'aurais pas dû leur faire confiance, les suivre et surtout laisser ce fou furieux seul avec lui.

Je m'approchai discrètement. Puis d'un bond, je sautai sur son dos, passant mon bras autour de son cou, essayant de l'étouffer pour qu'il s'éloigne. Peine perdue. Il se retourna, aussi rapide que l'éclair et en claquement de doigt je me retrouvai plaquée contre le sol. Mes muscles déjà endoloris en prirent un coup.

- Qu'est-ce-que tu fais ? Tu es complètement folle ma pauvre fille !

Au même instant Anthéa et Icham arrivèrent, tous deux aussi essoufflés l'un que l'autre. Je me débattais, essayant d'échapper à l'emprise de mon bourreau.

- Ez ! Ez ça va ? Répond moi ! Hurlai-je à pleins poumons.

Je me tordais dans tous les sens, essayant de me faufiler d'entre ses puissantes mains. Je lui donnais certes un peu de fil à retorde mais il parvint à me maîtriser.

- Il irait bien mieux si tu pouvais me laisser le sortir de là. En ce moment il souffre.

- Calme toi Yvannah, il ne veut pas lui faire de mal, il veut juste lui venir en aide. Laisse-le faire, fais nous confiance, me conseilla la lionne à la chevelure de feu.

Je ne me sentais pas de lui désobéir. Malgré toute la gentillesse et la douceur dont elle avait fait preuve, je m'aperçus que quelque chose de félin résidait en elle. Comme si à tout instant elle pouvait vous sauter dessus et vous dévorer.

Je cessai de gigoter pour signifier à Eliott que, ça y est, je me calmai et qu'il pouvait enfin me laisser me dégager de sa force. Pendant les quelques minutes qui lui fallut pour réfléchir, il me fixa dans le blanc des yeux. Je ne sais pas s'il essayait de m'intimider mais en tout cas je l'étais.

Il se détourna enfin de moi pour retourner à ses occupations de héros salvateur. Je massai mes poignets pour permettre au sang d'affluer plus rapidement. Il me les avait littéralement broyés.

La jumelle proposa son aide pour m'aider à me relever, je déclinai sèchement. J'avais mieux à faire que d'être polie avec une inconnue. La vie d'Ezechiel ne tenait probablement qu'à un fil, qui pouvait être coupé à tout instant par la grande Faucheuse et cela était bien plus important à mes yeux, que de me faire aimer d'une midinette.

Eliott avait enfin réussi à le dégager et s'appliquait à mettre un bandage sur chacune de ses plaies. Je l'observai tout au long de ses soins, ne le lâchant jamais du regard, prête à intervenir à tout instant. Je savais très bien que je ne faisais pas le poids face à un homme qui avait une force herculéenne et la rapidité d'un faucon, mais je pouvais toujours le ralentir en cas de pépin.

Je l'aidai ensuite, comme je pouvais, à le ramener jusqu'à leur voiture.

Le chemin me parut épuisant. La fatigue, mes légères contusions, la pente que je devais gravir, le poids d'Ez, mes muscles commençaient à faiblir. Alors que quelques dizaines de mètres me séparaient du véhicule, je m'écroulai. Anthéa se précipita vers moi pour me porter tandis que son frère, sans même un regard pour moi, pris ma place et continua son chemin avec mon passeur et le blond.

La voiture filait sur la route. Anthéa à ma gauche, Ezechiel à ma droite. Les deux garçons étaient devant, le plus vieux conduisait. Personne n'osait parler. Le sommeil prolongé d'Ez commençait à m'inquiéter.

Je décidai de briser la glace et demandai :

- Comment nous avez-vous trouvé, alors que nous étions perdus au milieu de nulle part ? Et surtout qui êtes-vous réellement ?

- C'était notre chemin. Tu sais nous aussi nous allons à Almaren, alors détends-toi, je t'emmène à bon port, me répondis le conducteur.

- On est comme toi, des nouvelles recrues, lui c'est notre passeur comme ce qu'est cet homme pour toi, j'imagine ? Elle appuya son regard sur mon voisin endormi.

- Il s'appelle Ezechiel, le reprit Eliott.

- Vous vous connaissez ? Le questionnai-je.

- Oui, très bien. Trop bien.

Cette réponse bien que peu éloquente me suffit, je n'avais pas envie d'en entendre plus. Mon regard c'était accroché au profil d'Icham. Depuis le début, il n'a pas parlé une seule fois. Il m'intriguait.

Le temps défilé tout comme le paysage. Le chemin que nous empruntions était sinueux. Nous roulions tellement vite que les arbres qui bordaient la route n'avait pas le temps de s'imprimer sur ma rétine.

- L'arrivée est imminente, déclara Eliott d'un ton enjoué.

Au même moment Ezechiel émergeait de son sommeil de plomb.

- Tu te sens bien ? Lui chuchotai-je à l'oreille.

Il me répondit d'un hochement de tête. Il remercia chaleureusement ce qui apparemment était son ami. Je détournai mon regard vers l'extérieur jugeant préférable de discuter un autre moment.

La neige recouvrait tout. Je ne décelai pas âme qui vive dans les alentour. Nous quittâmes la route pour nous enfoncer dans la forêt. Tout me parut encore plus austère à cause du toit de feuilles qui ne laissait passer aucun rayon de soleil.

Je me sentis comme tirée par un être imaginaire vers l'avant, me projetant hors de mon siège. Je paniquai à l'idée d'un nouvel accident. Je ne pus réprimer un petit glapissement. Une main chaude vint compresser le bout de mes doigts du côté droit. Il me signifiait que c'était normal. Je ne vérifiai pas sur son visage je fermai les yeux essayant de me cramponner tant bien que mal à ce que je trouvais pour ne pas voler.

Le calme revint. L'attraction vers l'avant cessa enfin.

Bientôt, l'épais feuillage de tout à l'heure laissait place à de jolies fleurs multicolores aux couleurs les plus invraisemblables les unes que les autres, les grands sapins s'étaient transformés en sortes de chênes centenaires, la neige glaciale était remplacée par une flore plus que luxuriante, le ciel autrefois terne et gris était à présent d'un bleu pur.

 Nous traversâmes l'immense pont rejoignant le territoire humain à celui Almarien, je suppose... De l'autre côté, pointait à l'horizon le bout de son nez, un imposant château. De part et d'autre, l'immensité du vide donnait une sensation de liberté. De grandes cascades entouraient ce village caché. Nous arrivâmes devant de grandes portes. Dessus ,de somptueux arabesques y étaient gravées. Partout où je regardais, il y avait des choses extraordinairement belles.

J'entendis le chuchotement presque inaudible d'Ez : « Ça y est, on est de retour à la maison. »


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