Chapitre 5

19 3 0
                                    

Quand je rentrai, tout le monde était déjà là. J'étais complètement sonnée, vidé de toute énergie.

Ni une ni deux, je me faufilai à pas de loup jusque dans ma chambre.

Je m'étendis sur mon lit. Il m'était impossible de faire autre chose, toute ma force m'avait quittée. J'observais mon plafond blanc avec attention. Mes paupières devenaient de plus en plus lourdes, bientôt je ne sus plus me tenir éveillée et plongeai dans un sommeil plus ou moins réparateur.

Une verdure envahissante m'entourait. « C'est bien la première fois, depuis longtemps. Je rêve exclusivement de paysage de désert de glace » pensai-je. J'effleurai, délicatement du bout des doigts, une fleur remarquablement colorée. Elle possédait toutes les couleurs de l'arc en ciel et bien plus encore.

J'avançai de quelques pas, complètement subjuguée par ce spectacle naturel qui se jouait devant moi. Un bouton grandissant à une vitesse impressionnante tout en s'enroulant autour d'un arbre au feuillage peu commun. De grandes feuilles presque aussi grandes que moi envahissaient les alentours et privaient l'herbe de soleil. Malgré cela elle était abondante. Le petit bourgeon avait maintenant bien grandi et allait bien dévoiler ses jolis pétales.

Quelque chose craqua derrière moi.

Je fus tirée de ma magnifique contemplation et je ne pus observer la phase finale de cette fleur.

Le décor changea du tout au tout. La nature qui, il y a quelques secondes encore, était luxuriante était à présent en train de faner de ne laisse place qu'à de la désolation.

« Tout n'est pas si simple... Un jour tout sera comme avant. » me dit la même voix grave habituelle.

- Ah tu es rentrée ! Tu pourrais le dire.

Je clignai des yeux plusieurs afin d'essayer de me remettre les idées en place.

Ma mère se tenait droite, bras croisés dans l'encadrement de la porte. Elle avait un air grave. L'expression qu'elle prend toujours lorsqu'elle doit m'annoncer quelque chose d'important.

- Je voudrais te parler, me dit-elle.

Et voilà j'en étais sûr.

- Je t'écoute.

- Viens à la cuisine, Paul et moi devons t'informer de quelque chose

Paul, mon beau père, était déjà assis à la table, verre de whisky en main. Il puait l'alcool à plein nez. Il avait des problèmes avec la boisson mais il n'a jamais voulu l'admettre, ni même faire une cure de désintoxication sous les conseils de ma mère.

- Bon, alors voilà, autant aller droit au but, on t'a inscrite dans une pension. Tu ne pourras rentrer que pendant les vacances d'été.

Elle ne cilla pas.

Je regardais ma mère ébahie, sous le choc de cette déclaration. Sans ajouter un mot je me levai et sortis. J'avais besoin de marcher, de m'aérer la tête, de digérer.

C'était une nuit sans lune. C'était plutôt effrayant.

Je déambulais sans vraiment savoir où j'allais.

J'avais le sentiment d'être encore plus rejetée. On ne voulait même plus de moi chez moi, on voulait que je parte et surement loin. Ce sentiment de n'être aimée de personne est vraiment dur à supporter. J'avais les larmes aux yeux. Même si rien ne me retenait ici, je me sentais bien au sein de ma chambre. Je pensais que ma mère avait un peu de pitié pour moi. Visiblement non.

- Eh mais qu'est-ce que tu fais là ?

Je relevai la tête surprise.

- Probablement pas la même chose que toi, Ezechiel.

- A toi de me le dire. Personnellement j'essaye de calmer mes insomnies.

- Je n'ai pas de problèmes de sommeil, dis-je sèchement.

Il me regarda avec une intensité qui me mit mal à l'aise.

- Pourquoi ?

- Pourquoi quoi ?

- Pourquoi tu as pleuré ?

Le même sentiment de confiance que je peux avoir en lui, que j'ai eu lors de notre dernière rencontre refait surface. Je ne peux m'empêcher de tout lui raconter. Les mots sortaient de ma bouche sans que je le veuille vraiment.

A la fin de mon explication il me donna quelques conseils que j'écoutai avec bienveillance. Suite à cela il me raccompagna tranquillement chez moi.

Je l'ai jugé trop vite. En fin de compte, il a réussi à m'apaiser et à trouver les mots justes.

Juste avant de le quitter il me glissa au creux de la main un petit papier tout chiffonné et me chuchotai à l'oreille qu'il était toujours disponible.

Je le dépliai et m'aperçus avec surprise que c'était son numéro de téléphone.

« Je ne devrais pas essayer de le fuir bien au contraire » pensai-je en mon for intérieur, un sourire béat sur le visage.

Je montai les marches quatre à quatre bien décidée à expliquer ce que je ressentais face à cette annonce sous les recommandations d'Ezechiel.

Jamais je n'aurai cru qu'il y aurait eu un cataclysme qui allait se déclencher dans notre petit appartement miteux du troisième étage. Je le vis arriver à grand pas, je savais qu'il avait encore bu l'air était saturé d'une odeur de rhum et de whisky.

- T'étais où ? Me cria Paul.

- Où est maman ? dis-je calmement.

- Répond moi !

- Je n'ai pas de compte à te rendre.

-Tu vas te calmer ! J'suis ton père !

Quand il dit ça il trébucha et faillit s'étaler de tout son long sur le sol, il se rattrapa a la dernière minute sur le meuble de l'entrée.

- T'es pas mon père et tu le seras jamais ! T'es qu'un vulgaire parasite alcoolique !

- Ah bon ? Tu penses ça ? Toi tu n'es qu'une asociale bornée, une petite sainte nitouche qui fait une crise quand elle n'a pas ce qu'elle veut. Si on te met dans en pensionnat c'est pour ne plus t'avoir dans les jambes !

J'encaissais les coups bas, il savait où toucher pour faire mal.

- T'es qu'une idiote sans cervelle, personne ne t'aime ! dit-il en crachant toute sa haine.

Je ne voulais pas en entendre plus. Je le poussai rageusement pour pouvoir passer. Je regretterais longtemps ce geste. Il tomba dans un bruit fracassant, cette fois il n'eut pas l'opportunité de se rattraper, il était étendu, il ne bougeait plus, sa cage thoracique ne se soulevait plus. Je m'approchai pour vérifier son souffle : rien. Je regardai le sang s'échapper de son crâne. Je ne fis rien pour arrêter l'hémorragie. J'attendis quelques minutes une réaction de sa part, un mouvement, un souffle, quelque chose n'importe quoi ! Je pris son pouls : rien. J'étais effondré, paralysé par l'horreur de mon geste. Dégoûtée par ce corps qui n'en finissait plus de se vider de son sang. A force de le regarder j'avais la nausée. J'étais écœurée et j'avais peine à croire en la réalité des faits. Je ne voulais pas m'avouer cette vérité, je ne voulais pas penser aux quatre mots qui me définissent à présent : je suis une meurtrière. Je voulais me convaincre que c'était un cauchemar comme ceux que je fais depuis quelques jours, que tout ça ce n'était que mon imagination, que ce n'était pas réel. Je me pinçai plusieurs fois pour être sûre.

Je ne pouvais pas avoir tué un homme...

Liars say liesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant