Quatre décembre

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Amaïde se réveilla avec l'affreuse sensation qu'on lui marchait sur la tête. La journée d'hier était un peu floue et elle avait du mal à s'en souvenir. La jeune fille se leva, étira ses membres endoloris et ouvrit les volets. Elle resta quelques minutes la tête au dehors, enchantée par le paysage blanc qui s'offrait à elle. Il avait neigé cette nuit et c'était magnifique. Les arbres et les toits étaient couverts d'une poudre épaisse et immaculée qui donnait à la rue un aspect intemporel. Amaïde eut un frisson, se souvint qu'elle était dehors et ferma la fenêtre. Une fois en bas, elle avala un rapide petit-déjeuner, prête à ouvrir la quatrième boîte et à profiter de son samedi. La "fenêtre" de son calendrier était une petite boite qui sonnait creux. Elle était emballée avec un papier de soie vert foncé qui était orné de multiples autocollants de hérissons. La jeune fille déchira l'objet et en sortit un petit appareil photo jetable. Sur celui-ci était scotché un morceau de papier sur lequel on pouvait lire :
Une seule photo pour le lieu de tes rêves. 375th down Culver Street

Amaïde se demanda ce que cela pouvait signifier, et songea à se rendre à cette adresse. Elle pensa aussi à appeler Samuel. Peut-etre qu'ils decouvriraient ensemble ce secret, et qu'elle pourrait lui parler de son rêve. Et puis, elle se souvint de Leonard Cohen, et du fait qu'elle n'oserait pas lui avouer. Alors elle décida de s'y rendre seule.

***

Il était 13h24 quand Amaïde arriva au 375th down Culver Street. Ses deux pères étaient au travail et le soleil brillait. Elle avait dans son sac à dos une lampe de poche, l'appareil, une bouteille d'eau et trois biscuits aux amandes. Le bâtiment était un vieux cinéma à moitié délabré mais dont une partie avait été rénovée en appartement. Les vitres étaient brisées et la porte entrouverte, c'était un endroit angoissant. Un instant, Amaïde songea à faire demi-tour, puis elle pensa aux boîtes et à cette personne inconnue qui voulait qu'elle réalise son rêve. Alors, elle entra.

La salle d'accueil était abandonnée à la poussière et aux araignées mais Amaïde ne se démonta pas. Elle slaloma entre les papier, les chaises et les boîtes de pop corn, ramassa un vieux ticket rose,chercha un interrupteur et actionna la lumière qui menait à la seule salle de projection. Dans cette dernière, seules quelques ampoules fonctionnaient pour dévoiler une rangée de sièges en velours rouges, tous tournés vers un même point : la scène où l'on passait les films. On y accédait par trois petites marches qui grincèrent sous le faible poids d'Amaïde. Le cinéma était vide se toute âme qui vive. Alors, se tournant vers les sièges inoccupés Amaïde se laissa aller, et chanta. Pour la première fois hors de sa chambre, Amaïde chanta une chanson. Et cette chanson était Back to black, d'Amy Winehouse. La jeune fille imagina Samuel assis devant elle sur l'un des sièges, ainsi que ses pères et ceux qui ne croyaient pas en elle. Amaïde voulait leur montrer. Rouvrant les yeux, l'adolescente, cru avoir entendu du bruit et inspecta la salle du regard mais ne vit toujours personne. Rassurée elle ouvrit son sac pour en sortir le petit appareil jetable. Elle pris une grande inspiration, cadra l'image, et le cœur léger, elle appuya sur le déclencheur. Une fois rentrée chez elle, elle développerait la photo. Amaïde voulait regarder le monde avec des étoiles dans les yeux.

Lovisajoke

24 fenêtres et un rêve Où les histoires vivent. Découvrez maintenant