Le lendemain matin, l’envie d’ouvrir la seconde boîte démangeait Amaïde. Mais paradoxalement, elle n’alla pas le faire tout de suite. La jeune fille préférait prendre son temps, passer et repasser devant la boîte numéro deux, une fois une simple serviette nouée sur elle, la fois d'après une brosse à dents en bouche, pour finalement s'asseoir en tailleur, le carton entre les mains.
Elle l’observa sous toutes les coutures, se risquant même à légèrement secouer la boîte. Elle n'était pas très grande, quinze ou vingt centimètres de long à tout casser. On aurait pu y rentrer des crayons ou quelque chose dans ce goût là. Mais lorsqu’elle l’ouvrit, Amaïde y découvrit tout autre chose : un microphone.
Pas un de ceux qu’on trouve sur scène et dans lesquels on chante pour que le son soit amplifié et que la petite mémé au fond de la salle nous entende, non, l’un de ceux qui ressemblent à un dictaphone et qu’on utilise pour s’enregistrer.
Amaïde en avait déjà regardé le prix sur internet, et même celui de ce modèle précisément : qui qu’était la personne qui lui avait envoyé ces vingt-quatre boîtes, elle avait de l'argent à perdre pour une personne aussi insignifiante qu'elle, pensa la jeune fille.
Comme pour le premier cadeau, un mot y était joint :
On n’est pas obligé de tout de suite mettre un nom sur ta jolie voix, qu'est-ce que tu en dis ?
Amaïde se mordit la lèvre et ouvrit de grands yeux : est-ce que l’inconnu à l’origine de ce calendrier de l’Avent l’encourageait à s’enregistrer et à faire écouter sa musique sans dire que c'était d’elle ?
La jeune fille jeta un coup d'œil à son horloge : il lui restait une quinzaine de minutes avant de devoir aller en cours, et ses pères étaient déjà au travail. En soi, rien ne l’empêchait de s'enregistrer et de faire écouter le résultat à Samuel. Sa voix était beaucoup plus aiguë quand elle chantait, il ne la reconnaîtrait sûrement pas…
Amaïde attrapa alors sa guitare et gratta quelques accords : Hallelujah de Cohen. Cette chanson avait été tellement reprise, elle n’aurait aucun mal à mentir sur l’origine de son enregistrement.
Elle appuya sur le petit rond rouge et commença. Les cordes vibraient au passage de ses doigts, libérant les très célèbres arpèges. La voix d’Amaïde s’éleva ensuite dans la pièce, timide mais délicate. Finalement, quelques minutes plus tard, l’enregistrement était fait. Elle le transféra sur son téléphone, renommant le fichier “Hallelujah”, et jeta son sac sur son dos pour se rendre à l'école.
À peine arrivée devant le bâtiment, elle aperçut son fidèle acolyte ; quand elle le vit, là, au milieu de la masse de personnes, la réalité la rattrapa : et si il n’aimait pas ? Et si c'était en fait nul ? Elle se connaissait : elle n’aurait jamais le courage de lui faire écouter son enregistrement. Son mystérieux bienfaiteur avait dépensé une fortune pour rien, sa timidité était trop grande…
« Salut Am’, ça va ? lui demanda joyeusement Samuel lorsqu'elle arriva à sa hauteur.
— Ça va et toi ? répondit-elle de la manière la plus neutre possible.
— Je suis un peu déprimé à l'idée d’avoir course tout à l’heure, concéda le garçon. »
Leur discussion fut coupée par la sonnerie, et les deux élèves se rendirent en allemand.
***
Après la récréation, la classe d'Amaïde et Samuel avait sport ; course en durée pour être précis. La jeune fille se changea en vitesse, n’aimant pas se retrouver au milieu de toutes ces filles, ses maigres jambes à l’air. Les autres ne disaient rien, mais elle sentait bien leurs regards envieux sur elle, et dieu sait combien elle détestait être le centre de l'attention à cause de son physique…
Lorsqu’elle poussa la porte des vestiaires, elle tomba nez à nez avec Samuel :
« Oh tiens Amaïde ! Tu pourrais pas me passer ton téléphone pour écouter de la musique pendant qu’on court s’il te plaît ? Le mien n’a plus de batterie. »
La jeune fille haussa les épaules et retourna chercher son portable dans son sac pour le prêter à son ami.
****
À la fin du cours de sport, Samuel alla chercher son amie :
« Hé Am’, tes musiques sont pas si pourries que ça ! Moi qui pensais que j'allais me taper du One Direction tout le temps… »
Amaïde rougit alors : et s’il avait entendu sa chanson ? Elle attendit qu’il retourne dans les vestiaires des garçons et consulta l’historique : Hallelujah était dedans.
Bon, au moins il n’avait pas dit que c'était nul...
VOUS LISEZ
24 fenêtres et un rêve
Short StoryAmaïde rêve de musique. Elle rêve d'un jour monter sur scène, d'être acclamée sous les applaudissement du public, et d'enfin, se mettre à jouer, à chanter, à gratter, à tapoter sur le rythme magique des notes de musique. Mais Amaïde sait que...