vingt-et-un décembre

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  Quand l'esprit d'Amaïde s'éveilla ce matin-là, sa première pensée vola en étirant ses ailes dorées pour se poser au même endroit que tous les matins de décembre. Son calendrier de l'avent mystère. La jeune fille avait l'impression de ne plus penser qu'à lui ses derniers jours. Ses mains tremblaient d'ouvrir le prochain présent, son cœur s'affolait de découvrir l'identité de celui qui lui offrait tout cela. Celui qui connaissait son secret. Ses paupières se refermèrent à cette idée et un long frisson agita sa colonne vertébrale. Une vague d'émotion la secouait à chaque fois qu'elle se rappelait que quelqu'un connaissait sa passion pour la musique, que quelqu'un l'avait certainement déjà regardée jouer, chanter, se dévoiler. Des sentiments avec lesquels elle avait eu le temps de se familiariser, comme le trac, la gêne, la peur, et d'autres qu'elle découvrait et ne pouvait pas encore identifier se livraient une bataille acharnée dans son esprit. Amaïde se redressa brusquement sur son lit, emportant draps et couvertures avec elle. Elle ne voulait pas penser à ça, pas encore. La jeune fille préférait nettement se concentrer sur son cadeau journalier. Cadeau qui l'attendait sagement dans un coin de sa chambre. Les yeux rivés sur lui, elle se leva. Ses orteils entrèrent en contact avec le sol froid de sa chambre mais elle ne réagit pas ; elle était trop concentrée sur son unique but : atteindre et ouvrir son cadeau. Une fois arrivée devant les quelques paquets qui lui restaient encore, elle s'assit à même le sol, doucement, avec précaution, comme si un mouvement trop brusque allait entraîner la disparition des cartons. Elle balaya du regard les boîtes jusqu'à ce qu'elle trouve celle portant le numéro 21. Elle s'en empara alors délicatement et l'observa un instant. Il s'agissait une nouvelle fois d'une enveloppe, blanche, vierge, immaculée, rien n'était écrit sur sa surface mis à part la date du jour. La jeune fille s'occupa alors de l'ouvrir, le cœur battant. Elle réussit finalement à en sortir un quart de feuille sur laquelle était aligné une série de chiffres. Amaïde fixa une minute les nombres qui se suivaient sans comprendre leur signification. Ils étaient trop nombreux pour former un numéro de téléphone, pas assez pour constituer un code secret. Puis une scène du film préféré de la jeune fille revint à sa mémoire. Dans celle-ci, les protagonistes se retrouvaient dans la même position qu'Amaïde : devant une énigme composée de chiffres. Elle se souvint que les héros avaient longtemps dû chercher une solution avant de comprendre qu'il s'agissait de coordonnées GPS. Des coordonnées GPS.

  Amaïde se leva brusquement et ses pupilles firent le tour de sa chambre à la recherche de son téléphone portable. Elle le repéra finalement sur sa table de nuit, et ce fut d'un pas pressé qu'elle traversa sa chambre afin de s'en emparer. Quand l'appareil fut entre ses doigts tremblants, elle fit demi-tour et alla s'asseoir au même endroit que précédemment. Elle inspira et expira longuement, espérant par ce geste évacuer la tension qui crispait ses membres, puis elle déverrouilla son téléphone, ignora le message de Samuel, ouvrit l'application GPS et entra, le cœur gonflé d'espoir, les nombres donnés par son inconnu. Après un moment de chargement infiniment long, l'application GPS révéla à Amaïde à quel emplacement du monde ces coordonnées correspondaient. Les lèvres roses de la jeune fille s'étirèrent en un sourire ravi. Il s'agissait bien de coordonnées GPS. Et ces dernières menaient au parc situé au coin de sa rue. Si proche d'elle. Aussi évidente qu'est l'action de respirer, Amaïde se leva, se vêtit avec les premiers vêtements qui lui tombèrent sous la main, et sortit précipitamment de sa chambre. Elle se retrouva sans se souvenir comment dans le vestibule à enfiler une veste, avant de se chausser de ses bottes noires et de sortir dans l'air frais de cette matinée de décembre. Elle ferma à clé la porte d'entrée de sa maison maintenant désertée de toute présence humaine avant de s'aventurer dans les rues de sa ville natale. Peu de personnes empruntaient les trottoirs bordant les longues avenues où les voitures circulaient ; le froid n'encourageait personne à sortir. Mais rien ne pouvait arrêter Amaïde, ni le froid, ni le vent, ni la neige qui menaçait de tomber. Absolument rien. Ses pas étaient animés d'une détermination qu'elle ne pensait pas posséder. Et, grâce à cette nouvelle énergie, elle avait l'impression de pouvoir tout faire. Enfin, presque tout. La jeune fille arriva enfin devant la grille du parc, mais elle ne pénétra pas à l'intérieur. Non, elle s'arrêta net, parce qu'elle ne savait plus quoi faire à présent. Le parc était vaste, comment savoir où elle devait se rendre précisément ? Amaïde se retrouvait confronter à un nouveau problème qu'elle n'avait pas prévu. Tout en réfléchissant, ses yeux se promenèrent sur le paysage qui l'entourait. Son cœur rata un battement quand ses pupilles découvrirent un bout de papier blanc dépassant du grillage du parc. Non... serait-ce un mot pour elle ? Amaïde n'osait y croire. Pourtant, elle ressentait le besoin de vérifier. Elle s'approcha doucement, se mit sur la pointe des pieds et s'empara de la feuille volante. Une fois qu'elle fut entre ses mains, la jeune fille la déplia avec appréhension afin de lire les quelques mots qui y étaient écrits :

« Amaïde, Ravi que tu sois arrivée jusqu'ici. Ton cadeau n'est plus très loin, il t'attend à l'abri dans le bâtiment oublié du parc. À bientôt... »

  Le cœur d'Amaïde battait à tout rompre. Elle savait exactement de quel endroit son inconnu parlait. C'était là-bas qu'elle se rendait quand elle avait besoin de calme, de tranquillité, quand elle voulait être seule pour réfléchir, ou encore quand elle avait besoin d'inspiration pour composer. Le kiosque. Sans réfléchir à ce qu'elle pourrait y trouver, elle se mit à courir en direction de son repère. Sa respiration s'accéléra sous l'effort, mais elle ne ralentit pas. Elle désirait tellement y arriver qu'elle ne sentait pas la morsure de la fatigue attaquer ses muscles. Bien vite, elle quitta le sentier pour pénétrer dans un amas d'arbres et, entre eux, se cachait le kiosque. Il apparut soudainement et la jeune fille ne put s'empêcher de sourire ; il représentait tant de souvenirs heureux pour elle. Amaïde grimpa les quelques marches afin d'arriver sur l'estrade, et là, son cœur s'arrêta. Une guitare. Il y avait une guitare disposée au milieu du kiosque. Et, face à elle, une dizaine de peluches représentant des animaux semblaient attendre quelque chose. Ou quelqu'un. Pour finir, au sol, une lettre à son nom patientait. Amaïde s'en approcha doucement, encore sous le choc, et s'en empara. Elle l'ouvrit doucement, et put y lire un énième mot de son inconnu :

« Il n'y a pas de grandes différences à jouer devant un vrai public qu'à jouer devant eux. La seule différence est que le public, lui, t'acclamera. »

Amaïde leva les yeux de ce message qui avait fait naître une étincelle d'espoir dans son cœur, et balaya le paysage de ses pupilles brunes à la recherche d'un quelconque mouvement. À la recherche d'une présence entre les arbres. N'en distinguant aucune, elle s'empara précautionneusement de la guitare posée là et, à la lumière du soleil d'hiver, Amaïde interpréta sous les yeux brillants des peluches une chanson qu'elle avait elle-même composée.

AuDelaDesMots



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