dix-huit décembre

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  Le dos courbé, la tête enfouie entre ses deux jambes, seule dans sa chambre, ses pensées l'envahissaient. 

  La journée qu'elle venait de passer la rendait réellement triste.
 
  Ce dimanche matin de décembre, pour sortir prendre l'air, elle s'était habillée de sorte à ce que les différents membres de son corps ne pouvaient être perçus. Plus personne ne devait remarquer sa minceur et ses longues jambes. Les autres individus de son espèce attribueraient son corps à l'image de celui d'un futur mannequin.

  Maintenant, Amaïde sentait à quel point elle en avait assez de devoir suporter en silence les préjugés que tous avaient sur elle à cause de son anatomie et de sa grande timidité. Mais que pouvait-elle bien faire ? Elle se sentait encore incapable de les affronter et de leur dire que le monde du mannequinat était tellement différent de ce qui lui plaisait. Elle avait bien cru y arriver, l'autre jour en classe; mais elle s'était aperçu le jour d'après que personne ne l'avait entendu ou cru. Elle qui s'était pensé capable de tout.

  Son monde à elle, c'était la musique et rien d'autre.

  C'était de faire palpiter son corps rien qu'en chantant. De sentir ces frissons quand elle jouait du piano, de sentir contre ses doigts les vibrations des cordes de la guitare. Mais ce qu'elle aimait encore plus, c'était de libérer sa voix. 

  Après quelques instants, elle leva les yeux, et dans le grand miroir en face d'elle, son reflet attira son attention. Amaïde ne voulait plus se l'avouer mais au fond, elle savait qu'elle craignait de se regarder.  Peut-être avait-elle surtout peur de constater que sa physiologie pourrait faire d'elle un mannequin plus tard... 

  Effectivement, c'était une fille plutôt grande, mais surtout, elle avait les membres fins et allongés. Certaines l'enviaient pour sa minceur. Mais Amaïde, elle, voyait plutôt cela comme une malédiction.

  Pour se changer les idées, la jeune fille décida d'aller prendre un bain. 

  Elle remplit sa baignoire d'eau tiède. Puis, elle saisit son haut et le jeta à terre, laissant ses petits seins respirer. Elle fit ensuite glisser son jean lentement le long de ses jambes. Elle pénetra dans l'eau et se laissa aller ; tout doucement, son esprit s'apaisait. 

  Sa voix se mit alors à raisonner dans toute la pièce. Les deux pères étaient sûrement déjà endormis et ne pouvaient donc l'entendre. 

  Amaïde commençait à changer « The Kill » du groupe thirty seconds to mars.

  Elle s'en allait ailleurs, dans son univers. Le ton de sa voix s'élevait toujours plus et à la fin de la chanson, Amaïde hurlait presque... Elle aimait ça. Et elle se sentait heureuse.

  Son bain terminé, elle enfila son pyjama. Mais avant de se laisser emporter par le sommeil, elle désirait absolument connaître le contenu de la dix-huitième boîte. Elle s'installa sur son lit, saisit le petit objet en carton avant de l'ouvrir délicatement. 

  Ce qu'elle découvrit à l'intérieur lui fit un pincement au cœur. 

  Ce n'était qu'une simple photographie. 

  Mais une photographie d'elle. 

  L'image avait été prise dans la salle de musique du lycée. La jeune métisse grattait une guitare et avait les yeux baissés. Elle n'était pas en train de chanter mais un si beau sourire était formé sur son visage. 

  Surprise et déroutée à la fois, Amaïde se demandait comment le mystérieux inconnu avait-il pu la prendre en photo. Elle était persuadée que personne ne savait qu'elle se rendait dans cette salle. C'était incompréhensible. 

  Mais autre chose attira son regard. Au fond de la boîte, un papier. Il était inscrit dessus les mots suivants :

“ Oh, Amaïde.

Tu ne sembles toujours pas t'en apercevoir, alors je vais te le dire : ton corps est magnifique. Fin et envoûtant. Pas besoin d'autres mots.

Prends cette photo. Regarde-toi. 

Tu sais pourquoi tu y es encore plus belle ? 

Eh bien, c'est parce que tu te laisses la chance de vivre. 

Oui, Amaïde, 

Toi aussi tu as ce droit. 

Et maintenant accepte ton corps. 

Parce que c'est dommage qu'il reste une barrière entre ton bonheur et toi. ” 

  Amaïde comprennait que l'emmeteur de ces cartons avait raison. C'était tellement dommage, oui.

  Le coeur battant, l'adolescente s'allongea sur son lit et essaya de s'endormir, déterminée à croire en elle. 

  Déterminée à aimer son corps. 

  Au dehors, les étoiles brillaient et les rayons de la lune pénétraient à travers la fenêtre pour éclaier le joli visage d'Amaïde. 

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24 fenêtres et un rêve Où les histoires vivent. Découvrez maintenant