huit décembre

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  Cela faisait maintenant plusieurs jours qu’Anaïde ouvrait petit à petit les cartons à son nom chacune destinée pour un jour de décembre. Elle leva les yeux pour jeter un coup d’œil à son calendrier accroché au-dessus de son bureau parfaitement rangé.

  Aujourd’hui, on était le vendredi 8 décembre 2016, et sans oser se l’avouer, elle avait hâte de découvrir le prochain présent. Déposée délicatement sur son lit, une simple enveloppe entourée de papier cadeau et de ruban l’attendait sur ses couvertures. Fébrilement et toujours avec une légère appréhension, elle s’approcha du doux matelas de plumes avant de toucher les reliefs du papier du bout des doigts. C’était agréable, elle sentait les grains sous la pulpe de ses doigts tandis qu’elle faisait de petits cercles incertains.

  Puis, avec une infinie douceur, elle saisit l’enveloppe et défit le nœud accroché. Plus que le cadeau lui-même, elle voulait découvrir l’identité de son mystérieux bienfaiteur alors en premier, elle lut les quelques lignes écrites soigneusement sur un beau papier à lettres.

Anaïde sirène, dans sa danse m’entraîne

Paroles chantonnées par la grâce donnée

Que dans ton cœur fleurisse un millier d’années

Dans nos belles mémoires, s’échappe l’incertaine.

 

En espérant que ces quelques alexandrins accompagneront ta réussite et que tu trouveras ta voie.

 

  Anaïde vit ses mains trembler. Elle se mordit la lèvre en tentant de ne pas libérer le flot de larmes qui menaçait à tous moments de se libérer. Elle releva la tête en regardant son plafond, sombrant dans la contemplation. Elle renifla bruyamment avant de reposer la feuille et de passer sa main sur ses yeux en soupirant. Elle ne pouvait pas continuer comme ça chaque jour, elle allait par y passer devant tant d’émotions. Elle inspira avant de relâcher dans un souffle d’air. Elle se reprit et se pencha pour découvrir une nouvelle enveloppe blanche cette fois-ci, sans aucune inscription. Elle n’était même pas fermée, la jeune fille la retourna en se questionnant. Mais aucune réponse ne pouvait lui parvenir pour le moment, elle jeta un coup d’œil à l’intérieur et vit un ticket. Un ticket de concert.

  Un concert regroupant des tas et des tas d’artistes qui jouaient jusqu’à l’aurore s’il le fallait.

  Un concert pour elle, un concert pour qu’elle trouve son style, sa voie.

  Les larmes dévalèrent ses joues en cascades tandis qu’un sourire se formait sur ses lèvres.

  Que c’était contradictoire, pleurer de joie.

****

19h56.

  Rentrée des cours depuis de longues heures, Anaïde était assise sur son lit en face de son miroir. Elle s’était habillée d’une robe bordeaux ainsi que des collants noirs remontant ses cuisses. Elle pencha la tête sur le côté, comme pour juger si elle était prête ou non.

  On toqua doucement à sa porte. Un de ses pères entrouvrit cette dernière avant de se figer devant sa fille.

-       Waouh ! Un vrai  canon !

  Elle rougit légèrement et il lui fit un clin d’œil en refermant la porte, lui lançant :

-       Dépêche-toi de descendre où tu seras en retard pour ton fameux concert !

  La métisse s’arracha donc de ses pensées qui tournaient en boucle et se leva pour rejoindre ses deux pères qui devaient l’emmener dans une énorme salle de spectacle au centre-ville. Elle avait tellement hâte, des sourires se formaient sur ses lèvres sans qu’elle ne s’en aperçoive, elle espérait cacher son impatience, ce qui n’était pas vraiment son fort.

  Ils discutèrent de tout et de rien pendant le trajet tandis que la brune prenait son mal en patience en se rongeant les ongles, regardant les lumières défiler par la vitre.

  Bientôt, ils furent en vue d’un énorme bâtiment. On n’apercevait même pas le fond à cause du brouillard qui était tombé entretemps. Ils se garèrent sur le parking bondé et ses deux pères se tournèrent vers la jeune fille émerveillée qui se penchait comme une petite fille qui réalisait un de ces rêves.

-       On va te laisser ici… fit l’un.

-       N’hésite pas à nous appeler s’il y’a quoi que ce soit, surtout… fit l’autre.

  Anaïde leur sourit bravement avant d’ouvrir la portière et d’être assaillie par le froid mordant. Elle resserra les pans de sa veste avant de se retourner une dernière fois pour faire un petit signe à la voiture qui s’en allait. Elle ne vit pas s’ils répondirent en retour, elle s’avança vers les portes grandes ouvertes. L’insonorisation devait être parfaite car de dehors, seul le vent qui hurlait dans les oreilles se faisait entendre.

  Des vigiles à l’entrée lui demandèrent d’ouvrir son sac, elle obéit silencieusement. Elle avait simplement emmené son carnet et de quoi écrire. Elle ne savait pas de quoi elle avait besoin pour ce genre de choses.

  Anaïde accéléra avant d’être accueillie par un tonnerre d’applaudissement. Elle cligna plusieurs fois des paupières avant de comprendre que le hall d’entrée était déjà une salle de concert à part entière. Toutes les têtes étaient tournées vers la scène où plusieurs musiciens accordaient leurs instruments.  Le chanteur, guitare en bandoulière, faisait des petits tests micros pendant que partout dans la salle, des sifflements et des cris fusaient. Il entama quelques accords avant de faire un signe de tête à ses compagnons et commencèrent à jouer. Ce n’était pas le genre de musique qu’Anaïde écoutait particulièrement, mais les intentions étaient palpables. Ils hurlaient l’injustice. Elle se laissa entraîner par la batterie incessante et par la voix agréablement aigüe du chanteur.

  À la fin, un tonnerre d’applaudissement dévasta la salle, tandis qu’Anaïde frappait dans ses mains à son tour.

  C’était seulement le début.

****

-       Alors, y a eu des trucs pas mal ?

-       Oui…

  La jeune fille, de longues heures plus tard, avait appelé ses pères pour qu’ils viennent la chercher. Elle se sentait éreintée mais avait finalement trouvé ce qu’elle était venue chercher.

  Elle n’avait pas forcément trouvé son style, elle aimait le classique, en passant par le reggae, le rock…

  Elle entrouvrit les pages de son cahier qu’on lui avait offert. Elle passa ses doigts sur l’écriture soignée qui était la sienne.

  « Si un jour je chante sur une scène, je voudrais chanter mes propres chansons. Ces chansons, je les écrirais en pensant à ce qui me tient à cœur, en pensant aux gens qui n’ont pas ma chance, en pensant à ceux que l’injustice frappe avec la peur. »

  Anaïde avait appris une chose importante cette nuit là. Que les chansons ne sont pas seulement là pour épanouir nos oreilles, mais aussi pour faire passer un message.

  Elle avait encore fait un nouveau pas.

  Plus que seize.


akasdraawr


☆☆☆
Dès ce week-end (les vacances youpi), je rattrape le retard, promis. Merci pour tout, et sorry pour tout !

24 fenêtres et un rêve Où les histoires vivent. Découvrez maintenant