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  Je crois que je n'arriverai jamais à faire croire aux autres que j'ai passé une nuit normale avec les valises que j'ai sous les yeux. J'ai pleuré toute la nuit. Je me sens tellement indésirable, tellement pas à ma place ... Entre Garance que j'ai du mal à supporter, Romaric qui en essayant d'être gentil est lourd, Fetnat toujours collé à son ordi et qui ne parle jamais plus que nécessaire, et les autres qui me fuient parce que je suis acariâtre et méchante avec eux (et ils ont bien raison de le faire )... Et tout à l'heure c'est bricolage avec les petits qui ne font pas attention à ce que je leur dit et n'en font qu'à leur tête ... J'ai un nouveau spasme et mon estomac déverse à nouveau sa bile (il y a bien longtemps qu'il n'y a plus rien dedans ) dans l'évier.
On toque à la porte. Je crie que j'arrive et je me rince abondamment le visage à l'eau froide. C'est pire, je suis tellement pâle que je ressemble à un stormtrooper avec mes cernes !
J'ouvre la porte. De l'autre côté, frère Emmanuel attend patiemment avec une tisane et un colis. Intriguée par ce paquet, je bredouille un merci, attrape le tout et referme la porte. Vu ma tête, je pense que je vais être excusée par le frère pour toute la soirée donc j'ai le temps que je veux.
Je m'installe sur mon lit et commence à siroter ma tisane, le paquet sur les genoux. L'eau chaude parfumée au gingembre coule dans ma gorge comme un médicament. Sur mes genoux, le paquet pèse de plus en plus lourd. Ça m'intrigue sérieusement, qui donc peut bien m'envoyer un paquet comme ça dix jours avant Noël ? Le papier rouge et vert se défait sans problème, on sent que la personne qui a fait ça a l'habitude. Sous la première couche de papier je découvre une boîte de la taille d'une boîte à chaussures. Celle ci est décorée, recouverte d'une couche de papier crépon avec des motifs zèbre (les rayures vous voyez ? ). Intriguée j'ouvre la boîte. Dedans une lettre posée sur un gros morceau de tissu.
J'ouvre l'enveloppe

Héloïse,
Je crois avoir compris que la vie n'a pas été tendre avec toi tous les jours. La souffrance et la solitude n'ont jamais rien de facile mais elles te montrent qui sont tes véritables soutiens, crois-en mon expérience.
Et n'oublie jamais qu'après la pluie vient le beau temps.
Gros bisous
Madeleine

  Je crois que c'est la première fois de ma vie que je reçois une lettre aussi gentille. C'est fou, ça ne fait pas dix jours que je la connais et elle parvient mieux à me remonter le moral que ceux que je côtoie depuis près de 15 longues années ! Une envie de courir jusqu'aux Tulipes me prend. Mais dès que je pose les pieds par terre,mes jambes se remettent à trembler. C'est vrai que je n'ai pas mangé grand chose depuis ce matin (enfin si mais tout est ressorti si vous voyez ce que je veux dire ). Je me remets sur mon lit. Soudain je me souviens que la boîte ne contenait pas seulement une lettre. Intriguée, je déplie ce que j'avais d'abord pris pour un bout de tissus mais qui est en fait une immense écharpe. Elle est toute douce. Je m'enroule dedans. Son odeur me rappelle quelque chose de familier et en meme temps de protecteur, un je ne sais quoi oublié du passé mais qui ressurgit parfois. Au bout de dix minutes passées à sniffer ma nouvelle écharpe, je prends la décision d'aller quand même m'occuper des petits. Je me lève et malgré le fait que je ne me sente pas très stable, je m'habille et descend à la cuisine. Frère Anisset, le chef cuisinier se précipite vers moi en me disant que je suis pâle comme la mort. Il me fourre une miche de pain brûlante entre les mains puis sort d'un placard une tablette de chocolat. Normalement ce dernier est interdit parce que la gourmand est l'un des péchés capitaux mais frère Anisset en garde toujours " en cas de coup de mou".
  Après ce mini festin ( oui, par rapport à un infâme bol de bouillon) je me dirige vers la pièce du bricolage. Arrivée devant la porte, je pose ma main sur la poignée et inspire un grand coup dans ma nouvelle écharpe et ouvre la porte.

(Bijour tout le monde ,
J'avais envie de vous faire vivre la solitude d'Heloise d'un peu plus près. J'espère que personne ne se reconnaîtra de trop dans le début du chapitre ... Et à jeudi ! )

Faut pas pousser Mémé dans le SapinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant