18/12

782 207 23
                                    

    Au moins avec les travaux d'intérêts généraux je n'ai pas besoin de supporter les chants des petits vieux. Je pensais jusqu'à présent que le spectacle de fin d'année des morveux était la chose la plus inaudible au monde, je sais à présent qu'il est en fait uniquement à la seconde place juste après un groupe de futurs squelettes marmonnant des chants de Noël sous la direction de cette chère Garance.

    Alors que je passe derrière la porte, armée d'une serpillère et d'un balai je jette un coup d'œil au spectacle : Garance agite tant bien que mal ses bras dans l'espoir de coordonner la bande de vieux, Romaric lui jette des regards désespérés et peine à la suivre au piano et Fetnat regarde tristement la fenêtre, se demandant probablement si sauter du rez-de-chaussée suffira à achever ses souffrances.

    Bien fait.

    Je continue mon chemin, direction la cage d'ascenseur pour nettoyer le couloir du dernier étage comme me l'a demandé la responsable en chef de la maison de retraite.

    La petite musique d'ascenseur me fait doucement marrer : dire qu'il y a un type qui rêvait de devenir un grand compositeur plus jeune et qui finalement compose des jingles pour les ascenseurs. C'est triste quand même ! Bon au moins, sa musique est écoutée par des millions de personnes à travers le monde tous les jours vous allez me dire...

    Les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur un couloir silencieux comme la mort ; bizarre, j'ai toujours pensé que les morgues étaient au sous-sol...

    Blague de mauvais goût, je vous le concède.

    Je sors de la cage et me poste au milieu du couloir tandis que l'ascenseur redescend. Je regarde à droite, à gauche : personne. Si la lumière s'éteint maintenant, je hurle et je cours vers la cage d'escalier, cet endroit est bien trop flippant.

    Pourquoi Madeleine ne pouvait pas m'aider déjà ? Ah oui, elle est de corvée de patates à la cuisine, c'est vrai. Comme les moussaillons sur les bateaux au XIXème siècle. Je suis sûre que c'est Garance qui a choisi la punition...

    J'entends soudainement au loin un crissement aiguë et très très peu rassurant. Un frisson glacé me remonte le long de l'échine et mes yeux s'écarquillent. Je bégaie :

    « Il... Il y a qu..quelqu'un ? »

    Mais toujours aucune réponse. Baissant les yeux, je découvre soudain au sol des traces noires, semblables à des traces de pneus...

    « Qu'est-ce que...

    — Attention ! hurle-t-on soudain à ma gauche. »

    Je redresse la tête juste à temps pour apercevoir une mamie me fonçant droit dessus avec son fauteuil roulant qui avance à toute blinde et me plaque contre la cage d'ascenseur qui,  évidemment, s'ouvre juste à ce moment-là. Je m'effondre donc sur la personne à l'intérieur...

    « Héloïse ! s'exclame une voix que je connais bien.

    — Fetnat ? je demande.

    — Tu peux arrêter de m'écraser s'il te plaît ? »

    Je rougis et me recule, l'aidant ensuite à se relever.

    « Merci bien, soupire-t-il en époussetant son jean.

    — Qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'es pas censé être avec les vieux en train de chanter ?

    — Plutôt mourir ! Quand je t'ai vue passer la tête à travers la porte, j'ai décidé de te suivre. Quoi que tu fasses, et même sauter dans les ascenseurs, c'est probablement moins mortel.

    — A dire vrai, j'évitais un fauteuil roulant. Je ne sais pas ce qu'il se passe à cet étage, mais si Garance voyait ça, elle me prendrait pour une sainte... »

    Un bruit sur notre gauche attire notre attention : revoilà le fauteuil. Ou plutôt devrais-je dire les fauteuils. Cinq pépés mémés sont en train de faire une course dans les couloirs de la maison de retraite :

    « Non mais je rêve, je soupire.

    — Trop cool ! s'exclame Fetnat. »

    Ces vieux sont complètement barges.

Faut pas pousser Mémé dans le SapinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant