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    « Bonjour, je suis la maman du petit Sébastien. Il a chopé une angine terrible et est cloué au lit, complètement aphone. Il ne va pas pouvoir chanter, je suis navrée...

    — Ne vous inquiétez pas madame, merci d'avoir appelé ! déclare Romaric en décrochant.

    — C'est une blague ? je m'étrangle.

    — J'ai mis en haut-parleur, donc tu as tout aussi bien entendu que moi.

    — J'abandonne.

    — Quoi ? Qu'est-ce que tu as dit ?

    — J'abandonne ! C'est fini ! Je jette l'éponge, je laisse tomber, je démissionne ! je m'emporte.

    — Mais Hélo... euh pardon, Héloïse ! Tous ces gosses comptent sur toi ! Tu ne peux pas les laisser en plan de la sorte, simplement parce que notre soliste est malade !

    — Mais Romaric, c'était l'un de ceux qui tenait la baraque ! Maintenant qu'il y en a un en moins ce n'est pas de Moïse mais de Noé et son arche dont nous aurons besoin à cause du déluge que vont provoquer ces marmots en chantant encore plus faux que les vieux à la messe !

    — Mais on va trouver une solution, ne t'inquiète pas !

    — Et comment, hein ? Tu comptes monter sur scène et chanter avec eux ?

    — Pourquoi pas ?

    — Il nous faut quelqu'un au piano sombre idiot, et ce quelqu'un c'est toi ! je lui rappelle.

    — Ah oui, zut. Et toi alors ?

    — Il en est hors de question ! Déjà que j'encadre l'activité...

    — Allez Héloïse, pour le bien des oreilles de tout le monde !

    — Non ! Je refuse ! »

    Il me fait son air de chien battu.

    « J'ai dit non.

    — Mais comment allons-nous faire alors ?

    — Bah je sais pas... »

    Au même moment, Père Emmanuel traverse la salle, les bras chargé de linge. Une idée me traverse alors l'esprit :

    « Père Emmanuel ! Père Emmanuel ! je m'exclame en courant dans sa direction.

    — Que puis-je faire pour toi Héloïse ?

    — Vous faisiez bien parti d'un groupe quand vous étiez jeune, non ?

    — Oui... Pourquoi ?

    — Il nous faudrait absolument quelqu'un qui sache chanter pour couvrir et guider (surtout couvrir d'ailleurs) la marmaille là-bas qui sonne plutôt comme une bande de cochons qu'on égorge lorsqu'ils chantent.

    — Mais je...

    — Dîtes oui, s'il vous plaît s'il vous plaît s'il vous plaît ! j'insiste.

    — Hm... Bon ok. »

    Mon Dieu merci je vous aime !

    J'attrape le Père Emmanuel par le bras et le tire jusqu'à la scène :

    « Soldats, en rang ! » je hurle.

    Les gosses se mettent en place et me saluent.

    « J'adore cette nouvelle technique, je déclare en jubilant.

    — Ce n'est pas tellement dans l'esprit catholique, tu le sais ça ? me fait remarquer mon Père.

    — Trouvez-moi une technique catho qui les calme aussi vite et je l'adopterai aussitôt ! En attendant, ils resteront mes petits soldats, je lui réponds. Bon, camarades ! je reprends en me tournant vers eux. Vous connaissez tous sans doute le Père Emmanuel ! »

    Ils me répondent par une armée de "ouiiii" tous plus niais les uns que les autres.

    « Génial. Il va chanter avec vous, pour vous aider.

    — Nous aider pour quoi ? demande bêtement Quentin l'un des gamins.

    — Vous aider à chanter juste.

    — Pourquoi ? On chante mal ? demande une petite noire au premier rang. »

    Je m'agenouille à son niveau et lui réponds avec un grand sourire :

    « Horriblement mal. »

    Puis, me redressant en claquant dans mes mains :

    « Allez tout le monde, premier chant ! »

    « Finalement le petit Gontran ne se débrouille pas trop mal avec le solo de Sébastien ! me lance Romaric alors que nous rangeons les dernières affaires.

    — Il le chante même mieux, je réponds.

    — D'ailleurs en parlant de mieux chanter, quelle merveilleuse idée tu as eu de rajouter Père Emmanuel !

    — Merci, je soupire en poussant une chaise. J'espère juste qu'aucun parent ne viendra râler : "Il ne serait pas pédo... enfin vous voyez ce que je veux dire, à tout hasard ?"

    — Arrête, aucun parent n'a jamais fait ça ! s'offusque Romaric. »

    Je le toise, un sourcil haussé :

    « Ah oui ? Tu ne t'es jamais demandé où étais passé frère Jean-François ? Et pourquoi il avait été le dernier à chanter avec nous ?

    — Non, arrête, s'étrangle Romaric.

    — Enfin bref, je vais aller me reposer un peu, ce sont enfin les vacances après tout ! Salut Romaric !

    — Salut Héloïse ! »

Faut pas pousser Mémé dans le SapinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant