« Tu ne serais pas la jeune fille qui a libéré des poulets dans la salle commune hier par hasard ? me demande la grosse dame à l'accueil.
— Moi ? Non ! Sûrement pas ! Vous devez me confondre avec Héloïse ! Moi c'est Garance, la fille parfaite à qui son père achète des vêtements de soie et de satin ! Allez, bonne journée surtout ! je mens en m'éloignant. »
Bon alors, chambre de Madeleine, chambre de Madeleine... J'emprunte l'ascenseur, sors au bon étage (et non celui avec les fous du fauteuil) et toque à la porte de ma chère mamie préférée.
« Entrez. » me répond une voix chevrotante.
Je pousse la porte et pénètre dans la chambre simple que je connais maintenant si bien. Madeleine est assise sur son lit, une boîte de mouchoir à côté d'elle et essuie ses yeux.
« Madeleine ? Mais qu'est-ce qui ne va pas ? je m'inquiète. Serait-ce le jour de l'anniversaire de la mort de ton mari ? De ton fils ? De ton chat siamois ? (pourquoi ce sont les premières pensées qui me viennent à l'esprit ? c'est glauque quand même...)
— Oh rien, c'est juste que j'ai une méchante sinusite. »
Ouais. Moi j'y crois pas trop mais bon, on va faire comme si de rien n'était.
« Bon alors euh... je vais te laisser hein ! Soigne bien ta sinusite !
— Ma soeur aurait eu 75 ans aujourd'hui. »
Je lâche la poignée de la porte et me retourne lentement vers elle. Dans son lit, elle parait plus vieille et plus fragile que jamais. Elle, qui d'habitude est pleine bonne humeur et de tonus m'apparaît aujourd'hui toute chétive comme si elle allait se briser. Je m'approche . d'une voix blanche elle continue
« Elle s'appelait Rosalie et, alors que j'étais chez la voisine en train de discuter, ils sont arrivés et l'ont emmenée. je ne l'ai jamais revue. Après la guerre, j'ai cherché et j'ai fini par retrouver son nom. Gazée à Auschwitz sous prétexte qu'elle avait le syndrome de Down. »
En d'autres circonstances j'aurais fait une blague du style : « Vous êtes si vieille que ça ? », mais là je vous avoue que non, je n'avais rien envie de dire. C'est comme si [personnage gros que nous aurions aimé faire intervenir auparavant mais que nous avons négligé au profit de Romaric le pacificateur et de Fetnat le geek noir] m'était dessus, écrasant ma poitrine et m'empêchant de respirer.
« Je suis désolée. » je lâche simplement.
Que voulez-vous dire d'autre dans ce genre de situations ? J'aurai aimé trouver des mots pour la consoler mais je sais pertinemment que dans ces situations, tous les mots de la terre n'ont aucun effet.
« C'est pas grave tu savais pas. Et puis, ça fait longtemps qu'elle est partie maintenant j'ai eu le temps de faire mon deuil. Mais à cette date c'est plus fort que moi ... C'est un peu comme un rendez-vous annuel au cimetière, un pèlerinage, sauf que je reste dans ma chambre et que je me contente de pleurer un peu. Demain, tout ira mieux ne t'inquiète pas ! Super-Madeleine sera de retour, prête à faire encore plus de bêtises que d'habitude ! » me lance-t-elle en me montrant ses biscottos inexistants.
Voyant que je ne réagis pas, elle poursuit :
« Mais dis-moi, il n'y aurait pas réunion par hasard aujourd'hui ?
— Si, mais si c'est pour aller voir Romaric parler de soupe et des vêtements de Sainte Marie-Thérèse, assister à mon second procès de la semaine à cause des poulets ou simplement m'ennuyer en regardant Garance prendre toutes les décisions et les noter sur son petit calepin, non merci.
— Et Fetnat alors ?
— Quoi Fetnat ? Je suis le totem je rappelle. Il ne va rien lui arriver.
— Mais non, je ne parle pas de ça, me répond-elle avec un sourire malicieux. »
Oh non, pas ça ! Comment devenir rouge comme une tomate en moins de cinq secondes par Héloïse ...
« Mais non, je bredouille, entre Fetnat et moi il n'y a rien du tout du tout...
— Rien du tout ? me demande-t-elle avec un regard entendu. »
Puis elle ajoute :
« Ouais ouais c'est ce que tout le monde dit, ami au départ mais après... »
(Nda : chapitre uuuun peu déprimant on vous l'accorde, mais bon ça fait trois jours qu'on tente de caser le passé de Madeleine mais qu'à chaque fois on a une autre idée... Le voici donc !
demain les bêtises recommencent, promis !
tschüss !)
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Faut pas pousser Mémé dans le Sapin
UmorComme à chaque Noël, l'internat catho où se trouve Héloïse organise une action de charité. Et cette année, les jeunes vont devoir aider les plus âgés à la maison des Tulipes. Heureusement que la vieille Madeleine est là pour mettre un peu d'ambiance...