Don't go - Jeon Jungkook

Chapitre 1 : Lui et Moi

Ce n'est qu'un amas confus de personnes, un amas de paroles dénuées de sens. Ils se bousculent tous férocement, comme des animaux, cherchant en vain à avoir une meilleure vue. Je ne suis pas meilleure qu'eux, pourtant : je les observe depuis plusieurs minutes, silencieuse devant cette étrange scène. 

J'étais sortie de la maison dix minutes plus tôt et m'était dirigée vers le supermarché seule, profitant du calme et du soleil. Enfin, jusqu'à maintenant. Parce qu'ils sont sur ma route. Je dois passer à côté d'eux pour atteindre le supermarché : aucun détour possible.

Enfin, pour être honnête, ma mère m'avait un peu forcé la main. Je n'avais pas forcément envie d'aller faire les courses à sa place. A vrai dire, le calme et le silence, ça n'a jamais été mon truc.

Je soupire, rassemble mon courage à deux mains, et marche, regardant droit devant moi.

 On se bouscule. 

Il est là, entouré de journalistes, de fans et de gardes du corps. Des cheveux noirs jais lisses, magnifiques et gracieux, qui virevoltent à chacun de ses mouvements. Des cheveux qui semblent élaborés soigneusement afin de faire ressortir ses yeux, qui sont pourtant sombres et vides d'émotions. Il aborde une expression impénétrable sur son visage fermé, gardant ses sourcils froncés. Sa bouche n'esquisse aucun sourire.  Il est clair qu'il est charismatique ; il fait parti d'un monde à part, avec ses habits luxueux et ses fans.

Je suis là, avec mon jean et mon t-shirt, mes mains dans les poches et des cernes sous les yeux. Je devais juste aller faire des courses mais je regrette de ne pas avoir lâché mes cheveux. Je me dis que j'aurai dû mettre autre chose. Je fais partie d'une autre catégorie : je suis une fille silencieuse et calme. Je pourrai être votre voisine, celle qui articule à peine un bonjour lorsque vous la voyez. 

Nos yeux se croisent.

Et dans son regard, je ne vois pas de bonheur. Je ne vois pas ce à quoi je m'attendais ; je ne trouve que le chaos. Je trouve du désespoir, de la tristesse, de la solitude, de l'amertume, de la douleur, de la souffrance, de la désolation. C'est un gouffre d'idée noires, de peine. Ce garçon est détruit et il se noie. Il brûle. Il endure. 

C'est tragique. C'est magnifique. C'est la vague dangereuse qu'il ne faut pas surfer, c'est le chemin qu'on vous interdit de prendre, c'est la salle dans laquelle on vous interdit d'entrer. 

Il est ténébreux ; à un tel point que ça me dérange. J'aimerai le voir sourire, j'aimerai le voir rire: j'aimerai qu'il soit éblouissant d'une autre façon. 

Soudain, j'ai envie de le prendre dans mes bras, de le laisser pleurer sur mon épaule. J'ai envie de tenir sa main et de ne plus jamais la lâcher. J'ai envie de me promener avec lui. J'ai envie d'entendre sa voix, de le voir sourire, de voir toutes ses expressions. J'ai envie de le connaître un peu plus que maintenant. 

Mais il a déjà détourné les yeux. Déjà, je n'existe plus pour lui. Déjà, il est loin de moi. 

Ce n'était qu'un toucher ; qu'un geste qui relie deux personnes. Qui a permit à nos deux mondes de se rencontrer,  s'entrechoquer. Qui m'a permis d'atteindre en une seconde et pour une seconde l'inaccessible.

Et maintenant tout est fini. Je remets les pieds sur terre, je m'échappe de ce rêve, je reprends ma vie. Parce que tout ça n'existe que dans ma tête. Parce que je pars toujours trop loin, je réfléchis toujours trop, j'espère toujours plus que permis.

  Et déjà, ça me fait mal de savoir que, dans ce monde, dans ma seule et unique vie, je n'aurai plus jamais l'occasion de passer un peu de temps avec ce garçon.  Parce que, désormais, il faut oublier.

On s'est bousculé. 

Il n'a pas remarqué que je suis tombée. 

Je me relève, les mains écorchées et poussiéreuses.

Et je continue de marcher, en évitant soigneusement d'heurter à nouveau quelqu'un : je n'ai plus rien à faire ici.