Chapitre 53 : Cœur brisé

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Je le retrouve avec elle.

Je n'ai plus rien à dire.

Peut-être que je devrais m'excuser. D'être là. D'exister.

Je le regarde, silencieuse, tandis qu'il lui sourit, qu'il lui attrape les poignets avec ses mains, l'empêchant ainsi de partir, et que souriant, il commence à rire avec elle.

Et ce n'est pas que mon cœur se brise. Ce n'est pas que les larmes coulent.

C'est que je ne peux pas détourner le regard.

Et si je dois me battre, j'aimerais que le combat soit équitable.

Pourquoi est-ce que je suis la seule à m'effondrer ?

Et si quelqu'un se souvient de moi, si quelqu'un pense à moi en ce moment-même, j'aimerais qu'il sache que je suis piégée.

Et si quelqu'un devait un jour se souvenir de moi, qu'il sache qu'il y avait une époque où j'étais complètement lucide, complètement insouciante.

J'aimerais que ceux que j'aime se souviennent de la personne que j'étais avant de rencontrer Jungkook. Qu'ils se souviennent que je n'étais que cette fille aux cheveux courts et au livre collé à la main, cette fille qui souriait souvent et pleurait rarement.

Je n'ai pas besoin de temps. Le temps ne changera absolument rien.

Et si quelqu'un se souvient de moi, j'aimerais qu'il se rappelle de mon sourire seulement.

Parce que je peux leur faire croire que je suis heureuse, mais je ne peux pas me tromper moi-même.

Je veux être la seule à connaître la vérité.

J'aime Jungkook, et il ne m'aimera plus jamais.

J'aime Jungkook, et il aime quelqu'un d'autre.

Est-ce que j'ai encore le droit d'espérer ?

Mon coeur est un piano, et Jungkook martèle les touches sans aucune douceur.

Mon coeur est un piano, et Jungkook ne sait pas en jouer.

Et jamais plus une mélodie ne sortira de ce piano.

J'aurais aimé,

J'aurais aimé que tu ne me détruises pas.

Karla, je comprends maintenant.

Ça fait tellement mal.

Parce que ça veut dire qu'il ne m'a jamais aimé. Qu'il m'a oubliée. Qu'il m'a remplacée. Alors que je n'ai même pas encore eu le temps de m'en remettre.

« Est-ce que tu penses que c'était mieux avant ? »

Avant, je ne pouvais pas l'accuser, lui, de mon malheur. Parce qu'avant, il n'existait pas dans ma vie. Pas encore.

C'est drôle, non ? La façon dont il s'est immiscé dans mon cœur sans crier gare. La façon dont il m'a bousculé pour se précipiter à l'intérieur.

Et maintenant, il y a des parties de moi dont je ne connaissais pas l'existence qui me font mal. Comment est-ce que je peux avoir si mal au cœur ? Je ne suis pas malade.

Il l'embrasse sur la joue, un sourire immense aux lèvres.

Il n'y a plus rien à faire.

Me battre ?

Me battre pour qui, déjà ?

Il est déjà sauvé.

Je ne suis pas importante, je ne suis plus vivante.

Un cœur brisé.

C'est ce que je suis.

Je ne suis pas poète, alors je ne pourrai pas vous décrire mon histoire comme il se doit de le faire. Je ne peux que vous raconter l'horrible vérité en essayant en vain de rassembler les mots, former des phrases, et créer une suite logique d'évènements.

Je ne suis pas artiste, je ne peux pas vous peindre un tableau aux mille couleurs afin de vous faire ressentir tout ce que j'ai vécu.

Je ne peux qu'acheter les pinceaux, la peinture et la toile et former une masse difforme de couleurs superposées.

Je vous ai dit, je ne suis qu'un cœur brisé.

Et maintenant, il l'embrasse sur les lèvres.

Je ne suis pas censée avoir envie de vomir.

Ce n'était pas censé arriver.

Tout ça n'a pas de sens.

Tu n'avais pas le droit de partir.

La bile me remonte à la gorge.

Tu n'étais pas censé partir avec tant de facilité.

Et je me torture, et je fais attention, je me souille, parce que même si je voulais jouer du piano, les accords seraient mauvais, et même si je voulais courir, je tomberais, et même si je voulais sourire, je pleurerais, et même si je voulais te rattraper, tu partirais, et même si je voulais t'aimais, tu ne le ferais pas.

Laisse-moi abandonner.

Je n'ai pas besoin de vos bons conseils ; laissez-moi m'en aller. Personne ne pourra me convaincre que je vais bien ; laissez-moi abandonner.

Laissez mon esprit devenir le bazar que cela a toujours été destiné à être, laissez ma vie devenir ma plus grande défaite.

Je suppose que c'est parce que je t'aime.

Je crois que j'étais censée t'aimer.

Je crois que j'ai été faite pour t'aimer.

Tu me regardes, maintenant. Des grands yeux sombres qui me fixent avec indifférence.

J'aimerais pouvoir te regarder avec froideur.

Est-ce que j'y arriverai ?

Ne plus jamais poser mes yeux sur toi de la même façon.

Tu n'es rien pour moi, Jeon Jungkook.

Non, non, je ne peux pas.

Ton attention est sur moi, enfin.

Alors l'amas de pièces brisées que je suis désormais te regarde dans les yeux, et te souris.

Tandis que je me chante à moi-même une berceuse, veillant bien à ce que les paroles me rappellent que tu ne seras jamais mien et moi toujours tienne. 

Don't go - Jeon JungkookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant