Chapitre 59 : Aigle et aspirine

1.5K 131 8
                                    

''Qu'est-ce que tu fous là ?'' articule Jungkook dès qu'il se réveille, les cheveux encore ébouriffés, les yeux à peine entrouverts, bouffis par le sommeil, tandis que je lève les yeux de mon téléphone et les dirige vers lui.

''Ne te redresse pas trop vite, tu risques d'avoir mal, tu-'' je l'avertis mais trop tard.

''Putain, j'ai l'impression que ma tête va exploser.'' il gémit en posant la paume de sa main sur son front. 

Je me retiens de sourire en le voyant si perdu et vulnérable.

''Le cachet d'aspirine et le verre d'eau sur la table ne sont pas là pour décorer.'' je fais remarquer. ''Prends-les, ça ira mieux.''

Il obéit sans protester, sûrement à cause de son mal de tête. 

''Alors, tu comptes m'expliquer ? Tu as de la fièvre, et tu te rends à une soirée pour te bourrer comme jamais ?'' 

''Est-ce que tout a besoin d'une justification ?'' il se plaint.

''Je ne comprends vraiment pas ce qui te passe par la tête, parfois.'' je réponds simplement. 

''Ne t'inquiète pas, moi aussi.''

''Taehyung ?'' je demande à l'appareil en prenant bien soin de prononcer son prénom haut et fort, dans l'espoir que Jungkook entende.

'C'est bien moi. Aela, tu sais que mon prénom s'affiche quand je t'appelle ?'' il lance, visiblement plus qu'agacé, et je l'arrête tout de suite :

''Du calme, du calme, pourquoi est-ce que tu es aussi énervé ?''

''Pourquoi est-ce que je suis énervé ?! Aela, tu n'es pas revenu hier soir ! Comment est-ce que j'étais censé rester calme ? Tu n'envoies aucun message, tu ne réponds à aucun appel, et je suis censé ne pas m'inquiéter ?'' 

Ah, merde, c'est vrai qu'il a pas tort. 

''Oups. Désolée ?'' je tente et il soupire à l'autre bout du fil.

''Tu pourrais au moins essayer de paraître sincère.'' il grommelle et je laisse échapper un rire quand je remarque que la colère dans sa voix s'est totalement évaporée.

Et bien, c'était beaucoup plus rapide que prévu.

''Tae, à propos, je ne compte pas rentrer tout de suite.'' je l'informe prudemment.

''Pourquoi ? Est-ce que tout va bien ?'' il s'inquiète et un sourire se fraye le chemin sur mon visage.

''Mon dieu, tu t'inquiètes toujours trop pour moi.''

''Tu es tellement vulnérable.'' il se justifie. ''Je ne comprends même pas encore comment on autorise les gens comme toi à conduire.''

''C'est toi qui parles ?'' je me moque.

''N'évite pas ma question. Où es-tu ?''

''Dans la chambre de- et bien, je sais pas vraiment en fait.''

''Attends, attends, quoi ? Tu es dans la chambre de qui ?! Aela, qu'est-ce que tu fous ?'' il crie à travers l'appareil, paniqué, et je ris.

''Calme-toi, calme-toi, je n'ai couché avec personne.'' je m'esclaffe. ''Jungkook était bourré, et je l'ai aidé.

''Aider ne veut pas dire dormir dans le même lit, hein ?'' il clarifie, toujours tourmenté, et je le rassure.

''J'ai dormi sur le canapé, à des mètres de lui. Ne t'inquiète pas autant.''

''Comment ne pas m'inquiéter ?'' je l'entends soupirer à l'autre bout du fil et je me sens légèrement coupable en le voyant si tracassé par mon état.

J'espère qu'un jour, quelqu'un prendra soin de lui comme il le fait si bien pour moi et tous ceux qu'il aime. 

J'en suis sûre.

J'entends Jungkook tousser dans la pièce à côté, et je dis alors à Taehyung :

''Je dois y aller, il a besoin de moi.''

''Par il, tu veux dire Jungkook, n'es-''

Je raccroche avant qu'il n'aie le temps de terminer sa phrase.

-

''Il va falloir sortir de cette maison un jour ou l'autre.'' je lance soudainement à l'adresse de Jungkook, toujours affalé sur le lit, luttant contre sa gueule de bois terrible. 

''D'où est-ce que tu as pris l'aspirine ?'' il m'interroge, les sourcils froncés, ignorant totalement ma remarque.

''A ton avis ? Volée. Réfléchis un peu, Jungkook. Il y a une pharmacie à quelques rues.'' je roule des yeux et croise les bras. 

Et il reste me regarder, les cheveux décoiffés, le visage dénué de toute trace de maquillage, et il est plus beau que jamais.

Parfait, il est parfait.

C'est ce qu'ils disent tous.

Visage irréprochable, nez sans aucun défaut, lèvres tentantes, regard ténébreux : le portrait parfait. 

Jungkook est l'homme idéal.

Mais tout devient moins beau quand on s'approche de plus près. On peut alors discerner les moindres petites fissures, les minuscules défectuosités. Les mêmes défauts que nous rejette le miroir chaque matin.

Et à peine me suis-je approchée de lui, à peine ai-je remarqué la minuscule petite fissure, à peine l'ai-je touché, qu'il éclate en morceaux.

Le portrait qu'on fait de lui n'est que façade. 

C'est tellement troublant.

''Merde'' il marmonne soudain en sortant son téléphone de sa poche.

''Quoi ?'' je me renseigne tandis qu'il a toujours les yeux rivés sur son appareil.

''J'ai un rendez-vous dans un quinze minutes.'' 

Et s'il était un oiseau,

Il serait majestueux, le plumage soyeux. 

Éblouissant, intriguant, 

Il serait un aigle.

Volant plus haut, sans jamais vraiment savoir où il allait 

Elle était toujours au second plan 

Spectatrice car si elle le touchait, il s'envolerait

Et si elle bougeait, il s'évaporerait

S'ils devaient être quelque chose, 

Tout ce qu'elle serait c'était résignée, 

Et lui, libre. 

Don't go - Jeon JungkookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant