Chapitre 2 (partie remise à jour)

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            Voilà plusieurs jours que Rose épiait chaque recoin de Whitewood sans rien trouver. Elle était au bord de la crise de nerf, en pleine impasse. Elle avait été incapable de trouver un nouvel indice, avait guetté tous les endroits possibles et imaginables, observé tous les comportements étranges à n'importe quelles heures du jour et de la nuit mais rien. Toujours rien.

Une haine incontrôlable faisait brûler ses veines, Rose avait horreur du goût de l'échec. Pourtant, elle ne voyait d'autre chemin à emprunter. Peut-être devait-elle appeler l'homme du bar ? « Non, ce pauvre type ne pourra rien pour m'aider. Je préfère échouer qu'encore draguer cet imbécile. » pensa-t-elle avec aigreur. Elle mordit l'intérieur de ses joues afin de taire un hurlement de désespoir et se jeta sur son lit grinçant. Elle glissa une main sous son lit et récupéra la valise qui y trainait. Elle l'ouvrit et tomba sur du vide. Elle ne sembla pourtant pas surprise, au contraire. Elle ouvrit un compartiment dissimulé qui enfermait le dossier en kraft.

Elle étala devant elle un nombre impressionnant de documents qui réunissaient l'ensemble de ses recherches, de sa préparation de mission. Dans ces papiers se trouvait un plan de la ville sur lequel des croix avaient été griffonnées par-ci par-là. Elles correspondaient à différentes affaires qui avaient attiré l'attention de l'Agence pour diverses raisons sur plusieurs dizaines d'années. Aucun de ces lieux ne lui avait apporté de réels indices.

Il y avait également la liste des habitants de la ville. Elle avait raturé les noms des personnes qui ne correspondaient pas aux profils recherchés. Malgré tout elle restait longue, beaucoup trop longue pour savoir qui elle devait approcher.

Elle s'arrêta enfin sur une pile de photographies de témoins mais aussi de personnes liées de près ou de loin aux différentes affaires mais encore une fois, rien de bien sérieux. Elle les avait toutes approchées discrètement et observées mais cela ne la menait à rien. Elle souffla sa frustration en se massant les tempes. Elle avait probablement manqué quelque chose.

[...]

Tandis que les cloches sonnaient minuit, Rose était adossée à la façade de son immeuble, elle n'avait pas trouvé le sommeil. Elle profitait de la fraicheur de cette nuit de mars pour réfléchir sur les options qu'il lui restait. Elle se refusait d'attendre en espérant que la piste des vendeurs mène à quelques choses.

Elle fermait les yeux, souriant à la noirceur du ciel et au vent lui caressant la peau. Dans ce genre de moment, elle ne pouvait faire autrement que tout oublier ; son travail qui n'avançait pas, son ami qui lui manquait, ses parents qui vieillissaient trop vite. Elle fermait juste les yeux, profitant de la douceur d'un instant et c'était comme si ses tourments disparaissaient. Elle aimait tant lorsque le vent faisait flotter doucement ses vêtements et ses longs cheveux noirs. Elle aimait cette communion avec la nature, aussi infime soit-elle. Cette impression que, lorsque le vent soufflait suffisamment fort, elle allait pouvoir voler. Comme s'il voulait lui montrer la voie qui lui était propre, le chemin qu'elle devait emprunter.

Ce soir, elle profitait simplement, s'abandonnant allègrement au sort du vent. Les yeux clos, elle l'écoutait lui parler dans une langue qu'elle ne comprenait pas, elle l'écoutait chanter. Bercée par cet ami, elle sentit la somnolence s'installer lentement et contrôler son corps. Dans un état second, elle eut l'impression d'enfin comprendre ce qu'il lui disait, ou du moins, d'entendre un semblant de dialecte. Elle eut envie de rire. « Quel beau rêve » pensa-t-elle. Elle se dressa alors en suivant sa voix, il se déplaçait lentement. Il fallait qu'elle le trouve, qu'elle voit son visage. Enfin le vent, son tendre et secret ami, allait lui révéler son identité. Elle courut après lui, un sourire incroyable aux lèvres. Il lui arrivait parfois de lui rappeler le bon chemin lorsqu'elle s'éloignait par une légère pression dans son dos. Elle l'entendit chanter, qu'est-ce qu'il chantait bien ! Sa voix se mêlait à d'autres. Elle suivit ces voix, elles l'appelaient, elle devait les suivre. C'était si beau, si fort ! Elles la faisaient vibrer de l'intérieur, la chair de poule couvrait tout son corps. C'est là qu'elle vit au loin les silhouettes. Le vent tournoyait autour des individus, avec une telle puissance qu'il lui coupait le souffle. Ils chantaient tous à l'unisson dans un cercle de fleur. Elle voulait en faire partie mais elle ne pouvait interrompre une telle beauté. Tout lui semblait venir d'un autre monde : les chants cristallins lui donnaient la chair de poule, le reflet de la lune semblait faire étinceler tout ce qu'il caressait, les odeurs des fleurs coupées et de la terre humide lui chatouillaient les narines. Voilà pourquoi elle avança dans un silence respectueux, voire religieux.

Aeris - Dans le sens du Vent - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant