Chapitre 10 (partie mise à jour)

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            Le cœur de Rose battait à tout rompre ; pour la première fois depuis bien longtemps, elle était terrorisée. Elle ne savait pas où elle se trouvait ni ce qu'elle faisait là. Il faisait trop sombre pour qu'elle puisse se repérer, reconnaître les lieux ou même distinguer un élément qui pourrait la rassurer et lui donner du courage. Elle avançait à tâtons dans le noir intense de la nuit en essayant de se rappeler les rudiments de son entraînement, d'espionne ou de Wiccane, peu lui importait. Cependant, la panique l'empêchait de réfléchir et la paralysait. Il lui semblait entendre des bruits mais elle ne savait pas si c'était son imagination. Elle se retourna brusquement en se retenant de crier lorsqu'elle entendit des voix mais elle ne vit rien d'autre que le noir absolu. Elle se laissa tomber par terre, à genoux, prise de panique. Son souffle s'accélérait tandis que les bruits s'amplifiaient. Qu'entendait-elle ? Elle distinguait des chants... Des chants qu'elle connaissait.

S'enlaçant les genoux, elle se concentra sur ces derniers et referma son esprit à tout le reste : ce noir beaucoup trop intense pour être habituel, la peur qui la désarmait totalement – elle aussi, inhabituelle – le froid qui l'engourdissait, l'inconnu et l'incompréhension. Elle fit abstraction de tout le reste hormis de l'effrayante rengaine qui faisait écho dans les ténèbres. Elle distinguait plus particulièrement une voix, celle d'un homme qui chantait ou plutôt psalmodiait dans une langue qui lui était inconnue. Cette langue était à elle seule un chant, douce et rude à la fois, sifflante et chantante, lente et pourtant si rapide. Elle ne connaissait pas cette langue, elle ne l'avait même jamais entendu et pourtant, elle avait le sentiment de la comprendre.

Elle se remit sur ses pieds et s'insinua dans le noir en suivant les étranges paroles qui furent bientôt accompagnées d'une plainte qui faisait froid dans le dos. Elle se heurta plusieurs fois à ce qui semblait être des troncs d'arbre et bucha contre des obstacles invisibles qu'elle reconnut comme étant des racines. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qu'elle se trouvait au cœur d'une forêt dense. Elle n'était pas à Whitewood, ça, elle en était certaine.

Plus elle avançait et plus la plainte devenait claire. Il s'agissait de pleurs qui déchiraient la nuit et le cœur de quiconque l'entendait. Rose porta sa main à la gorge tant elle ressentait de la souffrance dans ces cris qu'elle identifia appartenir à un nouveau-né. Elle se boucha les oreilles, refusant de les entendre plus longtemps. Elle hurla pour que cela cesse et éclata en sanglot. « Stop, arrêtez ! » hurla-t-elle au néant qui se trouvait face à elle, ne comprenant pas la vigueur des sentiments qui s'insinuaient en elle. Cependant, seuls les cris et les chants lui répondirent, inébranlables.

Elle avança encore de quelques mètres dans un laps de temps qui lui semblait infini tant les cris lui transperçaient le cœur. Au loin, le noir laissa place à une lueur vacillante qui éclairait de temps à autre un tapis de feuilles et quelques troncs d'arbres. Elle approcha lentement de la source de lumière le cœur battant tandis que le volume des voix augmentait. Bientôt, elle se rendit compte que ce qu'elle avait pris pour un tapis de feuille était en fait des pétales de rose rouge. Rose eut un haut le cœur lorsqu'elle reconnut l'odeur du sang ; les pétales étaient poissés par le fluide épais et sombre. Elle leva les yeux sur la source de lumière et vit de grandes flammes qui lui glaçaient le sang. Elles formaient un immense cercle de feu d'où provenait la voix. Sa source était un grand homme vêtu dans le plus simple appareil. Sa peau, luisante de transpiration, brillait sous la lumière des flammes tandis que ses muscles faisaient danser les ombres à chacun de ses mouvements. Ses cheveux, noirs de jais, se balançaient paresseusement sur sa nuque dans le rythme d'un vent qu'elle ne sentait pas. L'homme se tenait face à un panier en osier et chantait dans cette langue inconnue.

Elle avança d'un pas et remarqua que le panier remuait sans même que l'homme n'ait à le toucher. Les hurlements s'intensifièrent alors, la sortant brutalement de sa torpeur. L'horreur lui transperça le cœur quand elle comprit que la corbeille accueillait en son sein un nouveau-né, allongé dans un lit de pétales de roses. Il hurlait et se débattait comme s'il comprenait que quelque chose d'horrible était en train de se passer.

Il était grimé de runes qu'elle ne connaissait pas. Leur étrange couleur qui brillait sous les flammes attira l'intérêt de la jeune femme. D'un seul regard, elle sut qu'elles avaient été écrites avec du sang, le même que celui qui poissait le sol. Les yeux de l'enfant témoignaient d'une crainte sans pareil et d'une douleur intense qu'un nouveau-né n'était pas supposé connaître.

À côté de la corbeille était étendue une femme qui n'était recouverte que de ses longs cheveux plus rouges que le sang lui-même. Elle était petite et menue mais surtout pourvue d'une grande beauté. Elle avait un visage fin marqué par des pommettes saillantes, un petit nez droit et des lèvres charnues. Ce qui marqua davantage Rose, ce n'était pas le fait qu'elle soit nue allongée dans un cercle de flamme ou qu'elle ne s'inquiète pas des pleurs de son enfant, ni même l'incroyable bleu de ses yeux. Non, ce qui l'interpella était l'absence de vie dans son regard, le voile laiteux qui recouvrait ses pupilles. Rose chercha son souffle un instant comprenant que l'hémoglobine qui avait été utilisé comme encre sur l'enfant était celui de cette femme. Alors qu'elle regardait avec tristesse et angoisse la scène macabre, elle vit une ombre se lever sur le lugubre tableau. Elle se retourna alors et découvrit l'homme, qui n'avait cessé de chanter, lever un Athamé au-dessus de l'enfant.

Rose hurla et sauta au travers des flammes sans même se brûler, dans un élan de désespoir, pour s'interposer entre la lame et le nourrisson. Le poignard la traversa comme il aurait traversé un écran de fumée et les pleurs s'interrompirent.

Ce fut dans un cri que Rose se réveilla, le souffle court, emmêlée dans ses draps. À peine fut-elle réveillée que les images de son rêve s'effaçaient déjà de sa mémoire, lui laissant seulement un profond sentiment d'angoisse et de tristesse intense. Sachant éperdument qu'elle ne pourrait se rendormir, elle sortit tant bien que mal de son lit et se dirigea dans la salle de bain. Elle s'aspergea le visage d'eau glacée avec l'espoir d'effacer ses tourments. Le reflet que lui renvoyait le miroir témoignait de ces dernières nuits, toutes agitées par le même rêve et la même terreur. Des cernes noircissaient ses yeux et semblaient creuser ses traits. Poussant un soupir, elle se détacha de cette image et s'installa à son bureau où l'attendait son ordinateur qui était resté, depuis la veille, ouvert sur une page blanche.

Elle devait envoyer le rapport d'évolution de l'enquête mais elle ne savait que dire. Elle se contenta de remettre à jour les données qu'elle avait pu rassembler sur chacun des membres du Covens qui – sans compter Camryn – lui faisaient jusqu'ici bonne impression. Elle écrit quelques lignes également sur l'idée que la rousse avait fait naître en elle. Elle espérait aussi obtenir, par le biais de Rhydian, l'entière confiance du cercle et pouvoir, prochainement, l'intégrer. Jusqu'ici, tout s'était basé sur Earl et Rhydian mais son instinct lui soufflait que cela allait bientôt évoluer.

Elle aimait avoir une vue précise sur l'avenir et sur les plans qu'elle mettait en place. Bien qu'elle soit persuadée qu'ils étaient innocents, Camryn l'obligeait à revoir son jugement. Pourtant, elle espérait secrètement se tromper ou au mieux, qu'ils n'étaient pas tous impliqué. Sa conscience professionnelle l'empêchait d'abandonner complètement sa mission. Un homme était mort. Un innocent avait été démembré, laissant la police perplexe et incapable de comprendre ce qui l'avait mis dans un tel état. Mais pas seulement, d'autres faits avait alerté l'Agence ; des disparitions, des incendies ou encore des suicides en masse.

Ces différentes affaires s'étalaient sur plusieurs années et avaient toujours trouvé une explication. Les disparitions coïncidaient avec la présence d'un tueur en série dans la région et, bien que les corps n'aient pas été retrouvés, ils avaient été déclaré morts. Les incendies étaient en général considérés comme des incidents ou des faits anodins rapidement classés. Enfin, c'est par le biais d'une secte qu'avaient été justifiés les suicides collectifs. Cependant, l'Agence n'était pas dupe et Rose non plus. Trop d'événement s'accumulaient pour croire en coïncidences. Elle ne pouvait abandonner ! 


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Petit chapitre, je m'en excuse ! Chapitre... particulier  mais pourtant très révélateur. Qu'en pensez-vous ? Croyez-vous que ses rêves ont une importance pour la suite ? Que veulent-ils bien dire ? 

La suite bientôt :) 

J'espère en tout cas qu'il vous aura plu !! 


DES BISOUUUS <3

Aeris - Dans le sens du Vent - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant