Aeris - Dans le sens du Vent - tome 1

Chapitre 4 (partie mise à jour)

 Après plusieurs jours passés à feuilleter chacun de ses livres, elle se présenta enfin chez Earl. Tous semblaient dire la même chose ; la Wicca était une force positive. En soi, toutes les religions qu'elle connaissait tenaient le même discours et pourtant cela n'avait jamais empêché leurs prêcheurs d'en user à mauvais escient. Pourquoi la Wicca serait-elle différente ?

La nuit était déjà presque tombée, la lune commençait à monter tandis que le soleil lui laissait place. Le ciel qui brillait de mille feux, entre l'encre de la nuit et les dernières lueurs orangées et rosacées du soleil, réfléchissait sur la peau de la jeune femme d'une manière inaccoutumée. C'était une image éblouissante de beauté mais terrifiante à la fois que de voir Rose avaler, semblait-il, les dernières couleurs du ciel afin de le laisser se noyer dans son encre. Ses cheveux reflétaient les rayons lunaires tandis que sa peau brillait comme une boule à facettes. Puis, un instant plus tard, elle s'éteignit, laissant pour seul témoin de ce qu'il venait de se passer ses yeux éclairés de mille couleurs aveuglantes.

Lorsque le vieil homme lui ouvrit, elle était absorbée par la beauté céleste. C'était incroyable de voir à quel point il était possible d'oublier ce genre de chose quand on vivait en ville, se disait-elle. Earl observait la jeune femme, dont les yeux brûlaient d'un feu étrange, partagé entre un sentiment d'émerveillement et d'effroi. Il la sortit de sa rêverie en touchant son bras et il fut comme traversé par une explosion d'énergie. Alors, il ne se trompait pas... Elle avait absorbé les derniers rayons du ciel ! Cette force si puissante et si incontrôlable pour le commun des mortels.

Avec mille précautions pour qu'elle ne s'aperçoive de rien, il fredonna une prière afin de rendre ce qu'elle avait, accidentellement, emprunté à la Mère Nature, la grande Déesse. Rose, qui n'avait rien décelé à son stratagème, voulut le saluer quand Earl réussi à la libérer de l'énergie qui ne lui appartenait pas. Elle se sentit tout à coup si vide, si désespérément triste que les larmes lui montèrent aux yeux et la désempara totalement. Elle eut un instant de faiblesse et perdit légèrement l'équilibre avant de se remettre d'aplomb. Elle colla sur son visage un sourire qui sonnait faux, priant qu'il n'eut rien remarqué et pénétra dans le hall d'entrée chez Earl.

- À quoi pensiez-vous donc dehors ? demanda-t-il, sans aucune subtilité, dos à elle, tout en refermant la porte d'entrée.

- Pas à grand-chose, je trouvais le spectacle offert par le ciel magnifique. J'aurai aimé pouvoir en prendre un bout et le ramener chez moi, dit-elle les yeux dans le vague avec un petit sourire mélancolique. Elle se reprit aussitôt et, tout en s'insultant mentalement, lâcha un petit rire et s'excusa de sa morosité passagère.

Earl méditait ses dernières paroles, surpris par la facilité avec laquelle elle avait joué avec l'équilibre de la nature sans même s'en rendre compte. Il réfléchissait sur les enjeux de cette découverte tandis que l'angoisse prenait part lentement de son esprit. Il ne pouvait laisser cette jeune femme plus longtemps seule dans un monde qui lui était encore inconnu. Les dommages risquaient d'être importants et immuables.

Rose, quant à elle, ne comprenait ni sa subite humeur dépressive ni comment cet homme parvenait à faire tomber ses barrières sans aucune difficulté. Suspicieuse, elle se posait des questions sur lui. Il n'était pas normal qu'il lui inspire tant de confiance. Elle ne savait comment, mais à chaque fois, elle finissait par se montrer telle qu'elle était réellement, fragile et émotive, oubliant l'espace d'une seconde son rôle à jouer. Elle avait passé des années à se forger cette carapace et personne jusqu'ici n'avait réussi à la contourner si facilement. Même Aaron était incapable de la faire fléchir lorsqu'elle mettait son « masque », qu'elle devenait l'Agent Secret et non plus la jeune femme qu'elle était. Et voilà que je me se laisse perturber par un vieil homme ! maugréa-t-elle intérieurement.