31. Adrien

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Média: Adrien Anderson

Adieu.

Je suis fini, détruit, brisé, anéanti, je n'ai plus rien à aimer, et je suis seul. Terriblement seul. Comme si j'étais de nouveau perdu. Assis à table, je remarque à peine le regard insistant de Rachel qui doit s'inquiéter pour moi. Emma parle vaguement de sa journée avec comme introduction "j'ai envie de mourir", tandis que pour ma part, j'y pense réellement. Ma mère non plus ne se sent pas bien, ce soir. Elle a eu une soirée pitoyable avec un homme bourré qui a fini par vomir sur notre palier. Elle triture dans son assiette, le poing appuyé contre sa tempe et le regard vide de nostalgie. Elle n'a même plus la force de faire semblant de s'intéresser à nous. Je me sens coupable d'avoir tout gâché dans cette famille. Coupable d'avoir laissé Mélina en plan avec son petit vélo jaune. Je suis un inconscient. Et je me déteste. À un point inimaginable. Alors qu'Emma allait enchainer sur son après-midi de fou, je fais grincer la chaise en me levant brusquement. Tout le monde a les yeux rivés sur moi lorsque je quitte l'attablée pour monter dans ma chambre dans un long fracas de pieds qui martèlent le sol. Rachel m'interpelle, mais je reste muet. Une fois dans ma pièce de vie, je tourne en rond comme un lion en cage. Je ne sais pas ce que je dois faire, j'ai l'impression d'avoir une de ces fameuses migraines. Elles reviennent. Cela faisait si longtemps que je n'en avais pas eues ! J'allume mon ordinateur portable dans l'espoir de voir un message de Mélina, mais rien. À la place, un mail de mon père me disant de venir chez lui tout de suite car d'après lui, c'est moi qui aurais cassé le jouet de son fils parce que j'étais jaloux. Il n'oublie pas de me traiter de tous les noms, bien sûr. Stupide... D'ordinaire, je me serais contenté de ne pas lui répondre et de laisser courir l'affaire. Mais là, je ne peux pas m'empêcher de vider ma colère en balançant mon unique médaille de judo sur l'écran de mon ordinateur en hurlant. Personne ne prend le risque de venir dans ma chambre, bien entendu. Je suis certain qu'en réalité, ma mère et mes soeurs ont tout simplement peur de moi, peur de s'apercevoir que je tiens un peu trop de mon père. Je cherche sur Internet "la manière la plus efficace de mettre fin à ses jours" et je tombe sur des tonnes de résultats. Mais une retient particulièrement mon attention. Je me frotte les yeux pour tenter de retrouver la raison mais rien n'y fait. Je regarde ma chambre, mes objets de valeurs, mes post it, et je bouge le plus possible pour avoir un dernier souvenir de la vie. Adieu, tout le monde.
Et oui. C'est le moment de faire le grand saut. Et cette fois, je sens que c'est la bonne.

Ne me laisse pas tomberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant