3. Adrien

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Média: Adrien Anderson.

Deuxième jour en communauté.

- Et mon frère m'a dit qu'un jour, il l'avait vu hurler sur un gars en face de chez lui, et t'sais pas c'qu'il lui a dit ?
- Nan, vas-y accouche !
- "Tu sais c'que j'en fais de ton courrier, moi ?! J'te l'mets dans l'c..." enfin tu vois ce que je veux dire hein ?
- Ouais grave ! OMG ça craint trop !
Ah, ce pauvre facteur... ce jour là, j'étais de mauvais poil il faut dire. Il s'était trompé de courrier ! Qu'elle maladresse.
- N'empêche que Mélina a toutes les raison d'être aimée !
- Ouais elle est trop forte ! Vive Mélina !
Je lève les yeux au ciel. J'espionne ces deux filles depuis tout à l'heure, et je n'ai toujours pas réussi à en tirer une seule parole intelligente. Elles sont presque pires que ma propre sœur... je décide de quitter le self, de toute façon, ce n'est pas une lourde perte. Les filles ne sont plus si intéressantes qu'autrefois ! Dans les couloirs, j'essaye de passer inaperçu, mais certains me dévisagent d'un oeil mauvais et d'autres rient tout en pensant sûrement être discrets. Je dois me rendre en français, l'une des matières où je me suis promis d'être sage. Car l'année dernière, ça n'avait pas du tout été le cas, mais je compte me rattraper !
En entrant dans la salle, j'aperçois Mélina au premier rang et mon visage s'illumine. Le sien se décompose, mais je prends cette réaction pour un mélange de joie et de surprise. Je m'assieds juste devant elle, bien en évidence au cas où l'envie me prendrait de lever la main. Je recule ma chaise et tends le cou jusqu'à la table de derrière
- Bonjour, qu'elle charmante surprise...
Je perçois un espèce de grognement de fureur étrangement sexy.
- Retourne toi. - Rooooh, c'est pas croyable ce que vous pouvez être blasée vous les filles !
Il y a une petite pointe de défi dans ma voix, et Mélina semble l'avoir remarquée.
- Et c'est pas croyable ce que vous pouvez être collants quand vous vous mettez à draguer, vous les garçons !
- Alors euh, déjà, petit quiproquo: je ne drague pas, je fais connaissance avec la personne que j'ai sauvée de la mort hier, c'est tout naturel non ?
Au moment où elle s'apprêtait à répondre, le professeur débarque dans sa salle avec son bégaiement habituel.
- Bonj... jour tout le m... monde, aujourd'hui n... nous allons parler d... du livre q... q... que vous deviez lire p... pour aujourd'hui.
Je m'installe bien confortablement sur ma chaise, tandis que d'autres commencent déjà à s'endormir. Que voulez-vous, les joies du cours de français.
- Ce l... livre concerne n... notre beau pays qu'est la France, en p... p... particulier le Nord. C'est ici q... que se déroule l'histoire où nous r... retrouvons notre héroine. L... l'adieu au n... n... nord est en effet un l... livre qui parle de ses intemp... péries et qui nous projette d... dans la réalité alors que ce n'est qu'une f... f... fiction...
Je lève bien haut la main, mais le professeur ne m'accorde aucune attention.
- Nous all... lons aujourd'hui nous p... p... poser une question cruciale af... fin de bien comprendre l'histoire: comm... mment l'auteur arrive-t'il à nous f... faire réfléchir quant à la r... réalité ?
Il me jette enfin un regard, et je me sens fier de moi.
- Oui, Anders... son ?
- Je tiens tout d'abord à souligner le fait que cette histoire se déroule dans notre région: pourrions-nous faire une sortie afin de visiter la ville ? Pour savoir les origines et davantage d'informations pour mieux comprendre l'histoire. L'auteur a bien dû être obligé de se renseigner sur cet endroit pour écrire son histoire, et je pense que nous ne connaissons pas assez de chose en ce qui concerne notre région. - M... monsieur Anderson a raison. P... pour la semaine proch... chaine, vous me rédigerez un exp... posé sur la ville p... par groupe de d... deux, et il est interdit d... de s'aider de Wiki... pedia...
La classe pousse un soupir général, et j'ai un grand sourire.
- Euh, une dernière question, on peut choisir les groupes ?
- Oui.
- Alors je me mettrai avec Mélina Allard.
- Vous v... verrez cela av... vec elle. Vous p... pouvez choisir les groupes m... maintenant, mais faites v... vite. Je n'ai p... p... pas que ça à faire.
Les lycéens s'agitent dans la salle, et je me retourne précipitamment vers ma voisine de derrière tant que l'occasion se présente.
- Alors ? Je fais mes yeux de chien battu, et j'ai tout misé sur le regard, mais elle semble me bouder. Je continue mes supplications.
- Allez, tu me dois bien ça ! Je t'ai sauvé la vie !
- Chuut, pas si fort ! Et d'abord, ça n'excuse pas tout. Ne vas pas te croire tout permis juste parce que tu m'as empêchée de sauter que...
Mais alors qu'elle allait terminer sa phrase, son cahier glisse et atterrit sur le sol dans un fracas assourdissant. Gênée, Mélina se penche en avant pour le ramasser mais entraine sa trousse ainsi que toutes ses affaires qui tombent par terre. Toute la classe part dans un grand éclat de rire. Parce que nous sommes au lycée. Et que tout est bon pour se marrer. Alors, je fais un grand moulinet du bras droit et toutes mes affaires scolaires se mettent à voler par terre elles aussi. Puis je fais exprès de tomber de ma chaise et les lycéens rabattent leurs rires sur moi.
- Monsieur Anders... son, menace le professeur d'une voix loin d'être autoritaire, quand vous aurez f... f... fini de faire le pitre, v... veillez à vous trouvez un c... camarade pour l'exposé en v... vitesse.
Je me redresse sur ma chaise, tout sourire et très fier de moi. Le "pitre" ne fait que défendre les autres. Mais bon.
- Ok, je veux bien me mettre en groupe avec toi, murmure Mélina à mon oreille.
Je rayonne.

***

A la sortie des cours, je tombe sur Valentin Etienne et sa bande de nazes. L'année dernière, je me rappelle lui avoir mis une bonne raclée. Mais, aujourd'hui, je ne peux plus me permettre de me mettre dans un état second. Sous peine de recevoir de nouveaux surnoms, et de me retrouver une énième fois au conseil disciplinaire... avec un nouveau psy ! Alors que je l'adore, Monsieur Millet. Il me donne des sucettes à chaque fin d'entretiens. Ce qui fait presque un total de dix sucettes par semaine.
- Regardez qui voilà, c'est le fêlé ! Dis-moi, tu la trouves jolie Allard ? T'arrêtais pas de regarder son petit décolleté. Il me défie du regard, je suis bien obligé de faire pareil, non ? C'est un acte très mesquin.
- Oh, tu me touches droit au coeur Vava, mais je préfère encore regarder les fesses de la prof d'histoire.
- Et si j'allais lui dire ? T'en penses quoi, hein ?
- J'en pense que si t'étais pas un gros con, t'aurais peut-être jamais eu l'idée de faire ça, j'ai pas raison ?
- Oh, je vois que le petit intello à sa Môman nous prend par les sentiments ! - Oui, et j'en suis fier.
- Va te faire voir. T'aurais dû crever hier.
Calme toi, Adrien, calme toi. Ça ne sert à rien de s'énerver contre un naze comme lui. Il ne sait même pas combien font huit plus sept, à quoi bon essayer de parlementer avec un être qui a aussi peu d'humanité ?
Je décide de le laisser avoir le dernier mot puis de partir "sans autres formes de procès" comme aurait dit Jean de la Fontaine.

Ne me laisse pas tomberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant