4. Mélina

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Média: Mélina Allard.

Quatre-vingt seizième soirée seule.

Et voilà. Grâce à ma naïveté sans égale, je suis contrainte de faire un exposé avec Adrien Anderson. Vraiment, je m'applaudis. C'est de pire en pire... en rentrant chez moi, je dis bonjour à Sparadrap et au poster de Robert Pattinson, puis je consulte mes mails. J'en ai deux nouveaux: un de Léonie concernant un "magnifique petit haut pas trop cher" qu'elle me conseille pour renouveler un peu ma garde-robe. Je prends la décision de lui répondre en toute sincérité:

Non merci. Je n'aime porter des petits hauts en hiver.

Ça c'est fait. Ensuite, je jette un coup d'oeil furtif au deuxième mail, et j'en renverse mon chocolat chaud sur mon jean: ce sont mes ex parents. Ils osent m'adresser la parole après tout ce qu'ils m'ont fait. Cela me touche, mais me blesse en même temps. Je n'arrive pas à imaginer ce que se serait de revenir parmi eux puisque ça n'arrivera jamais.

Bonjour Mélina, c'est ta mère qui te parle. Sache que ton père n'est pas au courant de ce que je vais faire, et que lorsqu'il l'apprendra, il sera fou de rage mais... j'aimerais beaucoup que tu reviennes à la maison. Tu me manques terriblement, ma petite chérie. Je te pardonne pour tout ce que tu nous as dit, même si je sais que le plus important pour que cette dispute se termine enfin, c'est ton avis. C'est nous qui sommes le plus en tort. Nous considères-tu toujours comme tes parents ? Pour moi, tu es toujours ma petite fille, et je suis sûre que pour ton père aussi.

J'espère que tu me répondras.

Ta mère qui t'aime.

Tant d'amour me donne la berlue. Mais je dois pourtant me résoudre à admettre que j'en ai les larmes aux yeux. Toutes la tendresse qu'elle a mis dans ce mot me coupe le souffle. Si bien que je n'ose même pas rédiger une réponse. Au lieu de ça, j'éteins mon téléphone portable et je file chercher un mouchoir. Je pleurs quelques minutes dans la salle de bain, la porte fermée à clef pour ne pas que Sparadrap n'entre. C'est si triste d'y penser, mais mes parents me manquent... comme lorsque j'étais partie en classes de neiges en cinquième, et que je pouvais seulement les appeler le soir... ça me compresse la poitrine, et ça fait terriblement mal.
Enveloppée dans une serviette de bain, je parviens à allumer mon ordinateur avec pour objectif de me changer les idées. Je vais sur Facebook afin de trouver le compte d'Adrien Anderson. Et oui, je n'avais rien d'autre de plus idiot à faire... mais c'est seulement par curiosité. Et puis, dans la mesure où il aurait un compte, il posterait sûrement des choses drôles le connaissant tel que je l'ai connu. À quinze mètres de haut. Pour le trouver sur ce site interplanétaire, je n'ai pas grand chose à faire: son nom sur Facebook est exactement le même que dans la vraie vie, Adrien Anderson. Je n'ai pas eu beaucoup de recherches à faire.
Je me rends compte qu'il n'y a pas de photos postées sur son mur. Juste pour alimenter son profil, mais il est affreux sur celle-ci. Il ne sait sûrement pas se prendre en selfie, un peu comme moi. Il n'est peut-être pas photogénique, mais dans la réalité, il est plutôt agréable à regarder. Grand, fin, pâle, les yeux bleus très clairs et les cheveux châtains foncés. Il n'est vraiment pas musclé, mais j'ai toujours détesté les types taillés en V comme Vaniteux. C'est logique et philosophique. Généralement, ils ne se soucient pas vraiment de leurs copines et préfèrent en draguer d'autres. J'ai eu mon expérience privée avec Gaëtan, je me rappelle encore de la première fois où il m'a embrassée...

Il neigeait, et je m'amusais à prendre des photos des flocons de neige qui recouvraient peu à peu le sol en pierre de l'ancienne avenue. Oui, il neigeait au mois d'avril. Bienvenu au Nord-Pas-De-Calais ! Quand soudain, le voici qui apparaît, ses pas ne faisant pas le moindre bruit. Malgré sa carrure imposante, il était discret, doux et attentionné... l'idéal pour une fille comme moi ! Il s'approchait de plus en plus, et mon cœur se mît à battre à toute vitesse, comme une bombe à retardement. Il vint me chuchoter à l'oreille: << J'ai rêvé de toi, cette nuit >> et je lui répondis sans plus attendre: << moi aussi, tu m'as manqué aujourd'hui... >> son envoûtant parfum se mêlant au mien, créant une atmosphère déroutante pour moi. D'un simple geste, il se posta devant moi, les deux mains sur mes épaules. Je me languis de sa douceur: << j'aime un œil noir sous un sourcil d'ébène, sur un front blanc j'aime de noirs cheveux... >> ce début de poème de Charles Dovalle fait naître le feu en moi. C'est alors qu'il vint se pencher vers moi et je tendis les lèvres, impatiente. Un baiser doux et passionné à la fois, la braise, le plaisir, le désir, l'amour, tout ce mélange dans mon esprit embrumé. Le contact de ses lèvres est chaud, il guérit toutes mes blessures. Plus rien ne compte en cet instant que lui et moi, le temps semble s'être arrêté...

Et bla bla bla et bla bla bla. Jusqu'à ce que, deux jours plus tard, il ne me largue pour une certaine "Marie Je-sais-plus-quoi" et que je ne sombre dans la tristesse et le dénis... c'est terrible, non ? Me remémorer cette histoire ne fait qu'ouvrir un peu plus mes cicatrices, et je décide d'oublier. Une première idylle, c'est comme tout: ça s'évanouit au bon d'un moment, car toutes bonnes choses ont une fin. Même si la mienne a été vraiment très rapide, je l'admets... Comme tous les soirs, je me rends sur mon blog nommé La vie d'une fille triste et paumée qui a déjà dépassé les milles vues le mois dernier, et je note ceci:

Aujourd'hui, le 2 septembre 2016, je suis obligée d'admettre que rien ne va plus du tout dans ma vie. Le peu d'humanité qui me restait a été saccagé par des virus. Comme mon dernier ordinateur portable avec ce satané PC... je me suis même découverte un nouveau talent: je suis un vrai aimant à mecs. Un certain "Adrien" me colle au bask' depuis hier, et il m'énerve ! Il est bizarre, mal élevé, impoli, suicidaire et terriblement égoïste de temps en temps. Mais bon, parfois, c'est aussi un vrai ange gardien, quand il veut. Et ça y est, Gaëtan me reparle ! J'ai bien dit que c'était fini et que je ne voulais plus de lui, et je tiens bon. Sans difficultés d'ailleurs.

Inutile de parler de mes parents. C'est familial, et je veux que ce soit mon petit secret. D'ailleurs, je ne parle que de ce qui se passe au lycée. Ça ne sert à rien de préciser ce détail ennuyant !

Allez, c'est tout pour aujourd'hui les amis. Bisous de moi !
~ Mélina ~

Ne me laisse pas tomberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant