Chapitre 28

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Cassie s'agace elle-même en voulant mettre la main sur la pochette de cette photo de classe. Elle pense y avoir inscrit une liste avec le nom de ses « camarades de classe » et notamment celui dont elle a brulé le visage. Mais c'est peu probable, si elle l'a fait carrément disparaitre de la photo, il ne sera sûrement plus inscrit dans la liste. Inutile donc d'aller plus loin. Cassie ne se reconnait pas dans ce geste, elle n'est pas le genre de fille à regretter aussi amèrement les choses ou les personnes comme ici. Ce pouvait-il que ce soit Drew qui ai fait ça ou John ? Par exemple, lors de leurs nombreuses retrouvailles chez elle où ils parlaient des gens du lycée en disant qui ils détestaient et se moquaient de certains d'entre eux. Cette personne en fait partie c'est certain.

Avant de fermer le carton, elle rangea soigneuse- ment tous les livres et feuilles qu'elle a énergiquement étalées sur toute la surface disponible que présente le grenier. C'est dingue tous ce que l'on peut accumuler comme documents, qui d'ailleurs ne nous servent strictement à rien. Seulement à garder en souvenir, pour se rappeler des moments vécus, des sensations et émotions ressenties qui s'effaceront malgré nous de notre mémoire au fur et à mesure que le temps passe. Cassie saisie brusquement un de ses anciens journaux intimes. Tiens, elle avait oublié qu'elle en tenait quelques-uns, mais en y repensant elle se souvient que petite, quand elle parvenu à l'âge où l'on commence tout juste à écrire, elle s'exerçait à livrer sa pensée. Rien ne sert à relire ces vieux journaux d'au moins dix ans, mais pourtant l'envie lui prit. Elle en saisit un qui semble moins abimé et plus récent que les autres, et ne pur s'empêcher de l'ouvrir. Sur la première page y a inscrit un mot, celui-ci est rayé mais on parvient tout de même à le lire, il s'agit d'un prénom celui d'un garçon entouré d'un cœur à peine visible. Soudain, tout fini par s'éclairer dans son esprit, elle passa de l'obscurité à la lumière. Cela fut à la fois d'une rapidité extrême et d'une violence inouïe. Mais comment a-t-elle put être aussi aveugle ? Le choc fut terrible et l'entraîna à nouveau dans un malaise semi-consciente. Des images défilèrent, le rêve fut parmi elles, elle comprit enfin son sens. Malheureusement son cerveau ne put soutenir le rythme et la plongea dans un long sommeil. Le reste de son corps tomba sur le sol créant un bruit sourd qui résonna dans la maison.

Quand elle se réveilla c'est le visage de son père qu'elle vit en premier. Malgré son état à elle, c'est lui qui n'a pas l'air bien. Il a l'air très soucieux, et le regard sans vie. C'est alors qu'elle prit conscience du décor et compris qu'elle est à nouveau enfermée entre les quatre murs de la chambre d'hôpital. « Génial, retour à la case départ » se dit-elle en repensant à son malaise au début de l'année.

– Comment te sens-tu ? demanda son père la coupant dans ses pensées.

– Euh, ça va dit-elle d'une voix rauque et mal assurée. Que fallait-elle qu'elle dise ? Qu'elle a tout compris à leur jeu ? Dans un dernier élan, elle parvint à demander d'une voix plus éclaircie : où est maman ?

– Elle revient bientôt, c'est mon tour de relève ironisa-t-il. Mais ses mots prennent tout son sens dans la tête de Cassie. Les souvenirs sont pour la plupart tous revenus dans sa mémoire.

Tout commença, deux ans plus tôt avant leur départ à Manchester. Sa grand-mère paternelle Micheline décédée leur légua la maison qu'elle avait à Manchester. C'est pour cette raison majeure qu'ils sont allés y vivre. La grand-mère de John lui a souvent rappelé la sienne. Elle se souvient enfin de la raison du départ de son grand-père paternel disparu peu de temps après la mort de sa femme. Celui-ci avant de partir emmena un après-midi de beau temps Cassie se balader afin de la prévenir. Elle se souvient de ses paroles et de ses yeux emplis de larmes lorsqu'il lui parla. Elle tenait tellement à lui, mais elle n'a plus aucun moyen pour le retrouver. Sa fuite fut donc rapide et secrète, il n'avait rien à perdre. Cassie l'avait appris à l'issu de sa conversation avec lui où elle tenta plutôt deux fois qu'une de le raisonner. Son âme-sœur, sa « protectrice » comme il le disait souvent n'était plus parmi eux, il prit donc la décision de partir loin de tous. Il ne pouvait supporter vivre sans elle. Sa mère a souvent insisté auprès de lui pour qu'il vienne vivre à Manchester avec eux. Mais il en était hors de question pour lui. L'idée de vivre dans leur ancienne maison, celle qu'ils avaient eue quand ils n'étaient encore qu'un jeune couple lui était insupportable. C'est ainsi qu'il filât du jour au lendemain, sans avertir personne uniquement son unique petite fille Cassie, qui garda ce secret bien enfoui dans sa mémoire. La déchirure fut terrible, elle venait de perdre ses deux grands-parents, et c'est comme si elle le réalisait uniquement maintenant, après deux ans.

Durant un an, après leur arrivée à Manchester Cassie et ses parents rénovèrent la maison de fond en comble. Au revoir les tapisseries noircies, et la moquette tachée par le temps. Cassie se voile à nouveau la face. Durant ce malaise elle apprit quelque chose d'encore plus troublant que la raison de la disparition de son grand-père. En effet, elle crut comprendre que ses parents sont divorcés depuis un an. Impossible ! Comment cela peut être possible ? Ils filent le parfaite amour, elle le voit à chaque fois que son père rentre du travail. Ils n'auraient tout de même pas joué la comédie ? Non.

Un autre chose resta très flou : elle se vit en possession de ses pouvoirs dans des situations qui ne lui revenaient pas en mémoire. Cela semblait correspondre à un autre temps. Elle se vit à la biblio- thèque, réaliser un sort pour rechercher un livre, mais ce fut un énorme échec car entraîna un à un les livres de l'étagère comme un domino. Cassie fit semblant d'avoir la main enfoncée dans la lignée de livre en question pour faire comprendre à la bibliothécaire le côté rationnel de la situation et non surnaturelle. Elle comprit alors qu'elle n'est pas en pleine possession de son esprit, et en cela elle parler de sa mémoire. Toute une année lui avait été effacée.

Puis, lui, Théo. Enfin elle a son visage en mémoire, il n'est ni flouté, ni noirci. Elle s'en veut tellement. Ce rêve lui paraissait si irréel qu'elle ne put comprendre le vrai impact qu'il devait avoir sur elle. Elle aurait dû dès le troisième jour se douter qu'il était là pour quelque chose. Les lettres voilà sur quoi elle aurait dû se fier. À chaque cauchemar, une lettre apparaissait. Si seule-ment, elle les avait inscrites quelque part à la suite, elle aurait obtenu la réponse tant attendu : THEO. Voilà le nom du garçon qui hantait ses rêves. Rien à voir avec Hugo qui pourtant lui ressemble énormément. Elle peut enfin le décrire convenablement : cheveux châtain foncé, yeux d'un bleu incroyable presque vert-jaune très clair, son regard est profond. Il n'a pas l'air d'avoir froid aux yeux, même un peu trop sûr de lui. Seulement son regard est tout autre quand il la regarde elle, Cassie.

Quand sa mère entra dans la chambre, elle se retourna rapidement vers la grande fenêtre dont on avait rabaissé le volet. Elle ne veut pas la voir, pas encore. Il faut qu'elle prenne son temps pour enregistrer toutes ces informations, l'une après l'autre. Cela lui provoque une souffrance étrange, elle sent qu'elle n'aurait jamais dû oublier tout cela. Mais alors pourquoi se retrouve-t-elle dans cette étape de re-mémorisation ? Que s'est-il passé ? Des larmes lui coulent désormais au visage et brouillent sa vue. Elle revit quelques images d'eux deux, mais c'était comme revoir un film.

C'est ainsi qu'elle comprit que Théo ne sera plus qu'une image, un lointain souvenir. Un rêve ayant perturbé ses nuits, son sommeil, ses résultats, son moral, ses attitudes et ses réactions, bref sa vie. Elle ne pourra jamais reprendre toutes ses capacités mentales et rattraper tous ses souvenirs. Bizarrement, elle tenta de ressentir un semblant d'émotion, leur amour avait l'air telle- ment fort et passionnel. Il faut qu'elle parle à John et Drew. Que savent-ils de tout cela ? 

Dream Remembers (En cours d'impression par Editeur)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant