Des cris de douleur résonnaient dans la nuit sans lune. Des pleurs aussi.
La seule source de lumière provenait du gigantesque brasier qui teintait la forêt de rouge sang. L'air nocturne était entrecoupé de grognements à peine humains et tout était imprégné d'une odeur de mort et de désolation.
Une silhouette sombre et solitaire se tenait nonchalamment sur une colline surplombant le désastre. De loin, on aurait juré qu'il s'agissait d'un homme mais plus on s'approchait, plus les contours de la chose se floutaient et des lambeaux de fumée ondulaient autour d'elle, comme des vêtements.
La créature prit une profonde inspiration, semblant se délecter de toute cette destruction. Un hurlement particulièrement proche lui fit ouvrir les yeux -d'une teinte d'or plutôt déroutante- et observer avec une certaine curiosité qui avait osé le sortir aussi brusquement de ses pensées.
C'était une jeune femme d'une vingtaine d'années, couverte de sang des pieds à la tête. Elle tituba et s'écrasa aux pieds de l'Ombre. Le mystérieux personnage ne cilla pas et s'accroupit pour pouvoir observer la mourante plus aisément.
Les blessures et l'expression de douleur intense déformant ses traits n'entachaient en rien la somptueuse beauté de la jeune femme. Ses traits fins et sa peau mate étaient délicatement entourés d'une masse de boucles chocolat ébouriffées par le combat, lui conférant une allure sauvage. Ses yeux d'un vert très particulier, en amande, fixèrent l'ombre avec un mélange de terreur, de haine à l'état pur et de résignation.
La créature avait toujours adoré le regard des mourants. Et l'étincelle de lucidité dans leurs prunelles lorsqu'ils s'apercevait qu'ils allaient mourir était tout simplement délicieuse.
Il laissa son regard errer sur la jeune femme. Elle était vêtue d'une courte tunique militaire la laissant libre de ses mouvements et serrait un grand arc sculpté entre ses doigts ensanglantés. Un carquois de cuir était également accroché à son épaule. La tunique était déchirée au niveau de la poitrine mais à l'endroit où aurait dû se trouver le sein gauche de la jeune femme, il n'y avait plus qu'un amas de cicatrices. La mourante suivit la direction du regard de l'ombre.
-Il faut bien faire des sacrifices pour tirer correctement à l'arc, murmura-t-elle d'une voix hachée. Alors? Vous êtes heureux je suppose? Vous nous avez pourtant détruites, non?
Un rire amer secoua la poitrine de la mourante mais se transforma en violente quinte de toux.
-Eh bien, dit-elle d'une voix rauque, bravo. Mais vous ne l'emporterez pas au paradis. Je vous maudis, vous et vos sbires! Je vous maudis, monstre...
La jeune femme fut secouée par les derniers frissons de l'agonie. Son regard autrefois limpide se voila et devint vitreux. Le "monstre" passa doucement un doigt sur la joue de la défunte, presque avec tendresse. Il se redressa, un sourire sardonique aux lèvres.
La Conquête avait commencé.
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Chroniques du Crépuscule
FantasyQue se passerait-t-il si les hommes étaient séparés des femmes? Pire, s'ils se haïssaient? Impossible, n'est-ce pas? Et pourtant, dans un monde étrange où les esprits totem se mêlent à la magie, c'est la réalité. Tout les oppose. Les femmes ont créé...