7. La Pythie

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LUNA

Je sentis l'angoisse monter et crisper mes muscles endoloris. La Pythie! Il ne manquait plus que ça...

Le claquement de mes bottes de combat sur le sol moussu de l'Arbre me rassurait un peu. J'aimais bien ce son: régulier et sonore, il suffisait de se concentrer sur sa cadence pour se vider un peu l'esprit.

Je soupirai.

Me vider l'esprit... J'en aurais bien besoin avec ces événements tous plus inquiétants les uns que les autres: l'Ombre, mon malaise dans les sous-sols de l'Amphithéâtre et maintenant le premier réveil de cet oiseau de mauvais augure depuis des siècles! J'étais chanceuse, aucun doute là-dessus...

Le sol -ou devrais-je dire la branche- devenait de plus en plus pentu au fur et à mesure que je m'enfonçais dans l'énorme tronc de l'Arbre. Le bois était noirâtre et flétri, comme des membres rabougris et squelettiques. Les rameaux sombres se rejoignaient au-dessus de ma tête, formant une voûte d'ébène inquiétante et sinistre.

Je m'avançais prudemment dans la partie la plus sombre et ancienne de l'Arbre, rongée par l'humidité et à l'abandon. Le silence était quasi-complet, mis à part le son de mes pas et celui des gouttes d'eau s'écrasant à intervalles réguliers sur le sol moussu.

Soudain, je me figeai.

Devant moi, sur une branche pourrie, était cloué le cadavre sanglant et purulent d'un petit animal.

Je m'approchai, le cœur au bord des lèvres.

C'était une chouette effraie.

Son visage blanc en forme de cœur était maculé de taches couleur rouille et ses deux ailes cruellement fixées sur le bois à l'aide de clous tordus et noirâtres. Mais le plus terrible, c'étaient ses grands yeux noirs, vides, écarquillés devant la Mort.

En essayant de contenir la nausée qui montait à la vue de cet immonde spectacle, je continuai ma route vers l'antre de la Pythie, écartant les brindilles crochues qui tentaient vicieusement de me griffer le visage.

Quelques mètres plus loin, une brume mystérieuse se leva, floutant les contours de chaque objet et plongeant l'endroit dans une atmosphère irréelle. Je reniflai doucement cette fumée suspecte: pas de doute, c'était de l'encens.

J'inspirai profondément cette senteur riche, capiteuse et quelque peu écœurante qui imprégnait l'air. Elle me monta immédiatement à la tête et je sentis le monde tourner autour de moi. Avec une grimace de dégoût, je me raccrochai à une branche visqueuse pour ne pas tomber. Je restai quelques secondes dans cette position le temps de retrouver l'usage de mes jambes, et prenant mon courage à deux mains, je poursuivis mon chemin vers ce qui me semble être le repaire du Diable.

"Il fait froid"

C'est tout ce qui me venait à l'esprit, trop frissonnante pour penser à autre chose. La nuit commençait à tomber et les dernières lueurs orangées disparaissaient derrière les troncs flétris, laissant place à un début d'obscurité peu encourageant. Il fallait que je dépêche si je ne voulais pas me retrouver seule dans cette forêt et dans le noir en plus. Je ne pus retenir un spasme de terreur à cette perspective.

Je détestais l'obscurité.

Pour l'énième fois, je jetai un coup d'œil reconnaissant à la Lune qui semblait poser un regard bienveillant sur moi de là-haut. Au moins elle s'occupait d'éclairer un peu mon chemin... Cette pensée me réconforta quelque peu.

Un rayon lunaire dirigea soudain mon regard vers une haute porte en obsidienne gravée de runes mystérieuses. Je soupirai.

Nous y voilà.

Chroniques du CrépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant