6. Dans la gueule du loup

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ARK

Les acclamations rythmées de la foule me parvenaient par vagues dans l'air frais du soir, accompagnées par la clameur des boucliers s'entrechoquant avec violence. Je pris une grande inspiration et humidifiai mes lèvres d'un geste machinal.

J'étais nerveux, comme toujours avant un discours.

Mon regard d'obsidienne se posa sur l'épais rideau de velours rouge, qui prenait une teinte de sang dans la lumière chaude et tamisée du crépuscule. C'était le dernier rempart entre mon peuple et moi.

Doucement, je sentis l'adrénaline m'envahir, comme avant chacun de mes combats. Je détendis lentement mes traits crispés par le stress et je les remplaçai par une moue décidée -et un peu arrogante, il faut l'avouer.

Mon masque.

Cette capacité étonnante de contrôler mes émotions m'avait été très utile dans mon ascension vers le pouvoir. Si ton ennemi ne sait pas ce que tu penses, alors tu as une longueur d'avance sur lui. Mon "armure" sans faille dissimulait mes faiblesses et mes peurs. Après tout, un chef faible, ce n'était pas un chef.

Je ricanai en pensant à tous ces imbéciles jaloux qui convoitaient mon poste. Ils ne comprenaient pas qu'être à la tête d'un peuple est un fardeau bien lourd à porter.

Vous voulez le pouvoir? Très bien, mais soyez prêts à tous les sacrifices. A partir du moment où vous êtes le maître, vous n'avez plus une once d'humanité. Vos désirs, vos rêves, vos exigences personnelles n'ont aucune importance: c'est le prix de cette omnipotence tant convoitée.

Soudain, le rideau s'écarta, me tirant de mes réflexions. Jack me sourit, plus blond et rayonnant que jamais.

- C'est bientôt à toi!

- Je sais. Tu peux annoncer mon arrivée.

- À vos ordres!

Avec un clin d'œil malicieux, Jack laissa tomber le rideau, qui ondula quelques instants avant de se figer.

Me préparant mentalement à ce qui allait suivre, je passai la main dans mes cheveux sombres, d'un geste machinal et instinctif.

Un cor résonna soudain dans la clameur de la foule, qui s'apaisa instantanément. Le son grave et puissant vibra dans ma poitrine, Et se propagea dans tout mon corps.

- Notre maître et chef à tous, le général Ark d'Aarmeer, nous fait l'honneur de sa présence. Accueillez-le comme il se doit.

J'écartai brusquement le rideau et m'avançai d'un pas martial sur l'estrade, sous les acclamations de mon peuple. D'un pas agile et assuré, je montai sur l'énorme rocher couleur cuivre qui domine le camp. Je me redressai lentement, jugeant de mes iris noires comme la nuit la foule grouillant à mes pieds. Plusieurs soldats baissèrent les yeux sous le feu sombre de mon regard. J'attendis quelques instants que le silence se fasse complet tout en savourant l'attention totale qui m'est adressée.

A cet instant, je les dominais tous, moi, Ark, juché sur le rocher sacré de la Déesse-mère.

- Je vous salue, fidèles soldats...

Ma voix brisa le silence presque mystique qui s'est emparé d'Aarmeer. Elle était rauque, grave, et porteuse d'un charisme certain.

- Je suis ici pour vous annoncer une décision très importante, qui va en révolter plus d'un, mais sachez que je l'ai prise pour Aarmeer, et pour elle seule. Je vais être bref: je ne vous priverai pas longtemps des charmes de votre chope de bière.

L'auditoire éclata d'un rire gras, amusé. J'esquissai mon célèbre sourire en coin, en constatant que je les avais envoûtés, une fois de plus. Bien, maintenant qu'ils étaient détendus, j'allais pouvoir attaquer les choses sérieuses.

Chroniques du CrépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant