2. Seul

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ARK

Le vent soufflait, taquin, semblant prendre un malin plaisir à décoiffer mes cheveux sombres. Il s'insinuait dans les moindres interstices de ma tunique, me faisant frissonner.

Je me recroquevillai et repliai mes genoux sur ma poitrine pour gagner un peu de chaleur. Mais rien n'y faisait. La brise se faisait de plus en plus violente et je décidai de me redresser, agacé.

Mes yeux d'onyx scrutèrent l'obscure clarté des étoiles, et se fondirent dans la noirceur de la nuit.

Je soupirai.

Cela faisait longtemps que je ne me sentais pas aussi calme et rêveur. Je ricanai, me moquant de moi-même. Rêveur? Moi? Le monde tournait vraiment à l'envers ce soir.

Je me levai et commençai à faire les cent pas autour du foyer rougeoyant.

Mes bottes, aussi sombres que le reste de mes vêtements, laissaient des traces sur le sol encore souillé de la poussière et du sang du combat.

J'observai pensivement la trace couleur rubis sur le cuir de mes chaussures. La torture était nécessaire pour faire chanter mes ennemis. Tout comme la solitude était une obligation lorsque l'on est au pouvoir. Seul... Depuis que j'avais ouvert pour la première fois les yeux sur ce monde traître, depuis que j'avais tué de sang-froid, depuis que je commandais ici, j'étais seul.

Solitaire, mais puissant. Voilà le choix que j'avais fait.

Un étrange grésillement résonna soudain dans la nuit. Je me figeai et j'observai nerveusement les alentours avant de baisser les yeux. Une braise à moitié écrasée par ma botte émettait un fin filet de fumée.

Je soupirai une nouvelle fois, agacé par ma paranoïa.

Parfois, dans des moments comme celui-ci, où je me sentais triste et vulnérable, je doutais. Je me demandais si plusieurs personnes à la tête d'Aarmeer, ce ne serait pas mieux. Moins de responsabilités et d'espoirs, posées comme une chape de plomb sur les frêles épaules d'une seule personne.

Mais je songeai à la sensation grisante du pouvoir, et mes doutes s'évanouirent. Je ne pouvais pas vivre sans cela. C'était ma raison de vivre, mon seul but.

Et puis, ce serait le chaos! Guerres intestines, assassinats tous plus sordides les uns que les autres pour ramasser quelques pauvres miettes de pouvoir, s'entre tuer pour pouvoir décider de son misérable sort. Au moins, dans notre système, nous savions qui commandait. Nos décisions étaient simples et efficaces, et nous ne perdions pas de temps en futiles débats.

Vaincu par la lassitude, je finis par m'affaisser devant le foyer, dont la chaleur me réconforta un peu. J'aimais observer le feu. Il était toujours changeant, hypnotise presque les pupilles.

Au fond, je pense qu'il me ressemble. Le feu peut être chaleureux de loin, mais si quelqu'un ose s'approcher trop près de lui, il le brûle sans pitié.

Trop occupé à admirer les flammes se mouvoir avec grâce, je ne remarquai pas l'imposante silhouette derrière moi.

-Ark!

Je sursautai vivement, et bondis sur mes pieds, la main sur le pommeau de ma fidèle épée. A la vue des traits de mon adversaire, je me détendis légèrement.

-Herran, quel plaisir de te voir, je déclarai de mon ton le plus sarcastique.

Le grand brun à la crinière bouclée me fixa, imperturbable.

-J'étais simplement venu te voir, tu avais ta tête des mauvais jours.

La voix profonde de mon ami se teinta d'une pointe de colère.

Chroniques du CrépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant