LUNA
J'étouffais.
L'air était lourd, humide, chargé d'orage. Il s'infiltrait dans mes poumons et m'alourdissait de plus en plus, comme si je me changeais lentement en statue de sel.
Je suis sûre que vous avez déjà connu des nuits d'été comme celles-ci. Vous aviez sûrement été écrasés par la chaleur, écrasés par vos pensées qui ne vous laissaient pas en paix, étouffés par les draps qui s'enroulaient sournoisement autour de vous.
Alors vous vous démeniez, vous rouliez d'un côté, puis de l'autre, vous vous installiez sur le ventre, le dos ou sur le côté. Vous essayiez de faire le vide dans votre esprit, de penser à quelque chose d'agréable pour vous endormir.
Mais rien n'y faisait.
Vous vous sentiez toujours aussi asphyxiés, et votre recherche du sommeil était vouée à l'échec.
Oui, c'était exactement le type de nuit qui était en train de m'étouffer en ce moment.
Alors, quand ça m'arrivait, je faisais toujours la même chose, comme lorsque j'étais petite.
Je sortais.
D'un bond, je me libérai de mes couvertures, et enfilai une tunique par-dessus ma chemise de nuit. Je jetai un coup d'œil à Clairdelune, qui resplendissait sur ma table de chevet.
Un soupir m'échappa. Je saisis mon épée, et sortis par la fenêtre de mon cocon.
***
Je courais sur la large branche couverte de mousse, de plus en plus haut. J'escaladais le tronc en me servant des aspérités du bois, faisant corps avec l'Arbre Père.
Bientôt, l'épais feuillage devint plus clairsemé, laissant entrevoir la splendeur du ciel nocturne.
Un dernier effort, et je trouvai mon refuge, le même depuis toujours.
A cet endroit, le bois sombre s'enroulait en un noeud en forme d'étoile, deux fois plus grand que moi. Les branchages formaient une sorte de voûte incomplète, laissant une vue imprenable sur le ciel et la lune.
Je m'y affalai, haletante.
J'avais découvert cet endroit à onze lunes, lors d'une de mes nombreuses insomnies. Depuis je venais là à chaque fois qu'il m'était impossible de dormir.
Il fallait que je réfléchisse.
L'Aarmeerien. Lui. L'immonde cancrelat qui s'était infiltré à Crépuscule. Mon seul rival en escrime. L'incompréhensible cafard qui m'avait affronté en voulant me tuer et qui, le lendemain, nous demandait la paix, la bouche en cœur. Ma seule satisfaction était que la geôlière, plus proche d'une montagne que d'un être humain, lui en avait fait voir de toutes les couleurs.
Je ricanai à cette idée.
Malheureusement, j'étais loin d'être idiote, contrairement à une certaine rousse. Parce qu'il y avait la Prophétie... La coïncidence était bien trop grande. L'allusion au camp des mâles dans les vers et leur subite proposition étaient liées, je le savais. En temps normal, j'aurais renvoyé le général chez lui avec une ou deux oreilles en moins, mais là...
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Chroniques du Crépuscule
FantastikQue se passerait-t-il si les hommes étaient séparés des femmes? Pire, s'ils se haïssaient? Impossible, n'est-ce pas? Et pourtant, dans un monde étrange où les esprits totem se mêlent à la magie, c'est la réalité. Tout les oppose. Les femmes ont créé...