Chapitre XIV - Celui où je pars ...

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Grâce à mon comportement exemplaire, bon d'accord disons plutôt que je me suis tenu à carreau, et à mes pouvoirs, qui, grâce à la pierre, ne débordaient plus, je n'ai plus eu le moindre problème scolaire, du moins concernant les cours de magie. Ce qui n'était pas le cas de Kaïa. Sa mise à l'épreuve se prolongea après quelques impertinences auprès de notre nouvelle enseignante. Et Solveig avait divulgué quelques affaires embarrassantes sur la famille royale, qui faisait que les Blanktest étaient désormais mal vus à la cour. Ce qui faisait hurler Nils, qui eut le droit à des remontrances de la part de sa sœur, la reine Karita. Mon amie était sous la menace d'un renvoi imminent et sa mère d'un bannissement ce qui était loin de me plaire car alors je devrais lui dire adieux. Fin octobre s'approchait et annonçait une bonne nouvelle : un voyage à Barcelia.

Comme chaque année, tous les élèves des cités se réunissaient dans l'une d'entre elles pour une semaine. Du moins tous les élèves des écoles de prestiges, comme la mienne. Cette année, c'était la sublime la merveilleuse, la grandiose, je m'arrête là avec les superlatifs, Barcelia. J'avais entendu dire que c'était une ville d'une grande beauté, avec un petit côté sauvage. Et tous les films tournés là-bas m'avaient aussi renvoyé cette image. De plus, vous ne pouviez comprendre l'attrait qu'avait pour nous la cité. C'était un peu le centre du monde à nos yeux, la cité qui accueillait régulièrement le conseil des fées, celle qui s'occupait des différends entre les autres cités, celle que les autres adoraient ou jalousaient, celle des Carignan. Les Carignan qui étaient la seule famille de fondateurs encore au pouvoir, la seule famille régnante qui l'était depuis la création des cités. Toutes les cités avaient changé plusieurs fois de monarchie, parfois même de régime politique. Les Carignan étaient eux au pouvoir depuis quinze siècles, sans que le peuple barcelianais ne s'en lasse. Et c'était la cité de Camilo le grand. Le seul fondateur dont tout le monde, dans chaque cité, ne disait que du bien. Il était le plus puissant des douze, le meilleur stratège, le meilleur chef, le meilleur roi. C'était un saint pour nous. Il avait uni les fondateurs, tenu tête aux fées, vaincu les démons, protégé le peuple magique au prix d'immenses sacrifices. C'était en tout cas ce qu'on nous apprenait depuis notre enfance. Les autres fondateurs étaient tombés dans l'oubli ou détestés, mais pas Camilo. Il était censé être un modèle pour chacun d'entre nous. Et à Barcelia c'était presque un Dieu. Certes, aujourd'hui, je peux vous dire qu'il ne le mérite absolument pas, c'était un goujat, misogyne, arrogant, manipulateur qui ne pensait qu'à sa gloire, ne se préoccupait pas de faire souffrir les autres et un père de famille odieux et le pire c'est que les Carignan en étaient conscients mais continuaient de le glorifier par tradition. Mais à l'époque, j'ignorais tout de cet aspect de Camilo alors revenons-en à ma sortie.

Nous étions donc tous très excités. Peu de gens y était allé dans ma classe, par contre, parmi mes proches, j'étais le seul à ne jamais y avoir mis les pieds. Kaïa avec toute sa famille y était allée régulièrement, son père ayant été un ami d'enfance d'Yves, le cousin de la Grande reine. Nicolas y avait accompagné Christophe à quelques reprises. Olivia m'expliqua aussi qu'elle y était allée quelques fois, avec la reine Claire, mais les relations entre nos deux cités n'étant pas si exceptionnelles, cela restait rare qu'un membre de la famille royal s'y rende. Les adultes en général d'ailleurs nous racontaient leurs souvenirs de leur propre voyage scolaire à Barcelia avec plaisir. Mais bon, ce n'est pas cela qui m'enthousiasmait, chaque année ils nous sortaient le même discours, quelle que soit la cité. Mes amis furent plus mitigés, par patriotisme ils trouvèrent des tas de défauts à Barcelia. Pourtant je voulais plus que jamais y aller et la découvrir. C'était la cité d'où venait mon père après tout. J'y avais mes origines. La pierre elle-même était très enthousiaste. Elle rentrait à la maison, après tout ce temps passé loin d'elle. Et elle me décrivit Barcelia avec plaisir, vantant toutes ses qualités. Je me demandais vaguement comment une pierre pouvait voir. Mais après tout, était-ce plus étrange qu'une pierre qui parle ? Quand je lui demandais pourquoi mon père n'y était jamais retourné ou n'avait même pas fait signe à sa famille pour les rassurer, elle se contentait de me dire qu'il ne pouvait pas. Si je voulais plus de détails, elle se contentait en général de faire la sourde oreille. Mais parfois, elle s'emportait contre mon père qui n'écoutait que lui-même et se montrait très égoïste. Étrangement, cela me fit penser à Camille et me rendait bien triste.

La pierre des mersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant