Wendy

Jour 95

Depuis que je lui avais posé des questions, je n'avais point revu Annie, et me semble-t-il, personne d'autre ici ne l'avait croisée. Je m'inquiétais pour elle et voulais savoir si elle allait bien, la dernière page que j'avais lu de son journal était vraiment horrible, à tel point que des larmes avaient coulé le long de mes joues sans que je ne puisse me contrôler d'une quelconque manière. L'attente était longue, les journées aussi, car même avec Toby qui était fortement divertissant, je m'ennuyais rapidement et me perdais aisément dans mes pensées.

Alors que je faisais tourner sans cesse une brindille dans mes doigts gelés, une jeune fille attira mon attention, elle avait de longs cheveux blonds qui descendaient jusqu'à sa taille, ils étaient si lisse que l'on avait envie de plonger ses doigts dedans, même si actuellement ils semblaient fortement abîmés par les traitements vécu. Elle possédait aussi de magnifiques yeux d'un bleu éclatant qui au final était semblable au mien. Son petit nez retroussé laissait place à une jolie bouche d'un rouge vermeil qui contrastait avec la pâleur de son visage fin. En retraçant le temps que j'avais passé ici, je ne l'avais jamais vu assise ailleurs que sur le portant de la fenêtre, son regard perdu dans le vague, comme si parmi l'immensité de la forêt adjacente à l'asile elle cherchait quelqu'un ou quelque chose. Elle avait commencé à s'agiter sur sa fenêtre, je décidai d'aller lui parler pour savoir ce qu'elle semblait rechercher avec tant d'ardeur. Ma voix la tira de sa contemplation et elle tourna son regard bleu dans ma direction:

-Salut, moi c'est Wendy!

-Je m'appelle Alice.

Ce nom m'évoqua vaguement quelque chose, mais je n'aurai su dire quoi. Je tirais une chaise et m'assis à ses côtés.

-Que regardes-tu par la fenêtre?

-Tout, rien.

Ses réponses me paraissaient fortement vagues mais je continuais tout de même, mes attentes étant un peu plus hautes.

-Tu cherches quelqu'un, non?

Elle me sourit.

-Oui, je cherche la lapin blanc, il passe souvent à cette heure parmi les bosquet, sa montre à la main se dépêchant car il est en retard.

Un lapin avec une montre? Cette jeune fille était étrange.

-Pourquoi es-tu là?

Je me posais sincèrement la question, car même si son histoire de lapin blanc était pure folie, elle ne me semblait pas si aliénée que ça. De plus, avec une famille aimante et attentionnée, je ne voyais pas le soucis de faire abstraction de propos pouvant paraître quelque peu délirants.

-Parce que ma mère m'a conduite ici. Elle ne voulait pas me croire, pourtant le Pays Des Merveilles existe! J'y suis allée!

Je fronçai les sourcils.

-Le Pays des Merveilles?

-Oui, c'est le lapin blanc qui m'y a conduit. Je le suivais, car je ne trouvais nullement ça courant de voir un lapin avec une montre... et je me suis retrouvée entraînée dans un monde extraordinaire dirigé par une femme horrible: La Reine Rouge. Elle coupait la tête de tout le monde, elle avait même fait exécuté son mari et elle menaçait tout le monde. Elle était réellement crainte partout dans ce qu'elle considérait comme son royaume. Et toi, qu'est-ce que tu fais là?

Nous discutâmes durant un long moment, parlant de nos visites respectives dans ces lieux dont nous voulions faire découvrir la beauté, cependant nos dires étaient traités comme de futiles affabulations.

Cette journée me parut bien plus courte que les précédentes, car même si visiblement Annie et moi possédions des chemins intimement liés, je ne pouvais pas réellement discuter avec elle, Alice et moi avions de nombreux points communs. De plus elle était vraiment fort gentille et nous pouvions ainsi nous plaindre de Madame Shane et du Docteur Griffins qui l'horripilait elle aussi.