No One Will Know || chanhun

Huit

/!\ injury warning /!\

Le soleil. Je ne le voyais pas mais je devinais qu'il était là. Je voyais mes paupières avec cette couleur rose, que je n'avais pas la force d'ouvrir. Contractant légèrement mes doigts dans un réflexe, je constatai que ma main enserrait toujours celle de Chanyeol. En reprenant un peu conscience de mon corps, je ressentis de nouveau mes terminaisons nerveuses, pas de la meilleure manière, certes. En effet, je sentais ma peau brûlée par le sel en masse, le sable et le soleil. Je retrouvai progressivement mon ouïe et pus alors entendre l'écume traîner derrière et toucher le bout de mes pieds.

Mon corps était tout endolori, je sentais les cristaux de sel et de sable s'incruster dans ma peau, avec l'impression que le moindre mouvement allait m'ourvrir le ventre tant ma peau me brûlait. Je tentai dans un grand effort de lever mes paupières mais celles-ci étaient piégées dans le sel, scellant mes yeux clos. Avais-je mentionné que cette mer était l'une de celles qui possédaient les taux de salinité les plus élevés? Laisser sécher de l'eau telle que celle-ci sur la peau était très dangereux, car le sel brûlait l'épiderme et cela pouvait très mal se finir si l'on ne nettoyait pas tout cela au plus vite avec de l'eau claire. Je pouvais entendre Chanyeol geindre à quelques dizaines de centimètres, il devait avoir aussi mal que moi. Sans ouvrir les yeux, je lâchai sa main et tentai de me relever ce que je parvins à faire en ignorant la sensation de brûlure qui me couvrait entièrement le dos, puis à me poster sur mes jambes légèrement tremblantes. Il fallait que je rince mes yeux et que j'apporte de quoi nettoyer le sel incrusté sur nos corps.

Soudain, je fus pris de panique. Et si nos affaires étaient perdues, emportées par les eaux? Non, impossible, je me souvins les avoir posées assez loin, et la marée ne pouvait pas monter aussi haut, peu importe les baïnes. À tâtons, je trouvai le dos de Chanyeol qui se mit aussitôt à gémir de douleur. Je ne comprenais pas, lui qui était si insensible à tout, comment pouvait-il se tordre de douleur alors que moi n'avais pas bronché une seule fois. Il a sûrement dû se faire mal autre part, mais vraiment mal.

-Sehun... Ma jambe...

-Qu'est-ce qu'elle a ta jambe, Channie? m'inquiétais-je.

-Sors la de l'eau... Éloigne moi de l'eau...

Je tentai de le rassurer mais moi-même, j'ignorais ce qui se passait. Il fallait à tout prix que je me lave les yeux. À l'aveugle, je trouvai sa jambe et du mieux que je le pus sans lui faire mal, je la soulevai de l'eau qui la recouvrait jusque là puis je sentis effectivement ce qui le mettait dans cet état de souffrance. Une grande partie de son mollet était complètement arrachée, un véritable faussé se creusait dans son mollet et l'eau salée qui coulait dans la chair à vif ne devait pas être très agréable. Il hurla lorsque ma main s'enfonça presque de moitié dans sa chair.

-Tu peux ramper? Je vais chercher de l'eau claire.

Se rincer les yeux dans l'eau de la mer était quelque chose de totalement inconscient mais je n'avais pas le choix, je devais les ouvrir pour savoir ce que je faisais, peu importe si ça brûlait, je devais voir. Je me tournai et avançai de sorte à avoir de l'eau jusqu'aux chevilles, pris un peu d'eau en coupe dans mes paumes et m'en aspergeai le visage, frottai mes yeux que je pus ouvrir en ignorant cette incessante brûlure. Ce qui s'offrit à mes yeux lorsque je me tournai de nouveau vers Chanyeol m'horrifia.

J'ignorais comment il avait bien pu se faire une horreur pareille mais la question n'était pas de savoir le pourquoi du comment. Il fallait le sauver, maintenant. Sans attendre, sans prêter attention à ses plaintes, je le retournai et le soulevai au dessus du sable dans mes bras. C'est qu'il pesait son poids le cornichon mais maintenant que je voyais le sang dégoulinant, je me pressais de traverser l'étendue sableuse afin de trouver peut-être un robinet d'eau clair que l'on aurait mise à disposition des touristes pour qu'ils retirent le sel de leur peau en partant de la plage et effectivement, il y en avait un. J'assis Chanyeol sur le muret et allumai l'eau. Elle était fraîche et douce, le sel brûlait encore ma peau, je mourais d'envie de m'en asperger le corps durant des heures, ma souffrance en serait si vite abrégée.

Mais Chanyeol en avait plus besoin que moi pour le moment, c'était lui dont l'état était réellement critique. Alors, je me rincai simplement les yeux quelques instants, puis commençai ma tâche. D'abord, son visage, afin qu'il puisse recouvrer la vue, ses cheveux, puis ses bras, ses épaules, son dos, son torse, en limitant le plus possible la friction. Sa peau était si rouge et pelée, il a dû vivre un calvaire, sans parler de sa jambe.

-Chanyeol... je lui lançai un regard implorant son pardon.

Il comprit aussitôt. Je vis son regard changer, une scène très touchante, désespéré. Mais il hocha la tête, serrant la mâchoire, je lui tendis ma main, il la saisit. Lentement je dirigeai le faible filet d'eau vers sa jambe gauche, pas directement dans la tranchée mais en haut de son genou, afin que cela s'écoule naturellement et doucement dans sa chair et de limiter la douleur. Il grimaça lorsque l'eau froide pénétra dans sa plaie, je sentis ma main compressée douloureusement entre ses doigts mais je ne bronchai pas, il devait déguster encore plus que moi. Le sang se remit à sortir mais au moins, ce n'était plus aussi infecté qu'avant.

-Comment t'as pu te faire ça? Un récif? demandais-je une fois la torture achevée et me lavant à mon tour tandis que Chanyeol était assis sur le muret de bois, plaie à vif.

-Non, les mouettes sont des charognards.

Je frictionnais mes cheveux sous l'eau claire, une fois mon corps débarrassé de tout ce sel et de ce sable, je le regardais, attendant patiemment que je l'aide à marcher jusqu'à l'appartement saisonnier de sa grande soeur. Le saignement avait cessé mais le creux était toujours aussi profond, ce n'était vraiment pas beau à voir mais avec toutes nos acrobaties et les horreurs qu'on se faisait, on s'habituait au pire.

-Tu penses vraiment que c'est une mouette qui t'a fait ça?

-Plusieurs, oui. Elles ont dû penser que j'étais mort.

Mon dos était pratiquement entièrement dépecé et rougeâtre. Pendant que Chanyeol m'attendait encore sur le muret de bois, je partis à la recherche de nos affaires que nous avions laissées sur le sable cette nuit et par chance, elles n'étaient pas trop loin et je pus aider Chanyeol à se rhabiller assez rapidement. Avec mon aide, il se mit debout sur le muret et je lui tournai le dos, prêt à le recevoir.

-En route princesse, tu me guides?

Il ricana et acquiesça. J'admirais son courage, pour ne pas grimacer de douleur et garder une expression neutre alors que son mollet était entaillé comme un steak. Il riait, et bavardait, chair à vif, vent, sable et sel irritant l'intérieur de sa plaie, il ignorait sa douleur. C'était qu'il fallait trouver où Yoora travaillait, elle saurait sûrement quoi faire puisqu'elle avait déjà fait surveillant baignade, elle pouvait soigner n'importe quoi.
Chanyeol sur mon dos, avec mon t-shirt autour de sa jambe, me donnait les indications de direction bien que je connaisse le village quasiment par cœur. Le pauvre était épuisé, il n'avait même plus la force de contracter ses muscles suffisamment pour se maintenir agrippé à moi;  il avait perdu bien trop de sang. Je devais me pencher en avant pour le garder sur mon dos. Sur le grand clocher que j'atteignis illico, je pus voir l'heure, ce qui justifia l'absence quasi-totale de passants, il n'était que huit heures et Yoora travaillait déjà à cette heure.

-Yoora! Les mouettes ont pris ton frère pour un cadavre!