Quinze

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Mes yeux se rouvrirent. Ses doigts toujours posés sur ma nuque, mon bras encore en appui sur le lit.

-Je me suis inquiété comme un fou, espèce de taré. lui avais-je murmuré.

Il ne me répondit pas, mais son regard demandait pardon. Un long silence s'ensuivit. J'entendais son coeur battre, aussi fort et aussi vite que le mien.

Chanyeol m'a attiré vers lui puis m'a fait un bisou sur les lèvres, rien qu'une petite seconde, et sous le choc, je n'ai pas protesté. Vivait-il la même chose que moi? Se posait-il les mêmes questions? Avait-il les mêmes tourments?

Mon corps était tout chamboulé, ma tête aussi l'était. Depuis longtemps j'ignorais ce qui m'arrivais, et cette sensation était présente, parfois.

Lors de nos longues accolades précédant une grande période de séparation, comme l'année dernière où j'ai dû partir en Finlande pour l'enterrement de ma grand-mère, mon ventre frissonnait légèrement, et je n'avais pas envie de le lâcher.

Cette sensation s'invitait aussi dans mon corps lorsque je l'écoutais parler, fixant par habitude sa bouche se mouvoir, et que mon cerveau me montrait des images étranges de lui.

Cette sensation de frisson était maintenant décuplée.

Mon cœur avait tapé fort le moment où j'avais compris que je m'imaginais Chanyeol me faire un bisou sur la bouche.

Ça m'avait beaucoup surpris au début, même dégoûté, parce que papa me demandait tout le temps quand est-ce que j'allais lui présenter ma petite copine, au lieu de traîner tout le temps avec Chanyeol.

Et dans ma tête, un garçon ne pouvait être qu'avec une fille, c'était une évidence. Mais cette évidence a vite été remise en cause par ma mère qui me disait que, contrairement à mon père, elle ne me verrait jamais différemment, même si je préférais les hommes.

Ça voulait dire quoi préférer les hommes?

Puis j'ai suivi de cours de biologie sur "l'homosexualité", qui disait que l'attirance de quelqu'un pour un individu du même sexe était dû à une déficience cérébrale, mais ce terme ne m'avait pas plu. Parce qu'ils décrivaient ça comme un problème.

Ça ne devrait pas être un problème selon moi.

Puis j'ai demandé à Yoora, et elle m'avait dit que notre cœur tombait amoureux de quelqu'un, et ne voyait pas la différence entre les hommes et le femmes. C'était juste sentimental, que ça arrivait sans prévenir, comme n'importe quel amour.

Parfois je voyais deux garçons ou deux filles se tenir la main en se promenant, et dans ce monde où beaucoup pointaient ça du doigt, j'admirais leur courage.

Enfin, j'avais compris que le sentiment désagréable que j'avais lorsque j'étais loin de lui, ou que l'on était en froid était de la frustration, un vide que je voulais combler, et même en sa simple présence, elle persistait toujours un petit peu. 

Cette frustration était partie et à cet instant où nos yeux brillants de folie et d'adrénaline ne se quittaient plus, je me sentais complet, comblé.

Le fait que Chanyeol soit du même sexe que moi n'y changeait rien, la chaleur dans mon cœur était la même.

Était-ce tout ce dont j'avais besoin? C'était ce dont j'avais besoin, ce qu'il me fallait. Il était même probable que ça soit la réponse à toutes mes questions, l'explication de tous mes tourments.

-Dis moi au moins que tu regrettes d'avoir pris autant de risques. lui dis-je.

En tout cas, je ne regrettais pas ce que j'avais fait, peut-être que lui regrettait ce qu'il venait de faire et qu'il me trouvait dégoûtant, qu'il ne voulait plus jamais me revoir.

Parce que je crois bien que toutes ces sensations étranges qui apparaissaient en moi à cause de lui, étaient liées arun fait. Un fait simple mais que j'ai eu tant de mal à identifier, à comprendre et à accepter.

Je commençais à avoir des sentiments plus qu'amicaux envers Chanyeol.

Bien sûr, si je le répugnait à cause de ces sentiments naissants, je ne pouvais que comprendre. S'il ne m'avait embrassé que pour essayer, je me sentirais mal et honteux d'avoir réellement apprécié l'échange.

Mais pour le moment, il me souriait, et je souriais aussi. Ce sourire espiègle qu'il avait parfois, qui me faisait lever les yeux au ciel.

Les paupières fermées, il secoua la tête de droite à gauche, avec cet air effronté.

-Tu regrettes même pas...

Un silence de plusieurs minutes pendant lequel le malade mental stupide en dessous de moi m'affrontait de son regard unique à lui-même. Effronté, provocateur mais indirectement divinement tentateur.

-Allez montre moi le travail. tranchais-je pour fuir le léger malaise s'installant.

Comme si de rien n'était, il se redressa sur son lit d'hôpital et envoya valser son drap vert médical pour dévoiler une jambe dans un simple bandage. Chanyeol se pencha et commença à le défaire lentement.

-T'es sûr que tu as le droit?

-Mais oui, ils m'ont dit que je pouvais l'enlever quelques minutes si je voulais aérer.

Bientôt, une immense balafre toute propre se montra, bien fermée et recousue. Cela me fit sourire, comme si toute sa souffrance qui était à ma vue avait disparue, effacée et en bonne voie pour être rétablie.

Puis, de nouveau, je cueillis ses yeux. Oh non, lui, il n'était pas du genre à se laisser abattre; il en ressortira encore plus fort.

Après quelques minutes de dialogue silencieux, Yoora entra, je dûs descendre rapidement du lit d'hôpital avant qu'on ne me voie à quattre pattes au-dessus de Chanyeol.

Personne ne devait savoir, et personne ne saura.

Elle se rua précipitamment sur son petit frère et bientôt, tout une foule s'agglutina autour de lui. Quelques médecins, Yoora, madame Park et monsieur Park.

Moi, je reculai, une main sur la bouche, yeux exorbités. Comment ai-je pu faire une chose si folle? Comme ça, sur un coup de tête. Spontanément. Est-ce que je regrettais? J'avais envie de regretter, d'êtres assailli de remords puissants, de le regretter toute ma vie, de me traiter de monstre, de me détester.

Mais... J'ai adoré ça... Jamais je ne m'étais senti aussi libre et aussi comblé de toute ma vie. Et si ça ne tenait qu'à moi, je me serai déjà rué sur lui pour l'embrasser à pleine bouche.

C'était son regard qui m'en dissuadait, qui me suppliait de garder cet événement secret mais aussi j'ai lu dans ses yeux de garder les suivants sous silence également. Les... Suivants? Cela voudrait-il signifier qu'il désirait... réitérer  ça?

D'un coup, Chanyeol se mit à vomir ses entrailles. Trois quart des occupants de la pièce s'étaient enfuis en courant, ne laissant que Chanyeol, Yoora et moi.

Insensible à la vue du semi liquide répandu au sol, je contournai la flaque et lui servis un verre d'eau que je lui tendis, et qu'il but.

-Désolé... Ils me stressaient... Ils me regardaient avec mépris et fausse compassion, je n'ai pas supporté...

-Ce n'est pas grave mon ange, ton cœur a fait une rechute assez brutale après le pic que tu nous as fait, ça doit être ça qui t'a fait dégueuler. Je vais appeler une dame d'entretien.

Yoora sortit de la pièce, j'approchai Chanyeol doucement, lui qui était blanc comme un linge et lui proposai à nouveau de l'eau qu'il accepta volontiers.

-Sehun... murmura-t-il le regard dans le vague.

Je récupérai son gobelet en plastique et le lâchai dans la corbeille derrière moi sans lâcher mon ami des yeux.

Son silence en avait plus dit que tous les mots susceptibles d'être dits. Et j'avais parfaitement compris sa posture, le fait qu'il évite mon regard pour le perdre sur le mur blanc de la pièce inondée de lumière artificielle.

Yoora pouvait revenir à n'importe quel instant et ne devait rien entendre de ce qu'on pourrait potentiellement dire, ce qui expliquait notre silence.

-Promis.

No One Will Know || chanhunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant