Onze

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Chanyeol était revenu heureux ce jour-là. Nous nous étions endormis l'un contre l'autre dans le grand canapé hier soir et assez tôt le matin, j'ai deviné qu'il s'était levé puisque j'avais soudainement eu très froid.

J'étais beaucoup trop fatigué pour le retenir et lui demander où il allait donc je me suis simplement retourné face au dossier et roulé en boule tel un hérisson en espérant me réchauffer moi-même.

Cela n'était pas dans ses habitudes, il me saluait, du moins, me prenait dans ses bras pour me souhaiter la bonne journée quand on dormait ensemble, mais cette fois, non, et c'est ce qui m'a rendu triste.

J'étais donc en train de préparer le petit déjeuner pour nous deux, en préparant à côté le repas ce qui arrangeait fort Yoora puisqu'au moins, elle ne rentrait pas avec le stress de savoir ce que l'on allait manger. En plus, j'aimais bien cuisiner.

-Sehunnie! Tu ne devineras jamais ce que j'ai réussi à trouver!

Il était huit heures vingt et une, et j'ai failli tout faire tomber à cause de cette boule d'énergie qui a déboulé dans la salle de séjour, rapide comme l'éclair. J'avais sursauté et Chanyeol a sauté dans mes bras, tout heureux pour une raison que j'ignorais encore pour quelques instants.

-J'ai trouvé une protection élastique cent pour cent étanche à mettre sur n'importe quelle plaie bandée, aucune molécule d'eau ne passe!  C'est comme une seconde peau! 

J'étais si heureux pour lui, qui voulait tant y participer à cette compétition et faire la fierté de son entraîneur. Je ne pus tout de même m'empêcher de m'opposer à sa volonté d'aller nager aujourd'hui pour se remettre à niveau mais il m'avait proposé un pari. Si la dame de l'accueil ne se rendait pas compte qu'il était blessé, je lui devais une faveur, si au contraire elle s'en apercevait, lui me devra une faveur, peu importe, n'importe quoi tant que l'argent n'était pas concerné.

Je lui avais proposé d'y aller en bus, il avait accepté à la seule condition de se rendre à pied à l'arrêt, malgré les cinq premiers kilomètres qui nous séparaient du premier arrêt de bus. Au total, cinquante bornes entre ici et la piscine. C'était vraiment inconscient, il n'allait jamais guérir à ce rythme là, c'était après qu'il fallait faire sa rééducation. Mais je ne pouvais pas l'empêcher de faire quoi que ce soit nuisant à sa santé, personne ne le pouvait, il était incontrôlable, comme moi auparavant.

Auparavant? Pourquoi ne l'étais-je plus? Qu'est-ce qui était différent? Notre amitié était-elle toujours la même?

Pas le temps de répondre à ces questions, Chanyeol avait enfilé ses chaussures et avait franchi la porte sans moi.

Pourquoi avais-je sans cesse cette impression qu'il redoutait ma réticence dans tout ce qu'il entreprenait? Si bien qu'il faisait tout sans me demander mon avis, contrairement à avant où il ne faisait rien sans moi.

J'enfilais vite mes chaussures abîmées et m'élançais à sa poursuite, au pas de course, lui avait déjà vingt secondes d'avance. Je lui saisis fermement le poignet, il se retourna et ralentit en me voyant peiner à garder la cadence. Je fis comme si de rien n'était sentant sa main sur ma nuque et repris mon souffle en silence.

Il me souriait, j'avais du mal à comprendre pourquoi mais les yeux rivés sur mon visage chauffant de gêne, il souriait.

Nous marchions à présent dans les rues calmes et joyeuses du village, où quelques passants à la volée nous souhaitaient la bonne journée avec un sourire rayonnant, sous un soleil encore doux et ce petit vent de l'est, notre préféré.

Bien sûr, je ne me permis aucune remarque sur la façon inefficace dont il se rééduquait avant l'heure, et j'imaginais bien que les maîtres nageurs n'en pensaient pas moins que moi. Peut-être que par chance, Chanyeol les écoutera, même si honnêtement, je n'y croyais pas trop.

En attendant, il tenait ma main. Pas fermement ou les doigts enlacés, non, il tenait mon index comme un enfant qui apprenait à marcher. Étrangement, la dernière des choses que je voulais fut qu'il le lâche. Je voulais qu'il le garde, mais s'il chutait, cela ne m'aiderait pas beaucoup à le retenir alors je fis une chose bien curieuse. Mon index glissa hors de son étreinte, Chanyeol fit comme s'il ne s'en était pas rendu compte mais ne put faire autrement lorsque je saisis sa main entière.

Nos yeux se rencontrèrent. C'était embarrassant, nous étions arrêtés au milieu de la rue, et la plupart des vacanciers ne prêtaient pas attention à nous. Il rougissait à vue d'œil et ses yeux me posaient des questions tandis que sa bouche se taisait.

-Qu-Quelle heure il est? Me demanda-t-il.

De toute façon, nous étions très loin de notre petit trou perdu de village, où tout le monde nous connaissait et disait tout sur tout le monde, où la simple rumeur de deux garçons se regardant dans le blanc des yeux ferait le tour du bled en une après-midi. Ici, personne ne saura.

-Huit heures cinquante-cinq. Répondis-je après un bref coup d'œil à ma montre.

Il hocha la tête et nous reprenions notre route, sans pour autant qu'il ne lâche ma main, et je souris. J'ignorais toujours pourquoi, étais-je malade? Aucune idée, rien à faire.

Il y avait ce son de l'écume qui caressait le sable là-bas, et ces saloperies de mouettes qui croassaient au-dessus de la plage, le pavé irrégulier qui défilait sous nos pieds au fur et à mesure que nous marchions dessus. C'était agréable, mine de rien.

J'étais impressionné par le naturel avec lequel Chanyeol marchait, un pied devant l'autre, sans aucun boitement, comme s'il n'avait pas un fossé de vingt centimètres de long et onze de large à l'arrière de son mollet.

-Bonjour mes grands ! Nous accueillit la dame de l'accueil, qui était aussi un maître nageur.

-Bonjour Amber! Répondit Chanyeol avec un grand sourire. Je peux m'entraîner?

Elle nous voyait chaque été, environ quatre ou cinq fois dans la saison, et aimait beaucoup nous voir. Chanyeol avait mis un jean, de sorte à ce qu'on ne voie pas ses mollets, et était tout à fait naturel. Aucune chance qu'Amber ne remarque quoi que ce soit, à mon plus grand regret, mais je ne devais rien dire, et la saluais poliment.

-Bien sûr, tiens, la clé de casier.

-Bonne journée!

Bon sang, il avait un de ces talents d'acteur hors du commun. Nous nous engouffrons dans les vestiaires masculins où il se changea, tandis que j'enlevais mes chaussures et mes chaussettes. Il enfila tant bien que mal sa protection miraculeuse et l'ajusta autour de son mollet.

À peine au bord du bassin, il ne laissa en aucun cas le temps à Siwon, le surveillant de baignade, de voir son attirail qu'il plongea immédiatement dans l'eau.

J'étais assis sur le bord et je le regardais faire de nombreuses allées et venues juste sous mes yeux, glissant sur l'eau comme un dauphin. À vue d'œil, je voyais son dos devenir rouge écarlate à cause des brûlures inondées de chlore et encore une fois, j'éprouvais une profonde admiration pour son courage et sa rage de vaincre.

Mes tibias seuls, irrités aussi, trempaient dans l'eau et la sensation de brûlure était tout sauf agréable, je n'imaginais pas pour lui... Et son état était bien plus sérieux que le mien.

-Chanyeol, sors de l'eau, s'il te plaît.

Bon sang, Siwon, merci du fond du cœur.

No One Will Know || chanhunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant