Seize

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Il était encore très fatigué, il avait perdu pas mal de sang pendant sa course, son taux de globules blancs remontait de très peu, ainsi que son taux de glucose.

Il dormait la plupart du temps. Parfois, on parlait ensemble, comme au bon vieux temps, il me faisait part de son profond dégoût envers les repas immondes de l'hôpital.

Les rares fois où il pouvait sortir dehors, il était encore sous perfusion et marchait lentement avec sa barre roulante. Il voulait courir, sans arrêt, il essayait de détourner l'attention de son surveillant pour sautiller. Mais vite essoufflé, je lui sommais d'arrêter.

Je savais qu'il ne supportait pas l'immobilité, ce teint blafard, cette lenteur, cet endroit. Il avait envie de récupérer au plus vite, de s'en aller d'ici. Alors je lui répondais qu'il n'était pas un surhomme, la guérison prendra le temps qu'elle prendra et qu'en attendant, il devait se contenter de cet endroit morbide.

Rien ne s'est reproduit comme la dernière fois, comme s'il ne s'était rien passé. Or, moi, je n'avais pas oublié, et j'étais certain qu'il en était de même pour lui mais aucun de nous deux n'en avions rediscuté, c'était inutile.

Il mangeait peu, mais on lui injectait un tas de choses dans le sang, le peu de sang qu'il avait. Notamment du sucre, afin qu'il puisse reprendre des forces et c'était ce qu'il lui manquait le plus.

Moi, j'étais là. J'avais obtenu le droit de lui rendre visite tous les après-midi, après avoir parlé avec les médecins. Moi, ils ne m'ont pas écouté lorsque je leur ai dit que Chanyeol et moi étions inséparables, mais lorsqu'ils sont allés voir l'infirme, ce dernier leur a cité mon nom de but en blanc en réponse à la question "est-ce que tu aimerais avoir des visites régulières de quelqu'un? "

Ils étaient revenus vers moi et m'ont donné leur accord pour lui rendre visite tous les jours.

Cela dura quelques jours, par la suite, on m'annonça que Chanyeol pouvait quitter l'hôpital et rentrer chez lui pour se reposer s'il le désirait. J'étais réticent à cette idée, sachant parfaitement qu'il ne respecterait aucune des consignes et se remettrait immédiatement à faire du skate.

Mais c'était à lui qu'on avait posé la question, et je n'avais pas mon mot à dire.

"Non, je vais rester encore un peu. Je ne pourrai pas me reposer chez moi. "

Je me tournai vivement vers lui, afin de m'assurer que je n'avais pas inventé ce que je venais d'entendre et il s'avéra que non, lorsque je croisai ses iris brunes qui parurent me sourirent aussi.

Le médecin fit semblant de gribouiller quelque chose sur son cahier puis nous intima de ficher le camp de devant son bureau.

Cela dura quelques jours, Chanyeol déambulait énergiquement avec sa perfusion dans l'avant bras, et moi à ses côtés.

Nous disions bonjour aux gens de l'hôpital que nous avions fini par connaître et parfois, ils m'autorisaient à faire monter Chanyeol sur ma planche, pour le faire rouler doucement.

Bien sûr, ce dernier voulait toujours que je le lâche pour traverser les couloirs au sol lisse et verni du bâtiment à toute vitesse mais on le lui avait interdit.

-Dès qu'ils feront pas attention, je te jure, je le fais. avait-il déclaré dans mon oreille.

Et ce fut bien vite le cas, le responsable de Chanyeol avait été appelé à l'accueil, alors celui-ci se tourna vers l'infirme.

-Tu ne fais pas de bêtises jusqu'à mon retour, entendu?

Bien évidemment, il acquiesça de façon si angélique, un sourire innocent et de grands yeux, le médecin ne put faire autre que lui faire confiance. Or, dès qu'il disparut du couloir, le démon refit surface, prit son skate et fusa à travers les couloirs, avec bien-sûr moi à ses trousses.

Nous finissions par faire des courses de vitesse le long des couloirs, même si Chanyeol avait du mal à en prendre. On s'amusait bien, comme au bon vieux temps, lorsque personne n'était blessé. Mais c'était les risques de la vie, les risques de l'aventure.

Et c'était une vie que j'aimais, parce que je préférais vivre pleinement ma vie avec Chanyeol, de l'aventure et des risques plutôt que de suivre un destin tout tracé au marqueur et me cantonner à la vie paisible qu'on a décidé pour moi, une routine insupportable. Je ne voulais pas être un gentil garçon docile, ni une teigne sauvage invivable, mais un garçon libre, qui prend les choses comme elles viennent, qui se joue du risque et qui vit pleinement.

Et malgré toutes ces années où j'aurais pu avoir le temps de changer mon état d'esprit, mon souhait était toujours le même: cette vie, je voulais la vivre avec Chanyeol, aussi longtemps que possible.

Le médecin revint, pile au bon moment où Chanyeol et moi nous étions assis par terre à discuter de tout et de rien.

Ce soir là, on lui retira sa perfusion, ils avaient même accepté que j'assiste à ce moment. Ce fut d'ailleurs assez répugnant et curieux, je me demandais bien comment les médecins pouvaient retirer sans grimacer cette aiguille de quinze centimètres d'une veine en voyant tous les bouts de sang et de chair gélatineux s'y accrocher. Moi je regardais cela avec stupéfaction, la lenteur de cette action m'avait captivé. Comme si la tige de métal n'en finissait plus de s'extraire du bras de mon meilleur ami.

Ce même soir, Chanyeol put rentrer chez lui. Les médecins ont appelé Yoora qui arriva dans l'heure suivante pour nous ramener cette fois dans notre village.

Le trajet dura peut-être un peu plus d'une heure, et ça m'était égal puisqu'après tout, la musique que j'écoutais dans mon oreille gauche, me libérait de tout.

C'était ce qu'il y avait de mieux durant l'été, les soirs où l'on rentrait à vingt-deux heures et que la nuit ne se montrait toujours pas.

Tous deux, nous nous jetions sur nos mères respectives, la mienne me serra dans ses bras et par dessus son épaule, je vis Chanyeol se faire sévèrement réprimander alors que sa mère n'eut même pas pris le temps de lui souhaiter un bon retour ou un bonjour.

Elle ne lui arracha cependant pas une larme, malgré la claque qu'elle lui asséna. Il avait même l'air d'être indifférent face à ce que sa mère pouvait bien lui aboyer.

Je regardai ma mère, qui assistait également à la scène avec des yeux lassés du comportement de Madame Park et je sus qu'elle savait quoi faire.

Elle s'approcha derrière son dos, Chanyeol fit semblant de ne pas la voir arriver, adossé au cadre de la porte d'entrée.

-Ben alors, Young! On est même plus heureuse de revoir son propre fils? Rit-elle d'un ton enthousiaste en plaquant sa main sur son épaule.

Madame Park eut un immense sursaut, dont Chanyeol se délecta silencieusement.

-Ce n'est pas le moment des blagues... Il s'est blessé, je me suis inquiétée, il a pris énormément de risques et il aurait pu y rester!

-Je sais aussi ce qu'il a fait! Mais maintenant que tu sais qu'il est de retour en bonne santé et rétabli, un simple "Tu aurais quand même pu faire attention" aurait suffi, tu sais? Inutile de lui aboyer après alors que le mal est fait ma chère Young!  termina-t-elle sur le même ton enjoué.

Chanyeol lui sourit, Madame Park marmonna de mauvaise foi, ma mère s'approcha de mon meilleur ami et lui ébouriffa les cheveux, sur la pointe des pieds.

-Et puis notre grand garçon est un solide, hein? C'était sûr qu'il allait guérir vite. dit-elle en le serrant lui aussi dans ses bras sous les yeux de Madame Park toute penaude.

-Merci Madame Oh. sourit Chanyeol en baissant légèrement la tête.

-Mais attention gamin, ça veut pas dire que je suis fière de toi, hein? ajouta-t-elle, le sourire au coin des lèvres.

Ce sourire en coin que nous avions toujours traduit par "Ralalah, ces gosses alors"

Mon père arriva en peignoir, sortant probablement de la douche et nous souhaita à tous les trois un bonsoir. Le père de Chanyeol, lui, était en déplacement, sûrement à une réunion très importante à Séoul.

-Bon, vous avez dû avoir vraiment chaud pendant trois heures dans la voiture alors filez faire un saut dans l'étang, vous deux.

No One Will Know || chanhunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant